Conseils pour bien épargner

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Epargner, le Belge a ça dans le sang. Mais question méthode, là, c’est moins brillant. Suivez le guide mé-tho-di-que-ment !  

Finance

L’épargne, disent les économistes, c’est la partie du revenu qui n’est pas consommée.

Mais le revenu n’est pas la seule source de l’épargne : on peut hériter, l’épargne peut générer de l’épargne (avec un capital d’assurance de groupe par exemple), sans oublier les remboursements d’impôts (un contribuable belge sur deux est remboursé), les plus-values, les donations, et on en passe.

Enfin, il y a l’épargne au sens strict, qui doit être liquide, donc rapidement disponible (c’est la fameuse poire pour la soif), et l’investissement ou les placements, qui sont synonymes, eux, de (plus) long terme.

Finalement, beaucoup confondent épargne et investissement…

la première chose que demandent les banquiers privés lorsqu’un client se présente devant eux, c’est ceci : quel est votre patrimoine total ?

Mon profil

Avez-vous déjà entendu parler de la directive européenne MiFID ? Kèksèksa ? MiFID, c’est l’acronyme de « Markets in Financial Instruments Directive », en bon français « directive sur les marchés des produits financiers ». Elle oblige les intermédiaires financiers à établir pour chacun de leurs clients un profil d’investisseur, fondé sur l’horizon temporel et sur l’attitude face au risque. En règle générale, les intermédiaires financiers travaillent avec trois types de profil : conservateur (ou défensif), neutre (ou de base) et dynamique (ou agressif).

Livrez-vous à ce petit excercice…

Quelques questions types pour déterminer votre profil d’investisseur

  • Combien d’opérations d’achat et de vente sur des actions, des obligations, des sicav, des produits dérivés, etc., faites-vous par an ?
  • Quel est votre niveau de connaissance sur les produits financiers suivants ?
  • Etes-vous prêt(e) à accepter des fluctuations de cours dans votre portefeuille global ?
  • Vous avez acheté une sicav d’actions qui offre, pour le long terme, de bonnes perspectives de rendement. A court terme, vous constatez une baisse de 10 %. Que faites-vous ?
  • Quels sont vos principaux objectifs d’investissement ?
    • la sécurité ?
    • le rendement ?
    • la plus-value à long terme ?

(inspiré du questionnaire de la Deutsche Bank).

Pour vous dire l’utilité de ce profil, nous avons fait le test : sur la base d’un profil conservateur, nous avons tenté d’acheter en PC Banking des parts d’une sicav d’actions indiennes. Le système a refusé. Motif : placement trop risqué pour le profil concerné.

 Récapitulons

  • commencez par vous fixer des objectifs : il me faudrait autant à 40 ans, à l’âge de la retraite, pour donner à mes enfants, etc. ;
  • pour atteindre ces objectifs, tenez compte de ce dont vous disposez déjà et de ce qui est en cours de réalisation : contrat d’assurance, épargne pension, pension légale, prêt hypothécaire, plan d’épargne en sicav, etc. ;
  • établissez votre profil d’investisseur, établissez-le en toute sincérité et tenez-vous en strictement à ce qu’il permet. Si vous passez outre, sachez que c’est comme si vous étiez en excès de vitesse. Gare à la casse.

Sélectionner

Il vous reste maintenant à passer à la sélection des (meilleurs) moyens pour atteindre ces objectifs, compte tenu des contraintes imposées par votre profil d’investisseur. Ces moyens sont aussi divers que nombreux. La première chose à faire est d’établir une grille des produits financiers qui vous intéressent. Comment procéder ?

  1. Tout portefeuille qui se respecte doit être structuré.

Prenons un exemple : vous avez accumulé un petit capital de 75.000 euros sur lequel vous voulez obtenir un rendement. Vous prévoyez que vous aurez besoin de cet argent dans cinq ans pour faire des travaux dans votre maison. Ne le placez surtout pas en bourse : cinq ans, c’est trop court pour que le risque immanquablement lié à un placement boursier soit compensé par l’effet régulateur du temps. Par contre, vous pouvez investir cet argent dans des obligations d’Etat, qui vous donnent un rendement sûr à l’échéance.

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  1. Comment structurer un portefeuille ?

En fait, il n’y a que trois ingrédients de base : les actions, les obligations et une partie « épargne » qui fait office tout à la fois de réserve, de parking et d’amortisseur, les liquidités. La présence de ces trois ingrédients est un must : sans cela, votre avoir ne serait pas bien diversifié, pas bien réparti. Il serait exposé à des risques inutiles.

La part de chacune de ces trois composantes varie en fonction de votre profil : si vous êtes conservateur, votre portefeuille comprendra plus d’obligations ; si vous êtes neutre, il y aura (à peu près) équilibre entre obligations et actions ; si vous êtes dynamique, la part des actions sera la plus importante.

Attention, la répartition entre ces composantes varie aussi en fonction des conditions de marché. Il faut donc établir une sorte de compromis entre ce que votre profil vous intime de faire et ce que les conditions de marché recommandent.

  1. Après cela, vous devrez faire un autre choix : travailler en direct ou via des sicav ?

Un choix qui est vite fait. Le bon sens commande en effet de ne pas travailler avec des « lignes » d’actions et d’obligations si votre portefeuille mobilier ne pèse pas au moins 50.000 euros. A partir de ce montant, vous avez suffisamment de « mou » pour diversifier votre avoir sur un nombre suffisant de « lignes » d’actions et d’obligations, c’est-à-dire de types d’actions et d’obligations différentes pour bien répartir le risque – risque qui est toujours présent, ne l’oubliez pas.

