Grotesque et tragique à la fois

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Après P’tit Quinquin, Bruno Dumont signe une comédie aux origines du burlesque, Ma Loute, où le rire naît du pire et retrouve sa fonction cathartique. Le comique se teinte aussi de romantisme par la voie d’une intrigue amoureuse incongrue et de mystère par le biais d’une enquête policière. Un film qui se joue des genres.

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Lorsque Bruno Dumont reçoit une carte blanche d’Arte pour réaliser une série, il se lance dans une comédie policière expérimentale, P’tit Quinquin. Le succès rencontré donne immédiatement envie au réalisateur de poursuivre l’aventure dans la même veine, mais pour le cinéma. « J’avais l’intuition que le drame devait être le ressort du comique. Je suis donc parti de ce que je savais faire, de ce que je connaissais, en ajoutant une dimension burlesque voire grotesque. Je voulais que Ma Loute soit cinématographique et profondément drôle. Aussi je m’éloigne plus visiblement de ce soi-disant naturalisme que l’on m’a prêté malgré moi depuis mes débuts. »

Ma Loute est un film d’époque, il se déroule durant l’été 1910, dans la baie de la Slack dans le Nord de la France. Sur fond de disparitions inquiétantes, il met en scène deux familles aux antipodes, deux milieux sociaux pittoresques : les Van Peteghem -dont les parents sont campés par Fabrice Luchini et Juliette Binoche-, de riches bourgeois décadents de Lille, et les Brufort, des pêcheurs aux moeurs bizarres. Quand le fils des pêcheurs et la fille des bourgeois tombent éperdument amoureux, cela donne lieu à des échanges explosifs. « J’ai noué ces contraires par une intrigue amoureuse que j’ai elle-même complexifiée en y apportant une dimension incongrue », reprend Bruno Dumont. « J’ai ajouté une couche supplémentaire avec l’enquête policière qui alimente le récit en suspense et mystère. Pour moi, Ma Loute est néanmoins pensé pour générer du comique. J’avais la conviction que le social ne devait pas résister longtemps au grossissement du grotesque. » L’enquête, elle, est (mal)menée par deux avatars de Laurel et Hardy, avec l’improbable inspecteur Machin et son sagace adjoint Malfoy…

Un film complet, qui englobe tous les types d’émotions, toutes les facettes de l’âme humaine, des plus sombres aux plus décapantes. C’était bel et bien l’ambition du réalisateur. « Il s’agissait d’embrasser toute la complexité humaine, la duplicité de l’homme capable de tout et son contraire, et donc de faire un film à la fois drôle, touchant, effrayant, poignant et haletant. L’histoire du cinéma c’est l’histoire de la séparation des genres, or j’ai envie de faire rire et pleurer. »

Ma Loute,
de Bruno Dumont, avec Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi.
Sélection officielle Festival de Cannes 2016.
Le 8 juin au cinéma.


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