Une fleur d’oranger récoltée à la main en Tunisie, dans la région de Nabeul, et travaillée de quatre manières différentes pour obtenir des facettes aux nuances variées, est au cœur du nouveau jus L’Interdit Rouge Ultime de Givenchy. « Ces diverses extractions nous permettent d’obtenir une expression de la fleur qui se déploie tout au long du parfum, des notes de tête à celles de fond », explique Anne Flipo, qui a créé la fragrance avec deux autres maîtres parfumeurs, Dominique Ropion et Fanny Bal. « La facette s’enrichit, s’exprime en plusieurs dimensions. Une facette croquante et verte avec l’essence de néroli, une facette plus fleurie avec l’extrait obtenu en utilisant du CO2, puis on va vers plus de sensualité avec l’absolu et enfin on a la facette la plus miellée, texturée via la concrète. Le quatuor de fleurs d’oranger est constant dans la gamme L’Interdit, c’est une matière iconique et exclusive. »
Avec des étalages qui débordent de flacons, l’accès à des matières premières d’exception est un enjeu de taille et permet aux marques de se démarquer. « Nous, les parfumeurs, maîtrisons la formulation, mais nous travaillons avec toute une équipe qui s’occupe de mettre en place de nouveaux ingrédients naturels ou de synthèse », précise Anne Flipo. « Après, c’est à nous de bien les utiliser, les associer, les ‘overdoser’. Chez IFF, on est très aidés par la société LMR qui en dépend et qui nous propose les meilleures qualités, les meilleurs ingrédients et des nouveautés en termes d’extraction. »
Parfums de vie
Né à Grasse dans une famille de parfumeurs depuis sept générations (« mes grands-parents cultivaient la rose, le jasmin, la verveine »), Aurélien Guichard a lancé la marque de fragrances de niche Matière Première en 1998. « J’ai grandi dans un milieu où, à table, on parlait de parfums de manière passionnée et passionnelle. On m’a transmis l’idée que la matière est sublime, que revenir à la matière première, c’est revenir à l’essentiel. On n’a pas besoin de sur-complexifier les choses quand on travaille avec de la qualité. »
Le nez construit ses jus autour d’un ingrédient- phare, utilisé en overdose, et facetté de façon personnelle. Une matière première centrale en rien choisie pour des raisons marketing. « Il y a un certain nombre d’ingrédients qu’on cultive nous-mêmes, comme la rose. Il a fallu 4 ans pour commencer à
la produite et avoir assez d’absolu. Une fois prêts, nous l’avons utilisée pour Radical Rose. Pour le choix des matières qu’on source à travers le monde, ce qui est décisif, c’est souvent une rencontre avec des producteurs qui ont un savoir-faire particulier. Par exemple le santal de Santal Austral vient d’Australie, via une société, Dutjahn, qui est la propriété d’Aborigènes locaux. J’avais entendu parler de cette société qui avait reçu beaucoup de prix pour son développement éthique, le fait que tout était fait localement. Pour le safran, j’avais demandé à différents producteurs de m’envoyer ce qu’ils font. Un flacon de safran est arrivé sur mon bureau, en provenance de Grèce. Et il m’a donné une idée pour Crystal Saffron. Presque dans la journée, j’ai fait des essais, et le lendemain, le parfum était fini. Parfois il me faut 6 mois-1 an en commençant de l’ingrédient pour obtenir le jus et d’autres fois, comme ici, il me faut 2 ou 3 jours. »
Ingrédients durables et équitables
Au cœur de la nouveauté Vanilla Powder de Matière Première, se trouve un absolu de vanille de Madagascar, laquelle est cultivée dans le cadre d’un programme Fair for Life qui soutient la population locale (construction d’écoles, panneaux solaires…). Loin de la note gourmande, la vanille malgache a ici été contrastée avec un bois en provenance d’Équateur, le palo santo. « En tant que parfumeur, je connais des vanilles qui ont déjà été créées par de grandes maisons, souvent dans un traitement sombre, proche de la gousse, presque sucré. Pour sophistiquer cette vanille-ci, j’ai voulu l’amener vers quelque chose de clair, blanc et de pas sucré tout en étant addictif. Le travail a été de la contras- ter avec un autre ingrédient, le palo santo, un bois assez frais. Les chamanes avaient pour tradition de le brûler pour utiliser la fumée à des fins mystiques. Cette fraîcheur verticale est presque un inverse à la vanille, toute en rondeur. »
Pour la nouvelle fragrance de la famille L’Interdit, Anne Flipo et ses confrères ont opté pour une matière première upcyclée : des cabosses de cacao qui étaient autrefois jetées. « On valorise un déchet qui n’était pas utilisé jusque-là », explique-t-elle. « C’est l’enveloppe de la fève de cacao qui est retravaillée et donne une matière première extraordinaire. Une note puissante, profonde, gourmande, naturelle comme un cacao à 90% qui n’est ni collant ni sucré. Cela confère un côté délicieux et captivant au parfum. » Dans notre monde en plein réchauffement climatique, les ingrédients se doivent d’être durables. « À l’horizon 2030, notre palette va complètement se renouveler. De tout temps, on a eu des ingrédients qui sont arrivés et d’autres qui sont partis. On a dû faire avec et c’est très intéressant, même d’un point de vue créatif. Nous devons oeuvrer dans la transparence des filières et des sourcings. Chez IFF, on a une plateforme pour le vétiver en Haïti, pour le patchouli en Indonésie, pour le jasmin en Inde, pour le santal en Nouvelle- Calédonie, pour le narcisse en Auvergne, pour la fleur d’oranger en Tunisie… Cela nous permet d’assurer notre approvisionnement et de très bien maîtriser tous les ingrédients en travaillant dessus, donc d’obtenir des qualités exceptionnelles. Je suis convaincue que le consommateur le perçoit. »
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Photo couverture : Istock.