Dans un mois, l’expo Miradas de Mujeres ouvrira ses portes dans le plus important temple bruxellois de la culture. Isabelle de Borchgrave y reconstitue Casa Azul, la maison où naquit et décéda l’artiste mexicaine. Nous avons rencontré Isabelle à Knokke, où elle a présenté en août son exposition « Nile » chez Berko Fine Paintings. Tableaux plissés, bronze, tables, verrerie…n’y a-t-il décidément rien qu’elle ne sache faire ?
Rencontre avec Isabelle de Borchgrave
Qui a trouvé le nom de l’expo ‘Miradas de Mujeres’ (Regards de Femmes) ?
“La curatrice Sylvia Reyes, qui est espagnole. C’est une invitation, une rencontre entre deux femmes qui auraient pu être amies. Je raconte l’histoire de Frida Kahlo, mais son côté drôle, coloré et enjoué ».
Qu’est-ce que cela représente pour vous, une expo aux Musées des Beaux-Arts ?
“Un rêve, c’est certain. J’ai exposé partout au monde, mais n’ai eu qu’une seule exposition à Bruxelles, il y a douze ans au Parc du Cinquantenaire (de Médicis). Nul n’est prophète en son pays, ce qui vaut certainement pour la Belgique. Pour moi, il s’agit d’une reconnaissance après tant d’années et j’en suis très fière. »
Comment l’expo a-t-elle vu le jour ?
“Je dessinais neuf robes Frida pour une commande américaine, toutes en noir et blanc. Personnellement, cela ne me plaisait pas trop et j’y ai ajouté une étole bariolée, ce qui donna un effet tout à fait différent. Michel Draguet, le directeur du musée, passa par hasard me rendre visite dans mon atelier et m’a aperçue au travail. Une chose en entraîna une autre…”.
D’où vous vient cette profonde admiration pour Frida Kahlo ? Comme l’avez-vous découverte ?
“Comme tout le monde, j’ai vu son travail et lu des ouvrages sur sa vie. Elle nous a léguée une œuvre d’une beauté absolue et elle affectionnait les tenues traditionnelles et les belles étoffes, tout comme moi. Elle s’habillait, se maquillait, portait des ornements dans les cheveux. C’était sa façon de surmonter ses épreuves. J’admire ce côté d’elle, mais quasi personne n’en parle et c’est donc exactement cela que je veux faire à travers cette expo. »
Frida était autodidacte, alors que vous avez étudié au Centre des Arts Décoratifs.
“En fait, je pense que je suis également autodidacte. J’ai certes appris à dessiner de façon traditionnelle mais lorsque j’ai commencé à colorier les tissus, tout m’est venu naturellement. Ensuite, j’ai réalisé des robes en papier à l’aide de techniques que j’ai découvertes moi-même. Il en est de même pour mes sculptures en bronze, les tapis, la verrerie, etc. »
Vous dites que vous auriez été bonnes amies, mais vous n’avez jamais rencontré Frida.
“Parce que nous avons tant de choses en commun ! Frida avait une joie de vie invraisemblable, malgré toute la misère qu’elle a vécue. Elle aimait la vie, la bonne compagnie, les amis réunis autour de la table, l’amour, les blagues, les fleurs, un bon cigare, les tissus, les couleurs. Elle croquait la vie à pleines dents et savait sans doute très bien qu’on n’a qu’une seule.”
Avez-vous visité la Casa Azul au Mexique ?
“Bien sûr, je suis allée deux fois au Mexique et j’y ai visité la Casa Azul. Lors d’un dîner là-bas, j’ai rencontré la directrice qui m’a obtenue une visite guidée. J’ai pour ainsi dire pu fouiner dans chaque tiroir (ou presque) et ai eu l’occasion unique de découvrir les coulisses, une chose dont très peu de personnes ont eu le privilège. »
Comment l’expo est-elle conçue ? Comme une maison entière ?
“J’ai recréé différentes parties de la Casa Azul, qui me semblaient importantes pour Frida (elle avec son mari dans le studio de ses parents, son atelier, sa cuisine, le jardin…).
Le visiteur peut littéralement déambuler dans le monde de Frida. Tout est en papier et trois dimensions : ses vêtements de travail, ses meubles, plantes, tapis, ceintures, assiettes, vases, son matériel de dessin, sa guitare, les banquettes, moucharabiehs, chiens, perroquets et son dressing avec une quarantaine de robes. Une surprise vous attend au premier étage, une ode à la Fête des Morts, sans doute la fête la plus importante au Mexique. On y trouve un autel, des squelettes dansant, deux-cents crânes en carton…”
Comment la joie de vivre de Frida est-elle présente dans l’expo ?
“Surtout à travers les couleurs, le jaune était sa couleur préférée. J’espère que le visiteur découvrira tout ce que l’on peut faire avec le papier. Je ne me focalise pas sur la maladie ni la douleur de Frida, tant d’autres expos le font, mais plutôt sur son amour des couleurs et des tissus. Ce sera quelque chose de tout à fait différent de ce que les musées présentent habituellement. Par ailleurs, chaque pièce, aussi petite soit-elle, est réalisée à la main. »
Que devient l’expo après sa clôture ?
“Elle voyagera, en commençant par Naples en Floride. Et après cela, sans doute dans de nombreuses autres villes. »
Miradas de Mujeres – Isabelle de Borchgrave X Frida Kahlo, du 14 octobre au 12 février aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique. Infos : www.fine-arts-museum.be
Crédits photo à la une : Michel Figuet. Repos © Presse