Refinancer son prêt hypothécaire, oui mais…

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Oui, mais quoi ? Primo, ce n’est pas toujours intéressant. Cela dépend d’une foule de choses. Secundo, il faut bien réfléchir à ce qu’on fait. Certains ont été trop vite… Tertio, l’évolution des taux d’intérêt est imprévisible. Personne dans ce domaine n’est plus ou moins malin que les autres.

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 Par Jean Blavier

Combien de fois ne l’a-t-on pas dit et écrit : le prêt hypothécaire, c’est comme la pêche. Quand un ami vous dit qu’il en est revenu avec une carpe grosse comme ça, tablez plutôt sur une perche de taille moyenne. Cela fait quasiment partie des discussions entre amis, autour de la Jupiler après le boulot le vendredi soir : “moi, tu sais, j’ai négocié à un taux super intéressant…” Mmmouais. Quand ce n’est pas : “moi, tu sais, j’ai renégocié à un taux super intéressant…” La carpe grosse comme ça n’est qu’une perche de taille moyenne.

Surtout si on change de pêcheur !

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Personne n’est jamais dans la même situation exacte que son voisin ou son beau-frère. D’abord, entre amis, au sein d’une famille, on ne se dit pas tout. Et, à de rares exceptions près, on ne se dit surtout pas l’essentiel, c’est-à-dire la situation exacte qui fait que l’un a obtenu de son banquier, de sa compagnie d’assurance ou de son courtier telles conditions (au pluriel, voir plus loin) et l’autre telles autres conditions. Or, c’est cette situation exacte (âge, revenus, situation familiale, situation patrimoniale, état de santé, épargne préalable, capitaux apportés par la famille, type de bien(s) donnés(s) en garantie…) qui fait toute la différence.

Cette situation exacte fait toute la différence pour une négociation de taux comme pour une renégociation, à cette différence près – une différence essentielle : où en êtes-vous dans le remboursement de votre prêt ? Jacques et Christine (noms d’emprunt, mais ils existent vraiment) ont emprunté à taux variable annuel il y a plus de 15 ans. Ils ont donc largement profité de la baisse des taux même si au début de leur prêt le loyer de l’argent a plusieurs fois grimpé. Ils se sont accrochés… et ils ont bien fait. A un moment, alors que les taux montaient, ils ont pensé à se protéger en renégociant leur prêt à taux variable annuellement contre un prêt à taux fixe. S’ils l’avaient fait, ils paieraient aujourd’hui 500 euros de plus par mois.

Ce n’est pas tout. L’autre semaine, Jacques et Christine passent chez leur banquier : “on est contents, on a fait une bonne opération, mais quand on voit le niveau actuel des taux variables, on est quand même fort tentés de renégocier”. Encore une fois, ils ne l’ont pas fait. Pour deux raisons.

Pourquoi demander une renégociation quand on a emprunté à taux variable ?

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Parce que le prêt à taux variable annuellement de Jacques et Christine évolue à l’intérieur d’une fourchette dite “-3/+3”. En d’autres termes, leur prêt conclu il y a plus de 15 ans à 6 % ne peut descendre à moins de 3 %. Or, actuellement le taux variable annuellement pour un bon client qui ne présente qu’un risque très limité peut descendre à moins de 2 %. Le jeu en vaut-il la chandelle ? A priori, oui, puisque comme l’on dit communément – mais c’est au cas par cas que cela se vérifie – il n’est intéressant de renégocier un prêt que si l’on peut obtenir un taux inférieur de 100 points de base au moins, soit 1 %.

Seulement voilà, Jacques et Christine sont tellement avancés dans leur tableau d’amortissement – en mauvais français, “ils sont déjà tellement loin dans leur prêt” – qu’ils remboursent beaucoup de capital et peu d’intérêts, si bien que la différence n’aura que peu d’impact. En échange, ils doivent couvrir les frais qu’une telle renégociation implique : payer des frais de dossier (de 150 à 350 euros, mais cela se négocie aussi) et trois mois d’intérêts sur le capital encore à rembourser (la fameuse “indemnité de remploi”) s’ils restent chez leur banquier actuel (s’ils en avaient changé, les frais auraient été plus élevés encore). Des frais qui dépassent l’avantage qu’ils peuvent tirer d’une renégociation. Bref, ce n’est pas intéressant.

En fait, c’est de moins en moins intéressant au fur et à mesure que l’on avance dans ses remboursements. Où se situe la barre ? Encore une fois, cela se vérifie au cas par cas, mais généralement on la situe aux alentours de 10 ans. Avant 10 ans, c’est souvent (fort) intéressant, comme on peut le voir dans l’exemple repris sur Wikifin (1). Mais attention, l’équivalent plus jeune de Jacques et Christine, Tanguy et Laure, ont déjà renégocié leur prêt il y a trois ans. Ils n’auraient jamais imaginé que les taux baisseraient encore comme ils l’ont fait. Ils sont retournés chez leur banquier qui les a reçus courtoisement mais éconduits tout aussi courtoisement : une fois, ça va. Deux fois… Surtout si l’on tient compte des frais. Il faut donc bien réfléchir AVANT pour être sûr de son coup (longtemps) APRES.

Ce n’est pas pour décourager les candidats à la renégociation, mais il n’y a pas que les taux d’intérêt dans la vie, il y a aussi les autres (et multiples) conditions auxquelles se négocie un crédit hypothécaire, qu’il s’agisse d’un prêt logement ou du financement d’un investissement. La crise financière de 2008 a changé beaucoup de choses (qui bénéficie encore aujourd’hui d’une quotité de plus de 100 % ?), le marché immobilier s’essouffle (même s’il ne chute pas, sauf dans le haut de gamme) et l’inflation, ce mécanisme tant décrié qui au fil des années allégeait le poids des remboursements, n’est plus ce qu’elle était (on parle même de désinflation, voire de déflation). Quant à l’assurance de solde restant dû, ses primes ont une fâcheuse tendance à augmenter avec l’âge quand on change d’assureur. Le mot de la fin ? A vos calculettes.



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