Hiver et silence

L’hiver, la saison du silence

Traditionnellement, la période de Noël et Nouvel An est synonyme de course aux cadeaux, repas de famille, excitation et gourmandises en tous genres. Alors, incongru de parler de silence ? Pourtant, c’est de saison ! Les arbres en hiver, par la nudité de leurs branches qui ne se cachent plus derrière leurs feuilles, nous invitent à entrer en nous-mêmes. La vérité toute nue… ou est-ce, en vérité, l’être qui se dévoile et se révèle ? Osons le silence. Pas un silence de mort mais un silence… de joie.

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Repos et silence sont les maîtres mots de l’hiver qui voit les arbres nus et les animaux se retirer dans leurs terriers pour hiberner. Tout se passe à l’intérieur. Et pour nous, les humains ? Cocoon au coin du feu, détente, silence… Juste le bruit des bûches qui crépitent. Moment de contemplation devant les flammes. Crise de l’énergie oblige, on se rassemble autour de la cheminée, on arrête télé, PC et autres écrans, et… on s’écoute. On peut rêver, non ?

L’hiver pour écouter !

« Au commencement était le verbe. » Et avant le verbe ? Le silence ! Comment retrouver cet état d’être ? D’après Jean-Yves Leloup*, il y a en tout être un espace de silence et de calme qui nous guérit. « Faire silence, ce n’est pas “Tais-toi” mais “Écoute” ! » commente-t-il encore. On est tellement loin de l’injonction scolaire et rébarbative du silence obligatoire. Et si l’on acquiesce au silence, la parole qui suivra sera plus inspirée… et inspirante. Il suggère aussi d’inviter le silence dans la vie quotidienne. Un rendez-vous quotidien juste avant le repas du soir ? 5 minutes où petits et grands goûtent au silence ensemble avant de partager le repas et sa journée !

Silence à table ? Oups !

« D’avoir expérimenté des moments de silence à table lors d’une retraite, observe Véronique, j’ai mesuré combien il m’était difficile de me taire dans un moment qui, par définition – le partage d’un repas – est convivial. Au début, les conversations s’arrêtent, une gêne surgit, on mange le nez dans son assiette de peur de croiser le regard de l’autre qui nous fait face. Les visages se ferment (le mien aussi !) Silence de mort… Juste envie de m’enfuir dehors avec mon assiette. Ce que j’ai fait d’ailleurs, tant ce silence me mettait mal à l’aise ! »

La danse des mandibules

« Le jour suivant, je réessaye. Révélation. L’intériorité qui s’est installée dans le silence m’autorise à sourire à mon vis-à-vis. À faire des gestes pour me faire comprendre. “Passe-moi le sel” devient une gestuelle.
Puis le regard s’adoucit. S’intériorise en même temps que les mandibules mastiquent et goûtent avec attention le repas qui a été préparé avec amour. Et là, pour autant que l’on se laisse gagner par l’invitation plutôt que par l’obligation (sinon, bonjour la résistance !), un état de grâce s’installe. Gratitude ! Bienvenue à cette conscience silencieuse qui remercie tous ceux qui nous ont permis de goûter, savourer le plat qui nous est présenté. Du cueilleur à la cuisinière, en passant par tous les intermédiaires précieux sans qui l’assiette serait restée vide. Bye bye l’agitation… et c’est le monde entier qui en bénéficie ! »
Mais… il y a aussi le silence qui tue. Ce silence qui est à bout de mots. On ne s’entend pas ou plus et le silence s’installe. Un proverbe russe affirme qu’un « bon silence vaut mieux que mauvaise dispute ». Sauf si le silence est si lourd que la télé devient une alliée ou un ersatz de communication. Mieux vaut alors quitter la pièce…

Le silence du mental

Peut-être le plus difficile à atteindre. Tant de bruit, tant d’agitation dans la tête qui ne laisse pas de répit à l’esprit qui, au fond de la barque, repose. Allusion à cette belle histoire du Christ qui dort dans sa barque pendant que la panique se lève parmi ses disciples en même temps que la tempête et que les éléments se déchaînent. L’ingrédient pour que le silence revienne ? La confiance pour éloigner la menace et accueillir le silence et le calme. Facile à dire ? Certes. Quand le souffle s’agite et s’époumone à l’extérieur, ramener le calme à l’intérieur est si difficile ! Essayer les respirations profondes pour apaiser le cœur qui bat la chamade (Ah, quel tintamarre ce cœur qui bat !), lâcher la peur, parfois nécessaire, d’accord, mais si souvent mauvaise conseillère !
Faire silence devient alors un vrai choix. Écouter un temps son mental si bavard, puis l’écarter pour que notre petite voix intérieure plus intuitive puisse se faire entendre. Écoute de soi d’abord puis de l’autre qui nous fait face et qui s’autorise aussi à exprimer ce qui l’habite en profondeur.

