KAAI

Les sacs KAAI : par des femmes et pour les femmes

Fondée à Anvers, l’élégante marque de sacs KAAI prouve une fois de plus que la Belgique est un terreau de création fertile. Helga Meersmans (56 ans) a eu l’idée d’un label de sacs à main en 2016 et a embarqué Ine Verhaert (52 ans) dans cet ambitieux projet. Elles ont toutes les deux renoncé à leur carrière florissante et, un an plus tard, les détaillants et les femmes au style de vie dynamique et cosmopolite se bousculaient au portillon pour acheter leurs produits. En 2022, elles sont entourées d’une équipe de six personnes, et leur gamme est disponible en ligne et dans des boutiques, en Belgique et à l’étranger. Rencontre et récit.

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Celles qui connaissent la marque savent que KAAI a construit une mentalité forte, à coups d’un lien étroit avec le style Art déco, l’art et l’architecture. Les sacs se caractérisent par une palette de couleurs matures, des lignes géométriques et un intérieur bien pensé, doté de compartiments fonctionnels. Si le côté pratique des sacs accompagne la femme active, c’est aussi le cas du label dans son ensemble. KAAI organise régulièrement des événements lors desquels sa communauté est invitée à se rencontrer. Helga et Ine encouragent ainsi d’autres femmes entrepreneures, de plus de 50 ans ou non, à unir leurs forces, comme elles l’ont fait pour KAAI.

Rencontre avec les fondatrices de KAAI

Vous connaissiez toutes les deux une belle réussite professionnelle dans votre emploi précédent. Alors pourquoi avoir décidé de créer votre propre entreprise ?

Helga : C’est une belle histoire !

Ine : Helga et moi, on se connaissait en tant que partenaires commerciales. Après une longue carrière dans la mode et le commerce de détail, j’ai été pendant cinq ans CEO de Veritas, une chaîne belge de magasins. Helga était directrice générale de Wolford. Lors d’un event organisé au musée de la Photographie d’Anvers en 2016, nous avons pour la première fois eu une conversation privée autour d’un petit-déjeuner. Après avoir quitté mon emploi en mai 2017, j’ai pris quelques mois de repos avant de me lancer dans une nouvelle aventure. En effet, quoi qu’on fasse, un job dans le secteur de la mode reste un travail très difficile. Une semaine après l’annonce de la nouvelle, Helga m’a téléphoné et m’a invitée chez elle parce qu’elle avait une éventuelle proposition à me faire.

Helga : Ine est passée à la maison. C’était une chaude soirée d’été, le vin coulait à flots et la table était bien garnie. Je lui ai demandé : Que vas-tu faire maintenant ? Ine a répondu qu’elle voulait peut-être devenir indépendante, mais qu’elle n’avait pas d’idée précise.

Ine : Ça m’avait déjà trotté dans la tête, mais je voulais d’abord me reposer avant d’envisager un nouveau job.

Helga : Mais j’avais peut-être une proposition de collaboration. L’idée était née un an auparavant. Je voyageais beaucoup dans le cadre de mon travail pour Wolford et j’avais besoin d’un bon sac de voyage. Un sac qui pourrait contenir mon ordinateur portable et serait suffisamment grand pour accueillir mes effets personnels, tout en faisant office de sac à main élégant. Les sacs de voyage que j’ai trouvés dans des villes comme Paris, Milan et surtout Londres ne correspondaient pas du tout à ce que je cherchais ou étaient très masculins. Comment était-ce possible ? Un grand nombre de femmes voyagent et ont besoin d’un sac approprié, comme j’ai pu le constater lors de mes séjours à Londres. Ce constat a fait resurgir mon caractère de femme rebelle. Je me suis alors dit : Si je devais créer ce sac, à quoi ressemblerait-il ? Pendant un an, j’ai rassemblé des informations et je me suis rendue dans des salons professionnels à la recherche de matériaux, etc. Ce processus était plus ou moins terminé lorsque j’ai rencontré Ine ce soir-là. Une semaine plus tard, je lui ai fait un dernier pitch : soit elle serait partante, soit elle ne serait pas intéressée et je saurais que je devrais laisser tomber. Mais tu as adoré, pas vrai ?

