L’amour triomphe toujours…

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Après « Le Concert » et « Va, Vis et Deviens », Radu Mihaileanu signe un nouveau chef d’oeuvre du 7ème Art adapté du livre de Nicole Krauss « L’Histoire de l’Amour ». En salle dés aujourd’hui, ce film tendre, triste et drôle à la fois est comme une longue déclaration d’amour… Mais aussi une promesse : que l’humour et l’amour seront toujours les armes les plus puissantes de l’univers ! Rencontre avec un réalisateur qui a mis beaucoup de coeur à l’ouvrage. 

Pourquoi « L’Histoire de l’amour »? 

Radu Mihaileanu : J’ai toujours fait des films militants, Ceausescu et le virus de la dictature me poursuivent encore malgré ma naïve sensation de liberté. Il me semble qu’aujourd’hui la plus grave et profonde crise que l’humanité traverse – qui engendre toutes les autres – est l’incapacité d’aimer l’autre. Nous vivons une époque où l’amour de soi triomphe sur le projet de vie d’avoir la joie et la satisfaction de faire du bien à l’autre, de croire en l’autre. Parfois l’amour semble désuet, dégradant, ringard, «conservateur». J’ai adoré défendre ces dinosaures utopistes qui se battent pour le sentiment amoureux, pour l’amour qui aide à survivre à tout.
Le projet est venu à moi par mes deux producteurs, Marc-Antoine Robert et Xavier Rigault : ils m’ont proposé d’adapter le livre de Nicole Krauss qui m’avait été offert par une amie et que j’avais lu trois ans plus tôt. Je l’avais adoré mais je ne m’étais pas du tout posé la question d’une adaptation, même s’il était très proche de mon univers. Je relis donc le livre beaucoup plus attentif à sa narration complexe, déstructurée et très littéraire, qui me posait des questions par rapport au langage cinématographique. Comme la lecture m’enthousiasme à nouveau, je demande un temps de réflexion : ce qui me semble essentiel, c’est de savoir comment entrer dans l’histoire et comment organiser le récit, sachant qu’il y a deux, voire trois histoires parallèles. Et comment, sans briser l’identité et la force du livre, le rendre accessible à une écriture cinématographique.
une-life-magazineLe livre m’a attiré dans ses filets sans doute par un langage et des thèmes qui me sont très chers, qui font appel à ce que je suis : outre l’humour et l’identité, il y avait la survie et l’idée de la dignité humaine – autrement dit, le film pose la question de savoir comment se remettre debout quand l’Histoire collective et l’histoire individuelle nous ont quasiment anéantis. D’où la thématique du déluge qui touche tous les personnages du film, même les plus légers et les plus drôles, dans le sens de «tragédie absolue». Ce thème du déluge est développé comme une rhétorique, il revient de temps en temps, accompagné de son thème musical (partition pour cuivres) où l’on sent que la vie se déchire comme un tonnerre pour mieux renaître par la suite. Le déluge est intimement lié au thème de la survie. D’ailleurs, l’un des personnages principaux est celui qui a survécu à tout : il ressemble à mon père qui, à 95 ans, a tout traversé : l’extrême-droite roumaine d’avant-guerre, le nazisme, un camp de concentration, le stalinisme, Ceausescu, l’immigration… À l’image du personnage de Léo qui a cette capacité à renaître grâce à l’amour, mon père est animé par l’amour des gens et de la vie. Il est capable de la folie et de la pitrerie la plus drôle parce qu’il a touché le fond et qu’il a toujours été sauvé du déluge par l’humour et l’amour des autres. Il est habité par la tragédie mais il a en lui ces antidotes magnifiques qui le sauvent des eaux. Le Lamed Vovnik, associé au thème du Messie, est l’un des 36 sages qui portent la Terre sur leurs épaules. Comme la mythologie juive repose sur l’attente du Messie, ce qui compte, c’est de l’attendre et non pas qu’il arrive : on peut donc s’améliorer chaque jour lors de ce rendez-vous repoussé à l’infini. Dans le film, c’est un petit garçon qui pense être le sauveur du monde en portant la Terre sur ses épaules.

Drame ou comédie ? 

RM: L’humour est ma soupape de survie : il fait partie de notre identité, de nos traditions juives, familiales, arme contre
la dictature et il a adouci mon destin d’immigré. En Roumanie, on a survécu à la folie grâce à l’humour. On le retrouve partout dans l’identité juive. Il était évident – et le livre en abondait – que je ne pouvais traiter l’histoire et les personnages que par l’humour comme manifestation de ce désir fou d’aimer les humains et d’aimer la vie. L’humour comme trait d’esprit qui vainc la mort, l’humour comme arche contre le déluge. Il était donc indispensable d’épouser ce rythme propre à l’humour. Et que Léo atteigne cet humour du désespoir. Tout comme lui, Bird et Alma se devaient d’être drôles, il fallait qu’ils se défendent contre l’adversité par l’esprit. Pour moi, l’amour comme l’humour sont la plus noble façon de dire «je suis vivant».

Synopsis

Il était une fois… Un garçon, Léo, qui aimait une fille. Il lui a promis de la faire rire toute sa vie. La Guerre les a séparés, mais Léo a survécu à tout pour la retrouver et tenir sa promesse. De nos jours à Brooklyn vit Alma, une adolescente qui découvre l’amour pour la première fois. Rien ne semble lier Leo à Alma. Et pourtant… De la Pologne des années 30 à Central Park aujourd’hui, le manuscrit d’un livre « L’Histoire de l’Amour » va voyager à travers le temps et les continents pour unir leurs destinées.

« L’Histoire de l’Amour », réalisé par Radu Mihaileanu, actuellement en salles!


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