La Femme de la Semaine : Rencontre avec BJ Scott

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Si son franc-parler, son auto-dérision et son « American accent » attirent immanquablement la sympathie, cela n’a pas toujours suffi. La vie de notre chanteuse est à l’image des titres de ses albums « Miel et ouragans » ou encore « le Cabaret des Marécages » : un éternel mouvement entre douceur et colère, entre marées hautes et marées basses. Elle nous raconte son incroyable histoire depuis son enfance dans une famille dysfonctionnelle et ses petits concerts dans son Alabama natale jusqu’à ses collaborations avec de grands artistes tels que Cabrel, Arno et Maurane, dans un milieu craint par beaucoup : l’industrie musicale.

Son Belgian Dream 

Le monde tel que nous le connaissons tend à associer le terme   »réfugié » aux personnes fuyant la dictature ou la guerre, quitte à nous faire croire que nos proches alliés n’ont rien à se reprocher. Pourtant, s’est vue contrainte de fuir son Alabama puritaine pour trouver refuge dans une Belgique plus compatissante. Et si les États-Unis avaient quelque chose à apprendre d’un petit pays comme le nôtre ? C’est l’avis de BJ qui s’est vue retirer la garde de sa fille pour le simple fait d’être bisexuelle.

Elle nous raconte: « Je suis tombée dans la musique lorsque j’étais toute petite. Les traditions du sud des Etats-Unis tournent autour du travail, de la famille, de la musique et de la religion. La vie est rythmée par les petits concerts de Blues et de Gospel par-ci par-là. Mon père chantait extrêmement bien. Il n’était pas souvent présent, mais lorsqu’il était là, nous mettions de la musique dans la cuisine et nous passions notre journée à chanter. Nous venions d’une famille protestante. Ma mère travaillait dans une usine en ville suivant un horaire décalé. Avec un mari fantasque et absent, elle devait travailler très dur pour nourrir ses 5 enfants. C’est ma grand-mère paternelle qui s’occupait de nous, elle m’a appris l’amour inconditionnel et reste pour moi la source véritable de mon courage dans les moments les plus difficiles. Nous venions d’une famille protestante. À six ans, je faisais déjà des solos à l’église. Mes parents ont divorcé lorsque j’avais sept ans. J’ai été arrachée à cette vie que j’adorais. C’était traumatisant car ma mère déjà très stricte et peu aimante s’est remariée avec un homme abusif et autoritaire. Ma famille est devenue totalement dysfonctionnelle. Vivre avec eux était un véritable enfer. J’ai donc quitté leur maison à 17 ans avec comme seule compagne, ma guitare. Je suis tombée amoureuse d’un “bad boy” et peu de temps après, je me suis retrouvée enceinte. Sans argent, me sentant perdue, comme ma mère insistait, je suis rentrée à la maison. Retourner chez eux était la dernière chose que j’aurais dû faire. Ma famille a voulu que je mette mon bébé en adoption, mais j’ai refusé. J’ai déménagé et j’ai travaillé 7 jours sur 7 dans des usines, des restaurants, jouant de la musique tout les weekends pour payer un loyer et des baby-sitters. Je suis retombée amoureuse, mais cette fois-ci, d’une femme. Ma famille était enragée et deux ans après la naissance de ma fille, ils ont porté plainte contre moi en me faisant passer pour une mère irresponsable. Les chances de garder mon enfant étaient nulles, car j’étais en couple avec une fille et la loi ne permettait pas aux couples homosexuels d’avoir un enfant. J’ai perdu le procès et la garde de ma fille. Je ne pouvais plus l’approcher, la voir, ni être en contact direct avec elle. C’est pour cette raison que je suis partie en Belgique. Toutes les lettres et les cadeaux que je lui faisais parvenir me revenaient mais, à ses 18 ans, c’est elle qui m’a fait signe. Elle était en couple avec une femme ! Ironique n’est-ce pas ? » BJ Scott désire transmettre à toutes les femmes un message de courage. Il n’y a pas de recette miracle, chacun à un parcours particulier. Comme lui disait sa grand mère, « aussi petite soit elle, ne cache pas ta flamme sous un panier, laisse la briller en liberté, et nourris la de chaque brindille, de chaque morceaux de paille que tu trouveras sur ton chemin ». Aujourd’hui, elle pense qu’avoir vécu le pire peut vous rendre plus combative de manière positive. 

