Martine Piccart, l’espoir en héritage
Professeure honoraire d’oncologie à l’ULB, directrice scientifique à l’Institut Bordet, cofondatrice du plus grand réseau mondial de recherche sur le cancer du sein (BIG)… Son nom résonne depuis longtemps dans les congrès internationaux. Pourtant, pour la première fois, elle s’adresse directement aux femmes dans un livre qui n’est ni un traité scientifique, ni un témoignage, mais un guide : Le cancer du sein sans tabou.
Ce qu’elle y offre ? Une parole claire, rigoureuse mais accessible. Un espace de transmission pour répondre aux questions que chacune, un jour, pourrait se poser : pourquoi cette maladie est-elle si fréquente ? Quels en sont les facteurs de risque ? Comment se déroule un diagnostic ? Quels traitements sont possibles aujourd’hui et à quoi ressemblent leurs effets secondaires ?
Au fil des pages, un message domine : l’espoir. L’espoir né des progrès de la recherche, de la précision grandissante des traitements, mais aussi de la capacité des femmes à traverser l’épreuve et à se reconstruire.
Des messages essentiels
Martine Piccart insiste d’abord sur un point capital : il n’existe pas un cancer du sein, mais des cancers du sein, aux visages multiples, qui nécessitent des approches différentes. La prévention, elle, reste une arme fondamentale : hygiène de vie, dépistage régulier, vigilance particulière dans les familles à risque. Le diagnostic précoce change tout. Détectée tôt, la maladie peut être guérie dans la grande majorité des cas.
Elle rappelle aussi que la médecine évolue vers plus de personnalisation : là où hier la chimiothérapie était prescrite systématiquement, aujourd’hui les signatures génomiques permettent d’éviter des traitements lourds à celles qui n’en ont pas besoin. Enfin, elle ouvre une fenêtre sur l’avenir : intelligence artificielle en radiologie, vaccins à ARN, anticorps bispécifiques… autant de pistes qui nourrissent l’espoir d’une médecine toujours plus ciblée et efficace.
Mais le livre n’est pas qu’un recueil d’informations médicales. Il parle aussi de l’après : de la capacité des femmes à réinventer leur vie, à faire le tri entre l’essentiel et le superflu, à se réapproprier leur corps et leur temps.
Entretien avec le Pr Martine Piccart
D’où vous vient la vocation de travailler dans le domaine du cancer du sein ?
« Me sentant révoltée par le nombre de questions importantes auxquelles les femmes ne trouvaient pas réponse, je me suis lancée dans des études de médecine, puis dans une spécialisation en oncologie mammaire. Ma maman a eu un cancer du sein alors que j’étais encore étudiante, ce qui m’a fortement motivée à me spécialiser dans ce type de cancer. J’ai rapidement constaté qu’elle n’aurait pas dû subir douze mois de chimiothérapie, comme on le prescrivait systématiquement à l’époque. Les études cliniques ont montré que cela n’apportait aucun bénéfice supplémentaire par rapport à un traitement de cinq mois. Il me semblait urgent de rafraîchir l’approche de cette maladie. »
Vous avez vous-même eu un cancer du sein. Cela vous a-t-il guidée dans la direction qu’ont prise vos recherches ?
« On m’a découvert un cancer du sein il y a trois ans, mais je n’ai pas dû faire de chimiothérapie parce que j’ai bénéficié du résultat de mes propres recherches, à savoir le test MammaPrint®. Ma motivation pour développer des traitements ‘personnalisés’ s’en est trouvée accrue. »
Qu’est-ce que la rencontre avec vos patientes vous apporte ?
« Toutes mes patientes m’apportent d’incroyables leçons de vie et de courage. Grâce à elles, je peux vraiment apprécier la valeur des innovations thérapeutiques, qu’elles soient modestes ou représentent un bond en avant. Faire de la recherche tout en travaillant avec des patientes me permet de garder l’espoir et d’être optimiste, quoi qu’il arrive. Et me voir positive est primordial pour mes patientes. »
Aujourd’hui, le vieillissement de la population est-il le principal facteur de risque ? Notre corps perd-il la faculté de se réparer ? Une femme de 50 ans est-elle dès lors plus à risque qu’une personne plus jeune ?
« Le cancer est une maladie dont l’incidence augmente avec l’âge. Pourquoi ? Nos cellules accumulent toutes sortes de lésions au cours de la vie. Au début, le système immunitaire peut les « réparer », mais à un moment donné, il est dépassé. Avec le vieillissement de la population, il est normal que le nombre de cancers du sein augmente : environ trois quarts des cancers du sein concernent des femmes de plus de 50 ans. Cependant, à un jeune âge, le cancer montre souvent une plus grande virulence et parfois une moins bonne réponse à la thérapie hormonale. On observe aujourd’hui un véritable intérêt scientifique pour la compréhension de la biologie de ces cancers du sein chez la femme très jeune et pour la manière de mieux adapter les traitements. »
Quel est le principal conseil que vous donnez à vos patientes ?
« Continuer à se fixer des buts. Avoir un objectif, même modeste, aide énormément. Je pense à une patiente à un stade avancé dont la priorité restait ses parties de bridge. J’ai parfois décalé un traitement de vingt-quatre ou quarante-huit heures pour qu’elle puisse y assister. Ce sentiment d’être encore dans la vie lui donnait la force de poursuivre son chemin. »
Un guide pour comprendre et espérer
Avec ce livre, Martine Piccart ne se contente pas de transmettre son savoir médical. Elle offre un outil de compréhension, une boussole dans la tempête, et un message fort : le cancer du sein reste un combat, mais il n’est plus synonyme de fatalité.
Un ouvrage à mettre entre toutes les mains, en ce mois d’Octobre Rose, et bien au-delà.
Le cancer du sein sans tabou – Entretiens avec le Pr Martine Piccart
De Martine Piccart & Vincent Liévin
Éditions Racines – Paru le 23 septembre 2025
Prix : 24,95 €