La gentillesse en famille

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Que de paradoxes dans ce mot « gentillesse », surtout dans le champ familial où vos petits-enfants et et vos enfants se passent le mot. Pour le pire et le meilleur, comme dans toute relation d’amour ! Rencontre avec Diane Drory.

Par Martine Dory

« Méchante maman, je te déteste ! ». Presque une ritournelle dans la bouche d’un enfant qui n’a pas ce qu’il veut…

Et qui fait tant de mal aux parents, et donc à nous ! Ils l’entendent comme un message de non amour alors qu’il s’agit pour l’enfant de manifester un « fâché » légitime face à un parent qui, faisant son travail d’éducateur, l’a d’une façon ou d’une autre frustré. Et d’oser se positionner dans une différence par rapport au désir parental. Essentiel pour la construction de son identité. Ce n’est donc pas un manque de gentillesse, mais une façon pour lui d’apprivoiser sa pulsion.
C’est là que l’intervention d’un grand-parent peut être bénéfique car il joue un rôle moins autoritaire. Pour le grand-parent, être gentil, c’est aussi mettre de la loi et pas seulement de l’amour câlin. Quand on donne tout tout le temps, on n’est pas gentil du tout ! Mettre des limites, c’est aussi un signe de gentillesse parce que cela demande un effort et que cela rassure l’enfant. Une façon pour lui de sentir qu’on s’intéresse à lui. Si l’on dit toujours oui à tout, l’enfant a l’impression que l’on s’en fout ! Etre gentil, ce n’est pas toujours aller dans le sens du désir de l’enfant.

Et dire à son petit-enfant « Tu es méchant » quand il n’obéit pas ?

Ce n’est pas « gentil » du tout ! L’enfant y entend « je te déteste ». C’est un message qui, dans le cœur d’un enfant, a des influences destructrices. Quand un enfant n’obtempère pas, il fait son métier d’enfant, il cherche la limite, il teste l’adulte. Lui dire « tu n’es pas gentil » devient du chantage affectif. L’enfant croit alors qu’il perd votre amour.

« Sois gentil, débarrasse la table ». Participer aux tâches ménagères est-ce un signe de gentillesse ?

Dans une famille, il est normal que chacun contribue aux tâches ménagères. Ce n’est pas vraiment de la gentillesse. Un enfant bien cadré a du plaisir à être gentil avec des gestes spontanés, un câlin, une fleur cueillie lors d’une promenade… A l’adulte alors de s’émerveiller « ça, c’est vraiment gentil ! ». On n’exige pas la fleur. La gentillesse coule naturellement chez quelqu’un qui est centré dans son être. Sinon, c’est une gentillesse qui réclame de l’amour.

« Si tu es gentil, tu auras un livre, un jouet, un iPod… » Qu’en pensez-vous ?

Si l’on passe ce genre de contrat avec un enfant, mieux vaut éviter le mot « gentil ». C’est tellement abstrait. Etre gentil, c’est indéterminé et sujet à interprétation de part et d’autre ! Et cela devient angoissant pour l’enfant. Dans ce contexte, pour un enfant, « être gentil » signifie « ne pas bouger ». C’est être mort ! D’où l’intérêt de préciser le comportement attendu. Par exemple, « si tu vas coucher tous les jours de la semaine sans faire de scène », « si tu abandonnes ta tute », « si tu aides ta sœur à faire ses devoirs »…

Et un enfant qui, pour être gentil, donne tout ce qu’il a et ne garde rien pour lui ?

C’est souvent un enfant qui ne va pas bien. En quête d’affection, il se moule dans le désir de l’autre et donc ne se construit pas par rapport à son propre désir. Un enfant doit pouvoir oser être désagréable pour trouver sa différence. Donner tous ses bonbons, ça pose question. Celui qui est trop gentil est en demande de reconnaissance.

Un grand-parent trop gentil qui fait « tout » pour son petit-enfant et accepte tout de lui ?

Parfois il s’agit d’une manipulation inconsciente pour avoir de l’amour en retour… Or, un enfant n’est pas là pour combler nos manques d’amour. Je me souviens de cette mamy, exténuée, qui se plaignait : « Plus je donne, plus il exige ! Tout ce que je reçois en retour, ce sont des hurlements et des critiques. » Ma réponse : « Faites moins et ça ira mieux. » Stop à l’esclavage. Chacun doit prendre ses responsabilités.
Avec un ado, par exemple, s’il est normal de faire sa lessive, ce qui l’est nettement moins c’est de se mettre à 4 pattes sous son lit pour aller chercher le linge sale ! D’ailleurs, ce n’est pas « gentil » de pénétrer dans la chambre d’un ado en son absence, pour la ranger. Il en va de même en cas de disputes entre frère et sœur.
Outre le fait qu’ils n’ont aucune obligation à être gentil l’un avec l’autre, c’est la responsabilité de l’adulte de veiller à ce que chaque « belligérant » puisse se retirer dans sa chambre ou dans un espace où il se sente bien avec lui-même. Le lieu de chacun dans la famille doit être protégé. C’est le boulot de l’adulte. Et ça c’est du 100% gentil !


Article paru dans Psychologies 
www.psychologies.com


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