le retour du héros

« Le Retour du Héros », une comédie à la française de Laurent Tirard

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À la fin du règne de Bonaparte, la bourgeoisie française s’impose au prix parfois de manœuvres et d’abus. Capitaine Neuville est lâche, fourbe et sans scrupules. Elisabeth Beaugrand est droite, sérieuse et honnête. Elle le déteste, il la méprise. Et pourtant…leurs chemins vont se rencontrer. Est-ce sa moustache ? Son costume rouge vif ? Son cheval ? Qu’importe !  La voilà responsable d’une imposture qui va très vite la dépasser. Entre film en costumes et comédie d’aventure romantique, Laurent Tirard établit le lien avec notre 21e siècle en tourment.

Entretien avec Laurent Tirard

« Le retour du héros » est un film en costumes, une comédie d’aventure qui emprunte à un genre que le cinéma français a beaucoup pratiqué et souvent avec bonheur dans le passé, mais que l’on ne voit plus guère… Pourquoi avez-vous eu l’envie d’y revenir ?

Patrice Leconte me disait récemment qu’un journaliste lui avait demandé pourquoi plus personne ne faisait de films comme « Ridicule », qui a aujourd’hui 20 ans. Je suis d’accord avec ce constat, et c’était sans doute une des raisons pour lesquelles je voulais faire ce film : parce que plus personne n’en fait, et qu’en tant que spectateur, ça me manque. Clouzot (le cinéaste, pas l’inspecteur), disait du réalisateur qu’il est le premier spectateur de son film. Et je pense que ma motivation profonde, quand je m’attaque à un projet, est de faire le film que j’aimerais voir mais que je ne trouve pas au cinéma. Les films en costumes, et surtout les comédies d’aventure, comme celles de Rappeneau ou de De Broca, ont fait le bonheur de générations entières de spectateurs, et ont contribué à mon envie de faire du cinéma. Je ne comprends pas pourquoi elles ont disparu des écrans. Ce qui est sûr, c’est que nous avons eu beaucoup de mal à monter « Le retour du héros ». Quand nous sommes allés voir les chaînes de télévision et les financiers, ils nous disaient que le public ne voulait plus voir ce genre de films. C’est un constat qui me laisse sceptique, même si je vois bien que le paysage cinématographique français actuel est surtout rempli de comédies sur des sujets de société très contemporains, avec une approche très « réaliste », très terre-à-terre, dans lesquelles l’aspect visuel est généralement relégué au second plan. C’est comme si, au nom d’un supposé modernisme, on ne pouvait parler de problématiques contemporaines qu’en montrant le quotidien. Comme si on pensait que le spectateur n’était pas capable, ou n’avait pas envie, de prendre de la distance avec la réalité. Est-ce vraiment le reflet du goût du public, ou une décision financière (parce que les films en costumes coûtent cher) ? Je ne sais pas. Moi, en tout cas, je suis plutôt défenseur d’un certain classicisme, sur la forme en tout cas, et donc d’une certaine élégance visuelle, ce qui n’empêche pas d’être moderne sur le fond.

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Ce qui est intéressant dans « Le retour du héros », (et c’était déjà le cas dans « Astérix et Obélix au service de sa majesté » mais aussi dans « Le petit Nicolas » ou Molière »), c’est quevous parvenez à faire un film d’époque qui résonne de manière extrêmement actuelle par les thèmes qu’il aborde : la quête de l’argent, les parvenus, l’ambition sociale par le mensonge…

Tout d’abord, je crois qu’il faudrait distinguer « film d’époque » et « film en costumes ». Le film d’époque, pour moi, c’est un film qui cherche à décrire de façon fidèle la vie d’un personnage réel, à reconstituer un fait historique, ou à nous montrer comment on vivait à une époque précise. La notion de reconstitution et de fidélité à la vérité historique (si une telle chose existe vraiment) y est très importante. Un film en costumes, en revanche, c’est un film qui utilise les costumes comme un déguisement, et qui se sert de l’époque pour mieux parler d’aujourd’hui. C’est peut-être un moyen plus subtil de faire réfléchir au monde dans lequel nous vivons. De ce point de vue-là, par exemple, le « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola n’était pas un film d’époque. C’était un film en costumes, dans lequel elle a utilisé un personnage historique, et le décor de la cour, pour parler de la solitude de sa propre jeunesse dorée à Beverly Hills. « Le retour du héros » rentre lui aussi dans la catégorie des films en costumes, et il est assez troublant de voir combien la réinvention de sa propre vie – qui est le sujet central du film – est au cœur de notre société actuelle. Les réseaux sociaux nous permettent aujourd’hui de magnifier notre existence et de nous auto-proclamer héros de notre propre vie, de façon totalement virtuelle. Nous sommes tous un peu des imposteurs, aujourd’hui ! En tout cas la technologie nous en donne les moyens de le devenir, et beaucoup en profitent, parfois s’en sans rendre compte… Mais l’art de réinventer sa vie ne date pas pour autant d’aujourd’hui. Et pour la petite histoire, il faut savoir que Jane Austen, qui était fille de pasteur, et à laquelle on n’a jamais connu de liaison amoureuse, s’était fait faire de faux certificats de mariages, avec des hommes apparemment tous droits sortis de son imagination, que l’on n’a découverts qu’après sa mort ! »


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