Zahia Hadid, l’intuitive

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Disséminés aux quatre coins de la planète, les projets futuristes de Zahia Hadid naissent de l’ancienne Mésopotamie. Si le projet autour de la gare de Heist (Knokke) a été gelé; celui du Port d’Anvers devrait être prêt à la fin de l’été 2016.

Sa silhouette est aussi majestueuse que ses architectures. Zaha Hadid, première femme à avoir reçu, en 2004, le prestigieux prix Pritzker (l’équivalent du Nobel pour l’architecture), est considérée par l’hebdomadaire Time comme l’une des 100 personnes les plus influentes au monde. Née à Bagdad en 1950, de culture cosmopolite, elle vit et travaille à Londres depuis plus de quarante ans. Sans engagements familiaux, elle ne s’est jamais mariée et n’a pas d’enfants. Le travail l’absorbe totalement, avec des dizaines de chantiers toujours ouverts dans le monde entier et un cabinet de design architectural où travaillent 350 personnes.

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Son style ? Beaucoup définissent son architecture comme se rattachant au mouvement déconstructiviste. Elle-même ne l’a certes jamais définie de la sorte au motif, notamment, qu’elle se sent étrangère au débat sur l’architecture occidentale. « Je suis Babylonienne, et je me rattache dès lors à une culture vieille d’au moins 5.000 ans. En tant qu’Irakienne, mon idée de l’histoire est très différente de celle d’un Américain. L’histoire est pour nous un fait évident, elle est là, elle nous entoure. La culture se forme au travers de nombreux événements qui ont eu lieu au cours des siècles. Il est question de reproduction. Le déconstructivisme et les théories structuralistes sont basées sur ce qu’il est convenu d’appeler les théories rationalistes. Je n’appartiens pas à cette tradition, mais bien à une tradition plus émotionnelle, intuitive. Attention, cependant : intuitif n’est pas synonyme d’instinctif. L’intuition est le fruit de l’union entre rationalisme et expérience ».

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Lady Gaga de l’architecture

Surnommée « Z » ou « la Lady Gaga de l’architecture », après avoir implanté une quarantaine de constructions à la surface du globe, elle compte de très nombreux fans, qui voient en elle un génie rebelle capable de renverser les règles. Mais elle a aussi ses détracteurs, qui la taxent d’être une archistar à l’imagination arrogante et tortueuse, et pensent qu’il vaudrait mieux que ses projets restent à l’état d’ébauches, sans réalisation concrète. Quand on lui demande où elle puise son inspiration, elle répond : « Je me souviens du jour où l’on m’a emmenée voir le Malwiya, le minaret en spirale de la Grande Mosquée de Samarra, en Iraq, construite au IXᵉ siècle, soit mille ans avant les constructions modernistes qui lui ressemblent. Quand vous vous trouvez là, dans le Jardin d’Éden, où le Tigre et l’Euphrate confluent, vous éprouvez une sensation de suspension temporelle. Vous voyez les fleuves et les arbres, et vous vous rendez compte que tout est ainsi depuis 10.000 ans. La suspension temporelle vous envahit. Il y a là un échange incroyable entre la terre, l’eau et la nature qui s’étend jusqu’à incorporer les bâtiments et les êtres. Je pense qu’au centre de mon travail, il y a probablement une tentative de capturer cette dynamique de continuité et d’échange dans un contexte architectural urbain, au bénéfice des villes contemporaines et de ceux qui y vivent ».

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Mathématicienne

C’est l’histoire d’une nature millénaire qui inspire sa marque forte, faite de lignes fluides et de volumes puissants. Son travail est surprenant, comme le Musée Maxxi de Rome, où les formes douces et sensuelles se croisent sous la forme de passerelles et d’escaliers, comme dans un grand entrelacs. Ses gratte-ciels suscitent émerveillement et étonnement, l’apparente complexité conceptuelle s’évanouissant une fois que le chantier prend vie. « Je suis titulaire d’une maîtrise en mathématiques pures », explique-t-elle, « décrochée à l’université américaine de Beyrouth. Cette discipline m’a aidée à éduquer, organiser, structurer les processus de l’esprit ». Peut-être est-ce pour cela que ses dessins, apparemment de purs concepts, parviennent à se transformer en de superbes édifices. Beaux au point d’être copiés en phase d’exécution, avant même leur inauguration. Cela s’est passé en Chine. A Pékin, son complexe Wangjing Soho, un centre commercial comprenant trois tours curvilignes et asymétriques, et reconnaissable entre mille à sa silhouette dans le plus pur style Hadid (son inauguration était prévue en 2014), a été cloné en un temps record par Chongqing Meiquan, la société de construction chinoise qui, à Chongqing, avait déjà terminé les travaux du Meiquan 22nd Century, copie parfaite de l’original.

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La nouvelle Maison portuaire d’Anvers est en chantier. Ce projet impressionnant de près de 50 millions d’euros, construit au-dessus d’une ancienne caserne de pompiers, constituera un véritable repère architectural au sein du port d’Anvers. Il devrait être achevé à la fin de l’été 2016.
www.zaha-hadid.com

Texte : Lauretta Coz
Parution : Gentleman n°3 – Printemps / Eté 2014
Article publié sur le www.gentleman.be



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