Inspiré du film anglais FINDING YOUR FEET, l’aventure ALORS ON DANSE a débuté en plein confinement. Une période difficile d’un point de vue sanitaire…
Michèle Laroque : « Nous avons d’abord fonctionné à distance mais très efficacement. Quand le script a été prêt, je l’ai envoyé aux acteurs auxquels je pensais et de leur côté, eux aussi avaient du temps pour lire ! Isabelle Nanty, Patrick Timsit, Thierry Lhermitte m’ont dit oui très vite… J’ai eu l’impression que l’équipe était ravie de se retrouver sur les plateaux après des mois d’enfermement ! »
Cela se ressent d’ailleurs dans ce que dégage le film : il est solaire, positif, bienveillant… C’est vrai dans le thème aussi : cette idée de 2e chance que va saisir votre personnage colle parfaitement avec l’époque que nous vivions alors…
Michèle Laroque : J’adore cette idée : « On a tous droit à une seconde danse »… C’est vrai que ce film (de la préparation au tournage) s’est déroulé dans une sorte d’urgence et de joie. Chacun, à tous les niveaux, a fait des efforts pour que le projet aboutisse. Si je repense à Angela (mon personnage dans BRILLANTISSIME), c’est une femme qui pense qu’avoir une belle déco, des dizaines de paires de chaussures, un beau mari… suffit à réussir une vie alors qu’en fait il lui manque l’essentiel. Sandra est bâtie de manière similaire : elle aurait rêvé d’être danseuse étoile mais elle n’y est pas parvenue et elle s’est transformée en une sorte de « madame parfaite », aux côtés d’un époux qui est d’un milieu bien plus aisé que le sien. Or, quand elle se rend compte que ce mari la trompe, elle quitte tout du jour au lendemain et va faire alors des choix qui vont la rendre enfin, vraiment heureuse ! Ce que j’aime dans ce film, c’est une idée peut-être naïve : la vie qui peut nous rendre heureux est simple. Il faut juste découvrir et accepter un chemin de liberté qui vous y mène. C’est également valable pour Roberto, le personnage de Patrick Timsit : il rêve de voir les tulipes en fleurs au printemps en Hollande et il décide de partir sur sa péniche pour vivre ce rêve, en toute liberté.
Sandra renvoie à l’image que vous avez auprès du public : optimiste, positive, joyeuse.
M.L. : J’évolue dans un milieu où le regard des autres peut sembler très important mais la vie m’a fait lâcher ça. C’est très agréable de vivre ainsi d’ailleurs. J’ai compris que j’avais envie de faire d’abord ce qui me plaisait, dans le respect des autres évidemment ! Quand je suis certaine ou emballée par un projet, je ne me demande pas si ça plaira ou déplaira ; je me lance ! Je pense que la véritable honnêteté est là. Quand je tourne ou réalise un film, c’est d’abord parce que j’aurais du plaisir à le voir en tant que spectatrice. Ensuite, le film est réussi ou pas, il marche ou pas mais moi je sais que je ne peux pas me tromper si je le fais sincèrement. Elle est là ma liberté…
Parlons de la danse… C’est un exercice de discipline auquel vous vous êtes pliée avec bonheur ?
M.L. : J’ai fait beaucoup de danse depuis l’âge de 3 ans donc ça a été un grand plaisir de faire un film où elle a autant de place. J’ai grandement été épaulée par Sofiane Chalal, danseur et chorégraphe de talent, vice-champion du monde hip-hop. Quand j’ai rencontré Sofiane, j’ai immédiatement su qu’il serait parfait pour le personnage de Riad, même s’il n’avait jamais joué devant une caméra ! C’est un garçon lumineux, gentil, avec lequel je me suis merveilleusement entendue. Là encore : quels que soient nos origines, nos histoires, nos parcours, quand ça fonctionne entre deux personnes, c’est comme si on se connaissait depuis toujours. Sofiane a mis au point les chorégraphies et il a réussi à impliquer tous les comédiens dans ce travail, y compris Thierry Lhermitte qui n’est pas un passionné de danse.
Cette troupe de danseurs amateurs dans le film évolue au sein d’une maison de la culture et des associations, menacée de fermeture par un projet municipal. Il faut y voir un message sur l’importance de ces bénévoles ouamateurs qui se battent pour faire vivre l’art ou le don de soi ?
M.L. : C’est une chose qui compte beaucoup depuis mon engagement auprès des Restos du Cœur. Chaque année, nos spectacles, nos disques ou nos DVD financent pour plus de 20 millions d’euros de repas pour les plus démunis. C’est unique au monde et nous nous sentons très privilégiés d’être en mesure de le faire. Quand parfois on essaie de salir ou de critiquer notre engagement nous ne comprenons pas et surtout nous avons encore plus envie de continuer car nous savons que nous sommes dans le vrai et que nous avons de la chance de l’être. Dans ALORS ON DANSE, c’est complètement différent : les personnages sont des danseurs amateurs qui vont dans les hôpitaux ou les EPHAD pour distraire les malades ou les personnes âgées. Ils répètent dans un immeuble vétuste que le maire veut rénover et il faut donc les reloger. Mais cela rendrait impossible ce regroupement d’associations or c’est très important l’énergie, l’idée d’être « ensemble » pour accomplir des choses. J’aime beaucoup ce moment dans le film où la troupe manifeste en dansant. Ils mettent un peu le bazar devant la mairie mais ça reste de l’art ! Et les gens qui assistent à cette manif les applaudissent d’ailleurs : ils ne sont peut-être pas d’accord avec leur revendication mais ils dégagent quelque chose de fort, de sincère. Pour tout vous dire, j’ai eu les larmes aux yeux en tournant ces scènes et en ressentant l’énergie ambiante ! Je voyais des visages épanouis, beaux, heureux chez tous les acteurs et les figurants.