Si votre avoir mobilier est compris entre 25.000 et 50.000 euros, travaillez avec des sicav d’actions et d’obligations.

Si votre avoir est inférieur à 25.000 euros, contentez-vous d’une sicav mixte, c’est-à-dire comprenant à la fois des actions et des obligations. Vous pouvez moduler le risque inhérent à ce type de sicav en fonction de votre profil (conservateur, neutre ou dynamique). Dans tous les cas, la troisième composante, les liquidités, peut être placée sur un compte d’épargne.

  1. Lorsque vous constituez votre portefeuille, par exemple avec une dizaine de sicav différentes, veillez bien à ce que cette diversification soit réelle.

Si vous avez des obligations et des actions, mais que tous ces actifs sont en euros, votre avoir n’est pas bien diversifié puisqu’il est entièrement exposé au risque lié à l’euro. Il faut donc investir aussi en devises étrangères. Le danger est le même si vous avez une sicav d’actions du secteur des produits de consommation et une sicav d’obligations corporate dont le portefeuille comprend de gros emprunts d’entreprises du secteur de la consommation. Malgré leur diversification apparente, ces actifs sont exposés au même risque, celui lié aux produits de consommation. Attention aussi à certaines corrélations qui n’apparaissent pas tout de suite : vous avez des sicav d’obligations d’Etat en euros ? Très bien. Vous avez un contrat d’assurance vie ? Très bien aussi, mais il y a gros à parier que le rendement de ce contrat d’assurance repose sur un portefeuille… d’obligations d’Etat en euros ! Retenez bien ceci : la diversification est la meilleure protection qui soit pour la porcelaine financière. Elle réduit fortement le risque de casse, mais pour cela elle doit être réelle. Sans quoi, « après », on n’a plus que ses yeux pour pleurer !

  1. Concentrez votre attention sur le couple rendement/risque.

Plus un actif est risqué, plus il PEUT apporter un rendement généreux – et inversement. Cette règle se compare à celle de l’accord du participe passé conjugué avec le verbe avoir : il y a la règle générale et… de nombreuses exceptions. On l’a vu dans notre propre pays. Qu’y a-t-il de plus pépère que les bons d’Etat ? Rien, si ce n’est… les bons d’Etat Leterme, émis fin 2011 au taux de 4 % brut avec précompte de 15 %, ce qui donne un rendement net de 3,40  %. Actuellement les taux à cinq ans sont de 2,6 % brut avec précompte de 21 % (au moins), ce qui donne 2,054 % net (au mieux) (1). Vous voyez la différence ? Pas étonnant dans ces conditions que les pépères bons d’Etat version Leterme soient devenus des produits hautement spéculatifs : ils cotent à 112 % et leurs heureux propriétaires sont harcelés par certains intermédiaires financiers : « Vendez. Ça vous rapportera tellement que même si vous placez cet argent à 2 % vous aurez davantage ». C’est (partiellement) vrai d’ailleurs. Inversement, on a vu ces dernières années des produits a priori peu risqués comme les sicav d’obligations d’Etat en euros prendre l’eau parce que leur portefeuille comprenait des emprunts grecs, portugais, irlandais, espagnols, italiens…

6. Ce qui nous amène à un des derniers commandements que doit respecter l’investisseur : il faut gérer son avoir activement.

Vous entendez parler d’un risque, qu’il soit grec, portugais ou patagon, peu importe, sur une sicav d’obligations reprise dans votre portefeuille ? Ouvrez tout grand les yeux et les oreilles, suivez la situation avec sang-froid et détermination et, s’il le faut, vendez et réinvestissez aussitôt dans un produit comparable maIS exempt du risque que vous craignez.

Attention à un autre piège. Imaginons que, comme le recommande la lettre de placement Fonds & Sicav pour un portefeuille neutre dont l’horizon temporel est de dix ans, vous ayez 35 % de votre avoir en obligations et 65 % en actions, dont un gros paquet (un tiers de ces 65 %) en actions américaines. La poursuite éventuelle de la hausse de Wall Street doit vous amener à vous poser la question suivante : mes actions américaines pesaient un tiers de mon avoir en actions, elles pèsent maintenant près de la moitié, mon portefeuille a changé, je fais quoi ? Idéalement, vendez, pour revenir à un tiers, et réinvestissez ailleurs ou stockez ce que cela vous rapporte sur un compte d’épargne en attendant mieux. Lorsqu’on a structuré son portefeuille, on ne laisse pas la nature le déstructurer. Un portefeuille, c’est comme un jardin, ça s’entretient. Sinon, c’est la jungle.

Et si je veux plus ? Ou autre chose ?

Libre à vous. La répartition entre actions, obligations et liquidités est un peu l’abc de l’investissement, le modèle de base si vous voulez. Rien ne vous empêche d’y ajouter ce que vous avez envie d’y ajouter ou ce que vous propose votre intermédiaire financier, par exemple de l’or (physique ou immatériel), des matières premières (trackers), de l’immobilier papier (sicafi) ou des produits plus sophistiqués, soit pour protéger votre avoir (options), soit pour spéculer (notes, certificats). L’important est de bien doser tout ça. En règle générale, on considère que des produits spéculatifs ne peuvent représenter plus de 10 % d’un portefeuille – compte tenu de votre profil de risque évidemment.



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