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Mondo Cane : les Belges à la Biennale de Venise

Avec une exposition intitulée Mondo cane, les belges Anne-Claire Schmitz, Jos de Gruyter et Harald Thys tentent de plonger le visiteur dans une société repliée sur elle-même, où la tradition est érigée en valeur refuge. Décryptage du pavillon national à la Biennale de Venise, édition 2019.

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Tout d’abord, pardonnez-nous ce titre au vocabulaire quelque peu rustre. C’est que le duo d’artistes de Gruyter et Thys ont choisi une expression populaire italienne pour nommer leur exposition. Comme l’explique la commissaire Anne-Claire Schmitz, c’est dans leur ADN : « Ils ont l’habitude de faire un clin d’œil au pays où ils exposent. Ici, c’est en lien avec un juron de la culture populaire italienne ».

Dans un autre registre, quand on recherche Mondo cane sur le web, on tombe sur le documentaire éponyme de Paolo Cavara, Franco Prosperi et Gualtiero Jacopetti datant de 1962. Un film qui a l’époque choqua les esprits pour les bizarreries et autres rituels étranges qu’il mettait en avant. Mondo cane, le documentaire, se voulait le miroir des pratiques culturelles inusuelles à travers le monde.

Dont acte. La toile de fond est plantée. Mondo cane, le concept des belges à la Biennale 2019, transpire cette bizarrerie… Entre figures folkloriques, personnages peu recommandables et légendes, l’univers dans lequel nous sommes invités à pénétrer « dérange ».

Un pavillon, un site et une publication

A la lecture du guide du visiteur, on découvre vingt personnages aux noms aussi étranges qu’intrigants : Flap et Flop, la femme-Ratte, Franceline de Veugeleir, Ernst Wollemenger, Jacobina Bienebol, Madame Legrand, Mosquetero sin Dinero, Rocco Swenty di Malaga, Kristinus Oplinus, L’idiot, Le rémouleur de Wexford, Lathgreta Toft, Sateri, Le sonneur, De Belder Guido, Irmgard Speck, Ilse Koch, Le Suisse et Le Pasteur Simons.

De la collabo française (Mme Legrand) aux déficients mentaux hollandais (Flap et Flop) en passant par le mafioso italien (Sateri), ce ne sont pas les plus glorieuses facettes de la société qui se retrouvent illustrées dans Mondo cane.

C’est même plutôt l’inverse. Ces personnages nous inspirent quelque pitié et méfiance. Aucune envie de sympathiser avec eux. Plutôt trouver vite fait le réconfort de son quotidien, son cocon, son home sweet home et ses habitudes. Et d’évoquer ici le repli sur soi. Un repli bienfaiteur face à l’adversité de certains ? Repli pourtant nocif s’il devient extrême et définitif ? Que veulent nous dire ces artistes ?

Entre le pavillon belge, un site web dédié au projet et une publication (Ed. Fonds Mercator), ce sont trois types de médias qui sont utilisés pour décliner l’idée. Le premier, le pavillon, le plus monumental propose une gigantesque installation d’automates grandeur nature incarnant les personnages précités.

Des sons et les mouvements sont activés par la présence du spectateur. L’ambiance n’est pas joyeuse puisque sont reproduits rengaines (annonçant la mort imminente entre les mains du rémouleur de Wexford), cris plaintifs (du sonneur licencié pour ses mauvaises blagues) ou bruits d’instruments de travail (tel le rouet d’Irmgard Speck qui fila pas moins de 400.000 kilomètres de fil durant son existence, ne supportant pas le contact social).

Le pavillon se veut comme un musée folklorique exposant la figure humaine. Aux murs sont exposés des dessins de paysages calmes, plats. Epinglons ici que Bozar accueillera Mondo cane en 2020.

Le second, le site Mondocane.net a été réalisé par les artistes. Il constitue un espace et une application à part entière du projet. Le site offre une navigation cadrée et aléatoire à travers une centaine de vidéos YouTube sélectionnées par les artistes. Sur la page d’accueil, les grilles s’ouvrent.

Il faut alors sélectionner sa langue à travers les drapeaux du monde entier qui y sont représentés. Nous avons eu le plaisir voyeur de nous immiscer dans une querelle de voisinage dans la campagne française. Pittoresque, cliché et commérages.

Le troisième et dernier volet de ce projet artistique est une publication. Un beau livre édité chez Mercator et qui compile des articles puisés dans Wikipédia relatant des pratiques culturelles et divers faits et événements à propos du monde qui nous entoure. Chacun est décrit et illustré par les artistes. Le tout avec un ton informatif, peu spectaculaire et méthodique.

Les p’tits Belges à Venise

La sélection de Jos de Gruyter et Harald Thys par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour la représenter au pavillon belge de la 58e Biennale de Venise n’a pas fait que des heureux à l’époque. Et oui, des Bruxellois d’origine flamande pour représenter la FDWB, cela a fait tiquer. Pourtant, ne faudrait-il pas y voir un signe que la Belgique est bel et bien là et que l’union des forces créatrices de ce pays dépasse des politiques et une administration culturelle « séparatrices » ?

Mondo Cane, Pavillon belge, 58e Biennale de Venise, jusqu’au 24 novembre 2019, www.mondocane.net, www.belgianpavilion.be.

 


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