Découvrez les plaisirs gourmands du cigare

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Le cigare, hédonisme, bonheur et volupté. Nettement plus qu’un simple assemblage de feuilles de tabac à fumer. Cette sensation liée aux plaisirs de la bouche est magnifique. Tout ce qui se déguste, se boit, se fume, se mange donne lieu à des commentaires à n’en plus finir. C’est pour ça que nous nous sommes sacrifiés à tester tant de choses pour vous ! C’est non seulement un art de vivre, mais aussi, une culture. 

Par Eric Boschman 

Je sais, il est normal de nos jours, dans cette grande époque de chasse aux sorcières pour trouver toujours plus pur et toujours plus blanc, de vouer les fumeurs aux Gémonies. Certes, la cigarette est un fléau. De nos jours, personne n’oserait penser le contraire. Mais il ne faut pas confondre cigarette et cigare. Primo, il ne s’agit pas du tout de la même préparation de tabac, secundo, les circonstances de consommation d’une cigarette et d’une vitole sont fondamentalement différentes. Mais, pour se faire, il faut une idée précise de la chose, commencer par un petit tour du propriétaire.

Qu’est ce qu’une Vitole ?

Ben, oui, votre question est légitime. Ben, c’est le nom un rien chic pour désigner un cigare. Lorsque l’on est fan, on ne prononce presque jamais le mot cigare, on le remplace par Vitole ou Module. C’est comme dans toutes les passions, les acteurs se reconnaissent et se parrainent comme les membres d’une confrérie secrète, une loge nouvelle, et pour mieux se trouver, ils utilisent leur novlangue. Quelques mots expliqués de ci, de là :

Cepo : le diamètre mais aussi le calibre d’un module, la taille en fait. Plus le nombre est élevé, plus le cigare sera large. Mais contrairement aux idées reçues, plus un cigare est « gros », plus il est facile à fumer.

Humidor : un coffre à cigares, c’est là que l’on conserve les modules en attendant de les fumer. Là, ils sont maintenus à température et hygrométrie constante. On dit souvent que Cuba est le plus grand humidor à ciel ouvert du monde. À la maison blanche, on les appelle des Monicas.

Torcedore : le rouleur de cigare, celui qui assemble les feuilles et les met en forme. Dans les images d’Epinal, on raconte que les cubaines roulent les cigares sur leurs cuisses. C’est une belle légende, mais c’est impossible. Pour rouler un cigare, il faut une planchette en bois posée bien à plat. Certes, les cubaines sont belles et sportives, mais de là à avoir des cuisses comme des planchettes, il y a une marge. Ce que les cubaines font sur leurs cuisses c’est étirer les feuilles de cape.

Cape : la feuille extérieure du cigare, celle que l’on voit. La couleur dépendra de la maturité, de l’âge, de différents paramètres. La cape intervient aussi fortement dans la saveur. La sous-cape est la feuille du dessous, celle qui tient les trois feuilles de la tripe ensemble.

Manufacture : lieu où l’on roule les vitoles. C’est un peu surprenant au départ lorsque qu’on le visite, car chez Partagas, par exemple, on voit des boîtes de Cohiba, Ramon Allones, Roméo et Juliette, … C’est une question d’organisation interne. Chaque cigare se différencie tant par le savoir faire du rouleur que par l’assemblage des feuilles qui le composent. Le lieu où il est élaboré n’a, en fait, que très peu d’importance. Mais, dans un avenir proche, pour des raisons de clarté et un peu de marketing probablement, il devrait y avoir une manufacture par marque.
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Le monde du « Havane » est très proche du monde du Champagne.

Nonobstant une qualité de produit certaine, il faut maintenir à tout prix une image d’exception face à la concurrence. C’est peut-être un poil plus évident lorsqu’il s’agit de cigares cubains que de vins effervescents, mais c’est quand même vachement proche comme démarche. Pour maintenir cette image d’exception par-dessus tout, il faut créer la sensation en permanence. Comme la notion de millésime est automatiquement liée à la notion de qualité, même si en matière de cigare, elle est complexe à mettre en application vu que les différents éléments entrant en ligne dans l’élaboration d’une vitole n’ont pas forcément le même âge, il y a maintenant des millésimes. Mais plutôt que de se lancer dans un truc qui ne tiendrait pas la route à cause des différences, les cerveaux maison ont réfléchi à l’idée d’une édition limitée millésimée. Ce qui signifie que l’on élabore chaque année depuis une petite décennie maintenant, des modules en séries très petites. Pour se faire, on crée carrément des modèles qui n’existent pas dans les gammes habituelles des manufactures.

Mais si succès phénoménal il y a, alors, il est possible que le module en question devienne un « classique » de la gamme. À cette petite différence près que les feuilles utilisées ne sont plus forcément plus mûres. C’est le cas d’un nouveau produit dans la gamme H.Upmann, le magnum 50. Créé pour être une édition limitée au départ, il est aujourd’hui devenu membre à part entière de la famille. Pour l’avoir goûté à quelques reprises, je peux vous assurer que c’est un coup de maître. Quelle affaire ! C’est probablement un des modules les plus équilibrés que je connaisse sur le marché aujourd’hui. Il est un peu moins charmeur que son cousin le magnum 46, mais c’est vraiment pour trouver quelque chose à dire tant il est superbe d’équilibre, de finesse et de délicatesse. C’est quelque chose qui pourrait paraître linéaire à la dégustation mais qui en fait se révèle éminemment complexe, varié et élégant. Il y a des modules qui mettent la tête à l’envers lors de la dégustation, il en est d’autres qui ne laissent qu’une trace faiblarde de leur passage avec un peu d’amertume en fin de bouche. Tous les goûts existent, mais il y en a très très peu qui soient, à ce point, achevés.

Et avec ça, qu’est ce qu’on boit ? C’est étrange, mais l’image romantique, révolutionnaire du cigare cubain, est souvent associée avec des spiritueux plus « capitalistes » du Cognac ou de l’Armagnac. Bien sûr le Rhum, de Cuba c’est évident, s’est taillé une belle place dans ce panthéon. Mais avec un peu d’habitude de dégustation et un palais pas encore totalement doublé en Kevlar, force est de constater que ça arrache un peu les papilles tout cela. Un bon rhum, ça navigue quand même aux environs de 42% vol, un Armagnac aussi et certains Whiskies, ceux que l’on nomme « Cask Straight » shootent entre 57 et 62. Si vous allumez un truc juste après une gorgée de ce genre de boisson, votre petit nom sera Fafner, et même si c’est mignon c’est quand même fort fumeux. Donc, pour accompagner une bonne vitole, on n’a pas encore souvent trouvé mieux qu’un bon Mojito. Mais un bon Mojito ne l’est que si l’on n’oublie pas le trait d’Angustura. Sinon, c’est un peu comme un Dry Martini sans olive verte, c’est autre chose mais pas un Mojito.



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