A ce propos, passons-les en revue, à commencer par Isabelle Nanty qui incarne Danie votre sœur dans le film…
M.L .: Je crois qu’on a rarement vu Isabelle jouer un tel personnage au cinéma et la surprise que cela provoque, démultiplie les rires et émotions diverses qu’elle peut provoquer dans cette histoire. Avec Isabelle, on se connait depuis longtemps mais peu, via des amis communs, ou via Les Enfoirés. J’ai été folle de joie qu’elle ait eu envie de jouer dans ALORS ON DANSE ! Quand je nous vois toutes les deux à l’écran, je crois vraiment à ces deux sœurs qui, même si elles sont très différentes, sont extrêmement liées. Sandra s’est sauvée de la maison et Danie lui en veut énormément car dans le fond, elle l’adore. Et ça aussi ça se voit : elles s’engueulent comme deux personnes qui s’aiment ! Ça m’émeut beaucoup et, n’ayant eu ni sœur ni frère, je suis d’autant plus ravie lorsque mes personnages en ont dans les films que je tourne.
Pour le rôle de Roberto, vous avez choisi Patrick Timsit !
M.L. : Roberto est un personnage touchant : il vit un grand malheur dans sa vie puisque sa femme est très malade. Il a dépensé tout leur argent pour la soigner et est donc obligé de vivre sur une péniche en assez mauvais état, que son grand copain Lucien (Thierry Lhermitte) l’aide à réparer. Roberto donne de son temps dans cette association en dansant pour celles et ceux que ça peut aider, tout en rêvant d’aller voir fleurir les tulipes. Patrick a endossé ce rôle très facilement, en lui apportant sa sensibilité, sa sincérité et son humour. J’adore cette scène de dîner où il va se rapprocher de Sandra en se racontant un peu, tout en délicatesse. Patrick est un partenaire avec lequel j’aime beaucoup jouer. Nous avons tourné ensemble dans PEDALE DOUCE et LA CRISE avant de nous retrouver au sein des Enfoirés. On se connait bien et cela m’a permis de pouvoir hausser la voix quand c’était nécessaire pour ramener de l’ordre sur le plateau… parce que lui et Thierry, je ne vous dis pas !
Thierry Lhermitte justement qui incarne Lucien…
M.L. : Lorsque nous tournions JOYEUSE RETRAITE 2 au Portugal l’an dernier, je lui ai montré le film et il m’a dit combien sa complicité avec Patrick se voyait à l’écran. Lui aussi le rôle de Lucien lui va à merveille : c’est quelqu’un de pudique, fidèle en amitié, généreux… J’aime beaucoup le jeu de Thierry dans ce film : tout en vérité et en écoute. Lucien est un personnage un peu mystérieux. On sent qu’il est seul, secret, mais quand il le faut, il est là pour ses amis.
ALORS ON DANSE est votre 3e film de réalisatrice. De quelle manière regardez-vous ce chemin-là, accompli en 3 ans seulement ?
M.L. : J’ai d’abord l’impression que tout est allé assez vite ! BRILLANTISSIME était l’adaptation d’une pièce que j’avais jouée. CHACUN CHEZ SOI est un projet qu’on m’a proposé et sur lequel j’ai posé ma patte sans quoi je n’aurais pas pu le faire. Cela me convient parfaitement de partir d’un film ou d’une pièce existants pour amener des choses plus personnelles, des sujets qui me tiennent à cœur. Même chose pour ALORS ON DANSE avec mes producteurs chez Nolita… Aujourd’hui on me propose des choses mais j’ai aussi l’idée d’un film très personnel à laquelle je vais un jour me consacrer, en sachant que ça me prendra plus de temps. En revanche, pour l’instant, je ne me vois pas uniquement réaliser. J’aime trop jouer ! Et puis j’ai tellement d’énergie que ça me permet de me défouler quand je suis face à ma propre caméra et c’est par le jeu d’actrice que je peux le faire. Ce qui me passionne, c’est de filmer l’âme humaine, j’adore ça ! J’essaie évidemment de mettre tout cela en scène avec élégance mais mon intérêt premier est d’avoir un bon sujet et de bons comédiens avec un objectif : qu’on comprenne et qu’on s’attache à leurs personnages. Vous savez, j’ai grandi dans un milieu où le sport était très présent et je crois que j’ai un côté coach sur les plateaux ! Je m’occupe de tout le monde, je prends soin des équipes techniques et des acteurs. C’est ce qui me plait et m’intéresse. Je me sens à ma place.