Transmettre, c’est donner ce que nous avons nous-mêmes reçu ou appris. Consciemment ou non, nous transmettons à notre entourage et à nos enfants des valeurs, de l’amour, des expériences, des aptitudes, des savoirs…ou de la bienveillance comme nous le recommande Catherine Gueguen, une des intervenantes de la journée du 24 septembre.
Par Christiane Thiry
Par rapport à tout le travail que vous avez mené sur le terrain et présenté dans vos livres, qu’allez-vous transmettre pendant la 1ère journée Emergences ?
Moi, ce que je veux avant tout transmettre, c’est que nous vivons une époque extraordinaire, de victoire de l’humanité car ce qu’intuitivement certaines personnes pensaient sur les bienfaits de l’empathie et de la bienveillance se trouve aujourd’hui conforté. En tant que pédiatre, j’ai toujours perçu que c’était cette approche qu’il fallait adopter vis-à-vis des enfants, mais sans pouvoir la valider auprès des parents. Or, au 21e siècle, la recherche pure et dure au niveau du cerveau montre qu’une relation bienveillante, empathique, soutenante favorise le bon développement de l’enfant. Car cette attitude permet à son cerveau, très fragile, d’évoluer de façon optimale tant au niveau affectif qu’intellectuel. Les liens affectifs influencent à la fois les capacités de mémoire, d’apprentissage, de réflexion, mais aussi les capacités relationnelles, les émotions, les sentiments. Ils modifient la sécrétion de molécules cérébrales, le développement des neurones. Ils modifient également la régulation du stress, et même la faculté d’agir de certains gènes. Les neurosciences confirment que le besoin d’attachement et une éducation bienveillante sont vitaux pour l’enfant.
Ces nouvelles connaissances sur le cerveau devraient donc nous amener à changer la manière d’éduquer notre progéniture?
Oui car c’est une véritable révolution, d’autant qu’actuellement les statistiques de l’Unicef sont catastrophiques : dans le monde, 80% des enfants subissent quotidiennement des humiliations verbales et physiques aussi bien chez eux qu’à l’école. Et les adultes pensent que c’est la bonne méthode : qu’il faut brimer et humilier les enfants pour qu’ils se comportent et évoluent bien. Ces recherches en neurosciences affectives et sociales démontrent que c’est le contraire qu’il faut faire.
Que proposez-vous pour opérer ce changement de paradigme auprès de générations de parents élevés sous la menace et à coups d’humiliations ?
De fait, la majorité des adultes ont été élevés avec des punitions et sommés d’obéir sous la pression du « Je compte jusqu’à trois: un, deux… » ou humiliés par des propos tels que « Qu’est-ce que tu es maladroit! », « Tu es infernal! ». Ils banalisent cette forme de violence, sans imaginer qu’elle a des conséquences psychologiques mais aussi physiologiques.. Il faut aujourd’hui leur faire savoir et comprendre qu’une éducation bienveillante n’est pas laxiste, que l’adulte y est un modèle qui doit se comporter comme il voudrait que l’enfant se comporte. S’il veut que son enfant ne crie pas et ne soit pas violent, il faut d’abord qu’il ne le soit pas lui-même. Ensuite l’adulte doit se comporter comme un vrai adulte : il doit transmettre des valeurs, poser un cadre et des limites avec bienveillance et empathie c’est-à-dire en écoutant et en comprenant les émotions de l’enfant. Il doit savoir dire non de manière bienveillante, sans punition et sans chantage.
Qu’apportent encore ces recherches sur la manière dont fonctionne le cerveau ?
Elles montrent aussi que l’enfant a un cerveau très immature et qu’il faut donc cesser de voir un comportement intentionnel dans les colères des tout-petits. Les « caprices », ça n’existe pas! Les enfants souvent qualifiés de « tyrans », ne sont simplement pas capables de gérer leurs émotions avant 5 ou 7 ans. Quand un bambin se roule par terre, ce n’est pas pour manipuler ses parents, c’est parce qu’il vit une tempête émotionnelle qui le dépasse, face à laquelle il ne peut prendre du recul. Il vit de grandes colères, de grandes peurs ou de grands chagrins qu’il ne peut apaiser seul. Au lieu de vouloir rester fermes ou d’entrer dans un rapport de force, il s’agit pour les parents de se tenir aux côtés de l’enfant pour mettre des mots sur ce qu’il ressent, le sécuriser, le consoler. Sans pour autant céder à ses désirs quand ceux-ci ne sont pas justifiés. En « maternant » leur enfant, Ils participent au développement de son cerveau cognitif et affectif.
Où et comment les parents peuvent-ils s’initier à une éducation bienveillante ?
Tout d’abord, le fait de comprendre à l’aide des connaissances actuelles ce que c’est qu’un enfant permet de poser un autre regard sur lui et d’avoir de la compassion et de l’empathie pour lui. Ensuite, beaucoup d’aides peuvent être apportées aux parents et aux professionnels de l’enfance. Je leur recommande de se former par des stages ou des livres à la communication non violente de Marshall Rosenberg, un outil de transformation personnelle très profond qui permet de nouer des relations plus harmonieuses. J’essaie, en France, de le faire rentrer dans l’éducation nationale. C’est un outil d’autant plus précieux que l’on sait aujourd’hui que les humiliations verbales et physiques freinent ou empêchent la maturation du cerveau et peuvent entrainer des troubles du comportement comme l’anxiété, l’agressivité ou la dépression. Je suis très reconnaissante aux chercheurs car ils démontrent l’importance de changer la façon dont nous éduquons nos enfants. C’est très réconfortant de savoir cela, cela donne de l’espoir car on sait comment rendre le monde plus pacifique et plus chaleureux
Le samedi 24 septembre de 9 à 17h, à l’auditorium 2000 (Brussels Expo), en compagnie de Frédéric Lenoir, Christophe André, Frère Guillaume, Catherine Gueguen, Céline Alvarez, Matthieu Ricard, Rebecca Shankland et de Frédéric Lopez. Y seront explorés différents points de vue sur la transmission, entre philosophie, psychologie, médecine et recherche.
Inscriptions via Ticketmaster, en ligne sur https://www.ticketmaster.be/event/13801
par téléphone au +32 70 660 601 ou dans un des points de vente de Ticketmaster.
erkyna@emergences.org.
Article paru dans le Psychologies
www.psychologies.com