Ine : En effet. Cela dit, ce n’est pas le genre de décision qu’on prend à la légère. Grâce aux connaissances que j’avais acquises en 25 ans dans le commerce de détail, je savais que le sac à main était l’un des articles les plus difficiles à fabriquer, après les soutiens-gorges. De plus, tu croyais pouvoir tout faire en ligne. Or mon expérience du lancement d’un webshop chez Veritas m’a appris que c’est compliqué, et qu’à cette époque, surtout en Belgique, les clientes préféraient encore se rendre en magasin. Nous étions fin juin. Il m’a fallu deux semaines avant de décider de me lancer dans l’aventure.

Helga : J’ai quitté mon emploi à la fin du mois de juillet 2017. C’était un très grand pas. J’avais fait toutes les recherches nécessaires et j’étais sûre de mon idée à 100%, mais j’ai quand même dû encaisser le choc quand c’est devenu une réalité. Ce tournant a été suivi d’une phase de développement qui a duré un an et au cours de laquelle nous n’avons rien gagné. Ça m’a valu quelques insomnies !

Ine : Auparavant, nous étions dans une prison dorée. À notre âge, nous avions de bons salaires.

Ces obstacles ont-ils constitué les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées lorsque vous vous êtes lancées après une longue carrière ?

Ine : Quand on vient d’un poste de CEO, le plus difficile est que le travail qu’on effectue est surtout stratégique. On délègue énormément et on s’occupe des choses importantes.

Helga : Au sein d’une entreprise qui démarre, quand on se demande qui peut prendre en charge une tâche, la réponse est souvent la même : moi.

Ine : Tout à coup, s’il fallait envoyer un recommandé, je devais m’en occuper moi-même. Je ne pouvais pas simplement le déposer à la réception et demander à quelqu’un de s’en charger.

Helga : Au début, Ine ne savait même pas combien de timbres il fallait mettre sur une lettre ! Je m’en souviens encore. (Rires)

Ine : Et bien sûr, la situation financière est nettement plus incertaine. Dans une grande entreprise, je percevais un salaire tous les mois. Au début, l’absence de bénéfices me faisait douter.

Helga : Et quand notre chiffre d’affaires a commencé à augmenter, ça a signifié aussi que nous avions besoin de plus d’argent. Souvent, les gens ne s’en rendent pas compte. Fortes de nos expériences, nous avions l’avantage de le savoir.

Ine : Dès le début, nous avons donc soumis notre idée d’entreprise à la PMV (Société flamande de participation) pour obtenir des prêts. Nous ne voulions pas avoir à nous tracasser de problèmes de trésorerie et tenions à nous concentrer sur le marketing, les ventes et les collections.

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©NadiaElMakhfi

Y a-t-il eu un moment où vous vous êtes dit : ça y est, maintenant on lance vraiment notre propre marque ?

Ine : Ça a été un véritable processus. Le commerce de détail et la mode sont des secteurs difficiles. À partir d’un certain âge, le risque d’être remerciée ou mise en préretraite plane en permanence. La rotation est très élevée, en particulier à un poste de CEO dans la mode. Se pose alors la question suivante : Est-ce que je vais travailler dans une autre entreprise de mode pour d’autres actionnaires pendant cinq autres années ? Fonder une entreprise est donc une excellente idée à un âge avancé.

Vous pensez donc que c’est l’âge idéal pour lancer sa propre marque ?

Helga : Absolument !

Ine : Oui, mais j’encourage aussi mes enfants à le faire. Même s’ils sont jeunes.

Helga : Il ne faut en effet pas attendre d’avoir 50 ans. Mais ça ne veut pas dire non plus que quand on a plus de 50 ans, on ne peut plus le faire. Beaucoup de gens pensent qu’ils doivent tirer un trait sur leur projet. Pourtant, de nombreuses personnes sont encore actives à plus de 50 ans. Et c’est quelque chose que nous voulons aussi encourager. Quand des femmes me demandent si elles doivent franchir le pas, je leur réponds toujours : Mais bien sûr !

Ine : Cet état d’esprit se retrouve aussi au sein de notre communauté de femmes KAAI. Il faut évidemment avoir l’esprit d’entreprise, être prête à se retrousser les manches, être opérationnelle et prendre du recul dans certains domaines. Et travailler dur. Attention, je ne dis pas qu’on travaille moins dur quand on n’est pas indépendantes, mais on le fait différemment. Une CEO a une vie bien remplie. Tout mon temps était accaparé par d’autres personnes, et j’en avais peu à consacrer à ma famille et mes amis. Aujourd’hui, je bosse tout aussi dur, mais je le fais à ma manière. Si j’ai envie de travailler le soir pour pouvoir m’occuper de ma famille la journée, je le fais. Et ce qui est génial, c’est que nous travaillons désormais pour notre propre projet.

