Mythe réinventé

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Quel plus beau symbole de l’âme Chanel que le N°5 ? Un symbole parfumé inclassable, de son époque mais éternel, avant-gardiste, chic, épuré, qui associe pour la première fois les fleurs et les aldéhydes, le jersey confortable et la fourrure, le précieux et le toc façon bijou fantaisie. 

Par Lise Leroy

Ton sur ton avec l’esprit révolutionnaire de Gabrielle Chanel qui a libéré le corps des femmes en leur ôtant le corset, en dévoilant leurs chevilles, en leur autorisant l’épure inspirée du vestiaire masculin, Chanel N°5 rompt avec les codes lorsqu’il sort des fioles d’Ernest Beaux en 1921. Indéfinissable, mystérieux, rayonnant, abstrait, il se démarque avec fracas (dorés) des soliflores qu’on trouvait beaucoup alors, illustrations timides de la nature. C’est l’extrait que le nez compose d’abord, avant de créer une eau de toilette trois ans plus tard. Dans la maison Chanel, tout a été mis en place pour continuer indéfiniment à protéger la formule de ce joyau, maîtriser sa mécanique, garantir son approvisionnement en matières rares… Pour autant, en 1986, un premier travail d’adaptation est réalisé par le parfumeur de Chanel, Jacques Polge, pour réaccorder le jus avec la modernité. L’eau de parfum voit le jour, conservant l’ADN de la fragrance mais la renouvelant en même temps. En 2008, le nez envoûte de nouvelles femmes avec la très belle Eau Première du N°5 et sa fraîcheur de caractère. Aujourd’hui, le fils de Jacques Polge, Olivier, a succédé à ce dernier au titre très convoité de parfumeur de la maison au double C. C’est lui qui se saisit à son tour de cet héritage incommensurable, pour composer L’Eau. Avec subtilité, il a analysé tous les ingrédients du parfum original pour mieux en percevoir l’alchimie et réinventer un nouvel équilibre. Il a privilégié les aldéhydes par rapport à l’écorce d’orange, a amplifié la vibration des zestes et dépoudré le fond, a rendu les bois plus nerveux, parsemé du vert sur l’ylang ylang, allégé le jasmin et réduit la vanille. À l’arrivée, sa version du N°5 perd en abstraction mais gagne en naturel, pour mieux parler à ses contemporains. Des agrumes solaires et des aldéhydes qui pétillent sur l’épiderme, on glisse vers un bouquet floral velouté puis vers le vétiver et le cèdre racés, enlacés à des muscs cotonneux. Le tout dans une fraîcheur et une épure inédites.

www.chanel.com


Article publié dans le Psychologies Magazine


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