BJ Scott fait partie de celles pour qui la reconnaissance est un rituel spirituel quotidien : « C’est important de ne jamais perdre de vue que c’est une chance de pouvoir pratiquer un métier que nous aimons. N’oublions pas que c’est une chance d’être nées en Occident où les opportunités se présentent à foison. Nous devons être capables de comparer notre chance à l’horreur et à la difficulté que d’autres vivent ailleurs. Particulièrement les femmes, dans tous ces pays où leurs droits élémentaires sont bafoués. Les malheurs des autres doivent nous garder éveillées. Personnellement, j’ai traversé beaucoup d’épreuves, ma vie n’a pas toujours été simple, mais ce n’est rien en comparaison à d’autres, et cela, il ne faut jamais l’oublier ! Faire preuve de gratitude permet de relativiser son sort. Tous les matins, je remercie “quelqu’un” d’être encore en vie. Je ne sais pas qui, mais on s’en moque. Je crois en la vie, aux sentiments d’amour, de rire et de tristesse sans être liée à un Dieu en particulier. Cela permet d’éviter certaines formes d’intolérance.  Ma reconnaissance va à mon entourage qui me soutient et me supporte mais aussi au public qui me suis, m’aime de loin, à travers ma musique et mes mots». Être reconnaissante n’est peut être pas une condition pour réussir mais certainement pour s’épanouir et, c’est certain, votre épanouissement vous aidera à atteindre vos objectifs.

La musique en thérapie

« Je suis active dans plusieurs causes soit par donation soit par présence. Par exemple, je soutiens “la petite maison”. C’est une association bruxelloise qui joue le rôle de centre d’accueil et de réinsertion pour les personnes en difficultés. Je travaille également avec le département de musicothérapie à Louvain, qui aide les enfants malades grâce aux thérapies musicales. C’est un merveilleux moyen pour parler de la maladie, car les enfants ont plus de facilité à s’exprimer à travers la musique que par des mots. C’est fascinant, car nous les voyons se rétablir et gratifiant d’utiliser mes talents pour autre chose que ma « propre gueule ». » BJ Scott rit et reprend : « Depuis quatre ans, je suis également ambassadrice de l’association Pink Ribbon qui soutient la lutte contre le cancer du sein. J’en suis très fière, car j’admire ces femmes qui mènent d’une main de fer ce combat. Selon moi, la musique peut faire partie intégrante d’un processus de guérison. Peu importe que la blessure soit physique ou psychologique elle permet d’extérioriser ses sentiments et ses émotions. C’est sans aucun doute un pas important vers la guérison. »

Mieux la connaître…

Sa citation préférée : « Reste fidèle à toi-même ». BJ Scott a toujours vécu de la sorte. Cela ne signifie pas qu’elle est égoïste ou s’estime plus importante que les autres. Cela veut simplement dire qu’elle n’octroie à personne le droit de trahir ses valeurs ou son identité profonde.

Son plat préféré : Le « Gumbo ». Où qu’elle aille, BJ Scott prépare ce plat à base de poisson, de viande et de légumes mijotés qui lui rappelle sa région natale. Si elle l’aime tant, c’est parce qu’il raconte toute l’histoire du sud des États-Unis depuis la période des navigateurs qui sont arrivés sur ce territoire et ont établi l’esclavage jusqu’à nos jours. On retrouve donc dans la marmite un peu de culture culinaire française, portugaise et africaine, ce qui rend ce plat particulièrement métissé. Chaque famille le réalise d’une façon différente et toutes ont un rituel bien précis. BJ Scott va pêcher le poisson elle-même !

Son parfum préféré : « Samsara » de Guerlain. Elle adore la fraîcheur du lys et du jasmin, agrémentée des notes citronnées et ambrées qui donnent l’illusion d’un voyage au cœur de l’Orient.

Sa plus belle fierté : Continuer d’exister, d’être flexible et de ne pas s’être arrêtée à une image qui l’aurait empêchée d’évoluer. Lorsque quelqu’un lui propose un projet et que BJ doit prendre une décision, elle ne se dit pas « qu’est ce qu’on va penser de moi ? », mais plutôt « suis-je en accord avec moi-même pour le faire ? » Si la réponse est « oui », elle accepte.

Son conseil : Si vous avez eu une enfance difficile, ayez beaucoup de courage, ne vous laissez pas abattre, résistez et battez-vous avec vous-même. Face aux adversités de la vie, ne faites pas de vous une victime, ne vous repliez pas et surtout, ne devenez pas le reflet de votre bourreau, un monstre aux yeux des autres.

Sa clé de la réussite : Pour BJ, le fondement de la réussite se trouve dans la fidélité à ses valeurs profondes et la reconnaissance de l’importance du rôle de chacun dans son entourage. La musique est pour elle un réel travail d’équipe.

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Cet article vous a plu ? Ne manquez pas la rencontre avec notre Femme de la Semaine prochaine ou découvrez notre rencontre de la semaine dernière, avec Jo Salter ici !


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