Dans la nature

Se ressourcer dans la forêt ou au bord de la mer. Sortir de nos conversations futiles pour nous mettre à l’écoute des bruits de la nature -oiseaux, vent dans les branches, vagues de l’océan, feuilles ou neige qui crissent sous nos pas… – ou encore dresser l’oreille vers ce qui est au-delà des bruits, le silence ! C’est un apprentissage de chaque instant, quand l’attention se pose et s’ouvre à la beauté. Lors d’un bain de forêt, outre les différentes étapes, prendre un moment pour convier le silence et méditer avec les arbres. Le shinrin yoku (bain de forêt en japonais) fait un bien fou ! En Belgique, cette pratique se développe de plus en plus. Tapez « bains de forêt Belgique » dans un moteur de recherche et de nombreuses propositions viendront à vous.

Le gong du silence

C’est le choix de Catherine, formatrice en méditation de pleine conscience, qui a installé, dans son smartphone, une application qui vibre d’un coup de gong une fois par heure. L’occasion pour elle de s’arrêter, d’inspirer et d’expirer profondément, et de faire un vrai moment de silence. « Je me reconnecte à ma partie la plus lumineuse qui m’invite ensuite à l’action et la parole justes. Un moment de silence rassemble toutes les parties de soi dispersées par les 1001 sollicitations qui nous fragmentent tout au long de la journée, presque à notre insu. » Message reçu 5/5 !

Où trouver des espaces de silence ?

« Au cimetière », rigole Charles ! Mais encore… Dans des temples, des églises ? Oui… et non ! Il faut choisir son moment et avoir envie de franchir le seuil d’un lieu de culte.
Bon à savoir, il existe une « Chapelle du silence » au cœur d’Arsonic à Mons. Un espace de recueillement et d’écoute intime, un havre de paix non confessionnel qui invite à se plonger dans une expérience d’écoute contemplative. « Le silence n’est pas absence de sons, mais présence à soi » insiste son initiateur, le violoncelliste Jean-Paul Dessy qui, par ailleurs, et outre son grand talent de musicien et compositeur, anime des ateliers du silence. L’objectif ? Arpenter le chemin qui mène à ce lieu en nous retiré du monde par des pratiques d’écoute, de souffle, de son de divers instruments, de mantras, de méditation. De paroles aussi. Autant de passerelles qui invitent au silence intérieur. Pas de dates prévues en ce moment mais, dressons l’oreille…
À noter qu’en musique, le silence est un symbole qui indique l’interruption momentanée du son dans l’exécution d’une œuvre. Il y a plusieurs figures du silence : pause – demi-pause – soupir – demi-soupir… spécifiques pour incarner des respirations musicales. Inspirant ! Alors, on fait une pause ? Soupir… de joie ! Cette année, la trêve de Noël prendra tout son sens. Chuuuut ! Un ange passe…

La Chapelle du silence est accessible tous les mercredis de 9 h à 17 h (hors congés scolaires). Arsonic, Maison de l’écoute, est hébergé au sein de Mars (Mons Arts de la Scène) 106 rue de Nimy, 7000 Mons – surmars.be

(*) Jean-Yves Leloup est écrivain, théologien, philosophe, docteur en psychologie, prêtre orthodoxe, auteur de près de 90 ouvrages, dont Cet obscur et lumineux silence. Il est aussi l’un des créateurs du Fonds Kairos-Intercontinentale des Consciences dont le projet est d’encourager et de rassembler des initiatives de méditation où qu’elles soient dans le monde. Et de créer un réseau de méditants qui, par le calme, le silence et l’élargissement de leur conscience, œuvrent pour un monde apaisé. « Tout homme qui s’élève, élève le monde », un credo à diffuser tous azimuts pour retrouver un peu de paix et de silence dans notre monde chahuté ! Info : intercontinentale-des-consciences.eu

 

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