A l’aube de la grande rentrée artistique de notre capitale et son effervescence de manifestations de haut niveau, nous souhaitions vous présenter des artistes aux horizons et aux styles divers: art spontané, dessin, design, peinture et 3D. Des personnalités atypiques, belges ou vivant en Belgique qui s’inscrivent toutes ici dans un même esprit d’authenticité. Un choix forcément subjectif d’artistes émergents et talentueux à (re)découvrir. L’art, c’est une histoire de coeur.
Par Nathalie Kuborn
Jonathan Rosić
Formé en architecture et peinture à La Cambre, Jonathan Rosic (Tirlemont 1979) nous tisse au fil de ses encres de Chine et sépia sur papier, par un trait minutieux, fervent, quasi obsessionnel, nous plonge dans des scènes de solitude. Extraits d’images personnelles, en prolongement de son travail précédent inspiré par l’univers d’Ingmar Bergman, ses portraits traitent toujours du thème de la disparition. Ici l’artiste nous dévoile, au moyen d’arrêts sur image, son film intérieur, intime et troublant. La disparition s’y exprime à différents niveaux : celle, physique, du sujet qui se dissimule ou dont le regard est absent, celle du spectateur du monde pour le sujet représenté puisqu’il ne nous voit plus, celle de l’image, par dissipation au moyen de tons très dilués, très transparents et enfin, la disparation de la main de l’artiste par une technique le plaçant volontairement en retrait derrière son sujet pour le mieux laisser exister par lui-même. Un travail sensible et subtil, admirable, qui lui a valu les prix Sabam et Cadr’Art au concours Art’Contest de 2014.
Solange Knopf
Solange Knopf est une artiste autodidacte arbitrairement étiquetée “artiste brut” et représentée par la Cavin Moris Gallery à New-York. Au cours de moments intimes précédant l’aube et comparables aux expériences médiumniques, elle trace les contours de ses visions. Face à ces scènes, une angoisse nous prend. Elle nous saisit dans notre stupeur. A l’instar des images qui l’animent, elle se contracte dans le ventre, se fige sur un visage, même sans corps, le regard livide. Transperçant l’au-delà, leurs esprits nous fixent avec effroi. D’une sanguine à l’autre, son cortège de masques et de créatures étranges nous plonge au cœur de nos obsessions, des tourments générés par la nostalgie : celle de la famille, de l’amour, de cette harmonie – l’unité, dont nous nous sentons usurpés…. Ils en expriment toute l’angoisse, tandis que, comme pour y répondre, la réconciliation n’est jamais loin. L’esprit de la nature retrouve alors son unité, sa sérénité. Un voyage initiatique s’impose comme évidence mais pas sans un effort courageux. Car encore faut-il avoir la force de l’accomplir pour qu’il prenne tout son sens, être capable de faire face à ce que nous portons de plus mystérieux en nous… même si ce mystère devait être effrayant à dévoiler.
Esteban Moulin
Avec la spontanéité des traits qui le caractérisent, Esteban Moulin trace depuis une dizaine d’années les contours de sa passion pour les figures de voltige aérienne. Récemment exposé au Triangle Bleu de Stavelot avec Charley Case et Laurent Veldekens autour de l’histoire du Moine Shitao Citrouille amère, ses oeuvres actuelles forment la suite logique d’un travail en constante évolution. Ses gestes précis, calligraphiques, nés des programmes d’enchaînements de vol, ont gagné en perspective. Par un exercice de style capable de projeter d’un seul trait la peinture dans sa troisième dimension, le sujet s’efface : ici le mouvement se fait support et vecteur d’une peinture virevoltante, semblant n’exister que pour elle-même. Légère ou profonde, dansante ou linéaire mais toujours fluide, son écriture recèle des mystères que seule une immersion dans l’oeuvre dévoile peu à peu. Son travail se présente donc comme une invitation à prendre de l’altitude, pour mieux se plonger encore dans une « abstraction figurative » d’où jaillit l’émotion pure.
Foxi Von Riga
Explorer ce qui se cache derrière les apparences. Célébrer la nature, ses mystères, ses représentations symboliques,… partir à la découverte du visible derrière l’invisible et donner à la couleur sa mission d’enchantement : tels sont les invitations qui émanent de l’oeuvre de l’artiste autodidacte Foxi Von Riga. Dans une approche qui confine au mysticisme tant la dimension spirituelle de l’existence s’y exprime avec force, amour et joie, l’artiste lettonienne rend hommage aux fascinantes beautés du monde et nous propose une danse aussi spontanée qu’enjouée aux couleurs de la vie. Une oeuvre qui puise son inspiration dans la nature et ses éléments symboliques, dont émane un sentiment d’unité retrouvée, et qui semble faire un pied de nez à la morosité ambiante. Autant de raisons et d’émotions pour la trouver aussi exaltante que nécessaire.
Jérôme Jasinski
Photographe ébéniste et sculpteur avant d’être reconnu comme artiste à part entière, Jérôme Jasinski crée par ses oeuvres la surprise d’une 3D déroutante. On se réfère ici inévitablement à un Vasarely (source majeure de son inspiration) dont il aurait retenu les géométries inventives pour en former les reliefs. Des effets d’optiques saisissants, des couleurs vibrantes aux rendus archi net : l’oeuvre de Jérôme Jasinski est pop, ludique, elle rayonne d’ intensité et ses couleurs nous invitent à la joie, la précision des formes n’excluant pas une petite touche d’exubérance. Car, si ses oeuvres se plaisent à jouer sur les nuanciers faisant la part belle au noir profond ou aux gris, on retrouve dans sa palette tout l’esprit seventies de son enfance baignée dans une famille d’artistes : du jaune éclatant, l’orange vif, si caractéristique de l’époque, ou encore un rouge vibrant, s’y déclinant dans d’étonnantes et complexes perspectives. Il sera représenté par la Galerie Belge au salon Eurantica Du 5-13 mars.
http://www.lagaleriebelge.be
www.jeromejasinski.com
Zoé Morel
Où s’arrête l’art et où commence le design ? Ici la question mérite d’être posée, tant les sculptures lumineuses de Zoé Morel transcendent les genres. Chineuse compulsive abonnée à l’esprit de re-création face au consummérisme ambiant, avec un sens de la cohérence ne faisant jamais l’économie de l’inventivité et de l’imaginaire, l’artiste collecte ces petites choses oubliés, désuètes, qui n’attirent plus ni intérêt ni convoitise, pour leur redonner vie dans des compositions originales. Et aucune composition de Zoé ne ressemble à l’autre : ce sont des pièces uniques, dont l’esprit transcende la démarche artisanale pour s’inscrire dans un élan sculptural.
Les petites touches de surréalisme et de fantaisie qui imprègnent chacune de ses œuvres créent la surprise. Ou l’expression originale d’une artiste à la fois discrète et lumineuse qui construit autour d’objets désuets des ambiances uniques et authentiques…