film la fiancée du désert

La Fiancée du Désert : un voyage dans le coeur d’une femme de 54 ans

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A une époque où l’on cherche à nous convaincre que tout ce qui n’a pas été tenté dans notre jeunesse ne pourra jamais l’être plus tard, Cecilia Atán et Valeria Pivato réaffirment l’importance de la quête de notre épanouissement au-delà du temps qui passe. En salle le 27 décembre, « La Fiancée du Désert » est un voyage à travers l’immensité du désert argentin. Mais c’est aussi le début d’une nouvelle vie pour Teresa, une quinqua désabusée qui se voyait au bout du chemin…

Et si la vie commençait à 50 ans ?

Apprendre à (s’)aimer à la cinquantaine, cela n’arrive pas qu’au cinéma ! Tel est le message fort que voulaient faire passer les deux réalisatrices de la Fiancée du Désert à travers les aventures de Teresa. Les années ont passé, et Teresa s’est accrochée au peu qu’elle avait, persuadée de faire vraiment partie de la famille à laquelle elle a consacré toute sa vie.  Soudain, tout s’effondre. Teresa se retrouve sans rien à 54 ans.

« Nombreux sont ceux qui y verraient la fin de l’histoire, pour nous au contraire c’est le début. Nous pensons que ce bouleversement, cette insécurité soudaine en quelque sorte, peut être le révélateur du vrai potentiel d’une personne en ce sens qu’il fait remonter à la surface des sentiments et des désirs trop longtemps enfouis. Le voyage qu’entreprend Teresa à travers le désert est comme un éveil à la vie, elle peut enfin prendre conscience de sa propre force de caractère. Le désert est hostile, et ce voyage renvoie finalement au mythe fondateur du Sanctuaire*où Deolinda Correa est morte de soif en traversant le désert avec son bébé dans les bras, mais celui-ci est parvenu à survivre en se nourrissant au sein de sa mère décédée. C’est ici la force de la Nature qui s’impose dans l’adversité, le destin plus fort que la spéculation, l’imprévu comme vecteur du changement. C’est dans ce lieu quasi mystique que Teresa va prendre un nouveau départ dans la vie. » explique les auteurs de ce magnifique film. « Elle perd son sac avec toutes ses affaires et cet imprévu l’amène à croiser le chemin du Gringo, un homme charismatique qui va devenir son compagnon de voyage, celui qui l’accompagne dans sa « quête ». Le monde de Gringo se résume à son camion, et face au désert aride, il constitue une figure à la fois rassurante et inquiétante, et c’est ce paradoxe qui fascine Teresa. Au fil de la route et des rencontres, cette femme silencieuse et à l’allure impénétrable reprend peu à peu des couleurs. Les lieux et les personnes qui jalonnent son voyage, aussi différents soient-ils, participent comme le Sanctuaire à son ouverture au monde dans toute sa diversité. » ajoutent-elles avec poésie.

3 QUESTIONS à Cecilia Atán et Valeria Pivato

  1. Comment est né « LA FIANCÉE DU DÉSERT » ? L’idée nous est venue il y a cinq ans environ. Nous cherchions un moyen différent de raconter la Femme au cinéma : une femme dont la vie change soudainement à un âge au-delà duquel on pense volontiers qu’il est impossible de se réinventer. Teresa, l’héroïne de « LA FIANCÉE DU DÉSERT », a consacré sa vie entière à une famille qui n’est pas la sienne, et cela sans jamais prendre de temps pour elle comme c’est souvent le cas pour les employées de maison en Amérique latine. Celles-ci restent parfois au service d’une famille pendant plusieurs décennies sans jamais y être véritablement admises. En l’occurrence, Teresa s’est réfugiée dans une certaine routine, répétant chaque jour les mêmes tâches, jusqu’au jour où elle est forcée de partir. C’est un changement très brutal pour elle, mais inconsciemment c’est aussi le début d’une nouvelle vie.
  2.  Pourquoi avez-vous choisi de raconter l’histoire de Teresa sous la forme d’un road-movie à travers le désert argentin ? Dès le départ, nous savions que notre héroïne allait devoir changer de vie. Cela impliquait du coup l’idée d’un voyage qui s’est imposé à nous sous la forme d’un road-movie. Nous voulions que le récit avance pas-à-pas, de manière subtile, afin que nos deux personnages principaux apprennent progressivement à se connaître. Pour autant, le film ne relève pas d’un seul genre ou d’une seule tonalité : le voyage que nous proposons ne rentre volontairement pas dans des cases précises. Le désert, par son immensité et son aridité, renvoie-t-il au vide émotionnel et relationnel que Teresa va apprendre à combler ? Là encore, pendant l’écriture du scénario, nous avons trouvé l’inspiration à travers une phrase qui résume bien nos intentions : « c’est seulement en traversant le désert que l’on se trouve soi-même ». Pour nous, le désert a toujours joué un double rôle : d’un côté le décor dans lequel le récit prend place, de l’autre une métaphore du voyage personnel que Teresa entreprend. Nous l’avons pensé comme un révélateur du nouveau sens que Teresa va donner à sa vie. Elle se perd dans le désert pour mieux s’y retrouver elle-même. Ce paysage aride la libère de son passé et alimente son futur. Elle découvre de nouveaux horizons, rencontre de nouvelles personnes.
  3. Paulina García est incroyablement naturelle et touchante dans le rôle de Teresa. Comment l’avez-vous choisie ? Nous avons très tôt souhaité lui confier le rôle. Nous lui avons donc envoyé une première version du scénario dès 2013. Elle est littéralement tombée amoureuse du projet et de Teresa, c’est pourquoi elle nous a accompagnées tout le long de la préparation. Ce temps passé ensemble a considérablement nourri le personnage. Paulina a donné une interprétation très subtile de Teresa, que ce soit dans ses gestes, sa manière d’être et même ses silences. Encore aujourd’hui, quand nous revoyons le film, nous sommes surprises de la somme de détails que constitue cette performance exquise. Paulina et Teresa sont devenues une seule et même personne au fil des semaines, au point que Paulina a pris le temps de dire au revoir à Teresa à la fin du tournage. Elle lui a écrit un très beau message : « Aujourd’hui est le dernier jour de Teresa dans le désert. Ici je te laisserai ce soir. Ici tu resteras pour toujours comme la Défunte Correa. Sous ces vastes cieux, ce soleil implacable et ce vent si agréable. Aujourd’hui je prends une minute pour me souvenir une dernière fois de toi, sur cette route si sèche et pourtant fleurissante comme toi. Nos souvenirs à jamais vivants resteront ici. Je vais éteindre cette lumière mais la fiancée du désert vivra éternellement. Une petite bouteille d’eau en ton nom. » Paulina García, 16 décembre 2016.

« La Fiancée du Désert », le film de Cecilia Atán et Valeria Pivato, sortira au cinéma ce 27 décembre.

 

* Le Sanctuaire de la Défunte Correa, situé dans le désert de San Juan (centre-ouest de l’Argentine), est un lieu de pèlerinage où des centaines de personnes se rendent chaque année pour faire des vœux, solliciter des miracles et remercier des faveurs attribuées à cette sainte païenne. C’est un endroit mystique, coloré et disparate, grâce aux milliers d’offrandes diverses telles que bouteilles d’eau, robes de mariée, sculptures, maquettes…


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