Un projet qui compte déjà une belle collection de sacs. Pourquoi toutes les femmes devraient-elles avoir un KAAI ?

Helga : De nombreuses femmes possèdent désormais un KAAI et ne veulent plus d’un autre sac. Nous avons atteint notre objectif. Nous voulions créer un sac à main esthétique et fonctionnel, qui accompagne les femmes tout au long de la journée.

Ine : Par ailleurs, le cuir résiste à l’eau et aux éraflures. Le sac n’est pas seulement beau, c’est aussi un outil, un objet utile. Un peu comme un iPhone : il facilite la vie et donne une allure plus professionnelle. Nous voulons que les femmes se sentent fières et féminines. Et si elles se sentent bien, elles reviennent vers nous. Nous avons élargi notre gamme avec pas mal de modèles nés de l’agréable relation que nous entretenons avec nos clientes. Étant donné que nous concevons tout nous-mêmes dans notre boutique-atelier à Anvers, nous pouvons directement nous mettre au travail sur la base du feed-back que nous recevons sur place. Nous avons ainsi remarqué que nos clientes apprécient que le nom de la marque n’apparaisse pas à l’extérieur du sac, et nous n’utilisions pas de pièces métalliques trop voyantes.

Pas de fioritures chez KAAI, donc ?

Helga : Non, nos sacs sont très minimalistes !

Ine : Nos clientes recherchent un sac discret, doté du même degré de finition que d’autres marques de luxe. C’est essentiel pour des femmes qui occupent des postes importants comme des personnalités politiques et des CEO, par exemple. Elles préfèrent porter un modèle intemporel, professionnel, pratique et sobre, plutôt que de se promener avec des marques coûteuses et tape-à-l’œil.

Quelles sont les possibilités de vos sacs ?

Helga : Nos sacs tolèrent pas mal de choses. On peut les glisser sous une chaise, les poser à même le sol, là où d’autres marques de luxe le proscrivent. Chez nous, c’est possible. Il n’y a pas de raison d’avoir peur.

Une chose à éviter ?

Helga : Renverser du gel hydroalcoolique sur le sac ou à l’intérieur.

Ine : De manière générale, il faut faire attention à la manière de porter son sac. Voyager avec un sac en bandoulière est meilleur pour le dos. Il existe de nombreux sacs qu’on peut uniquement tenir en main, ce qui n’est pas du tout pratique. Et attention à la sécurité : une fermeture éclair permet de fermer son sac, et d’éviter les vols et autres pertes.

Quelle célébrité espérez-vous voir un jour avec l’un de vos modèles ?

Ine : Angelina Jolie !

Helga : C’est toujours la réponse que tu donnes ! (Rires)

Ine : C’est parce que c’est une vraie femme KAAI.

Helga : De nombreuses femmes seraient parfaites avec l’un de nos sacs, mais Angelina Jolie, en plus d’être une femme puissante, est aussi très élégante. Exactement comme Christine Lagarde.

Quels sont vos projets ?

Helga : Nous nous développons à l’international. Nous avons d’ailleurs une nouvelle toute fraîche à vous annoncer : on nous trouvera bientôt chez Bijenkorf, à Amsterdam, La Haye et en ligne.

Ine : Nous vendons déjà beaucoup en ligne à l’international, notamment aux États-Unis et au Canada, plus qu’en Belgique.

Ine : Ce qui est intéressant, c’est qu’une cliente américaine, par exemple, n’est pas très différente d’une cliente belge. Certaines Américaines nous disent : Je cherchais un sac comme ça depuis des années !  Les retours sont universels.

Helga : On nous trouve désormais aussi à Zurich. Et à Londres ! Après quatre ans, KAAI est enfin présente dans la ville où tout a commencé, où j’ai découvert qu’un sac KAAI est essentiel pour une femme qui mène une vie trépidante. On remarque d’ailleurs que KAAI est très bien accueillie là-bas. La boucle est bouclée.

Crédits photo à la une : ©NadiaElMakhfi


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