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Dans le Yukon, il était une fois la ruée vers l’or

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Eté comme hiver, le Yukon, dans le nord-ouest du Canada, est une destination peu courue bien que fascinante et originale. Nous y avons voyagé sur les traces légendaires des chercheurs d’or, au XIXe siècle. Une pittoresque remontée dans le temps.

Par Pierre Wiame

Whitehorse, à plus ou moins 9 heures d’avion de Bruxelles. Tout commence par une impression grandiose : sitôt sortis de l’aéroport, nous roulons sur la Alaska Highway, cette route mythique qui traverse ce territoire canadienne du grand nord (le Canada compte 10 provinces et 3 territoires, dont le Yukon). A priori, cette ville capitale a peu à raconter et à montrer hormis la majesté du fleuve Yukon qui l’enlace. De toute façon, notre esprit bringuebale déjà ailleurs. Pour ce qu’on en a lu, on se projette mentalement des routes à perte de vue, d’immenses forêts riches en ours noirs et, dans sa version plus dangereuse, en grizzlis, des paysages fabuleux et prégnants marqués par leur proximité avec le cercle arctique et devant lesquels on hallucine un peu.

L’automne s’installe en ce début août. Il y a plus d’un mois, autour du solstice d’été, les jours dits polaires ont gratifié les Canadiens du Nord du soleil de minuit. En octobre déjà, il y neige mais ce n’est encore rien par rapport aux mois de décembre et de janvier, quand les degrés chutent jusqu’à moins trente, voire moins quarante, et que les nuits sont si longues que le jour se retrouve rapetissé à plus ou moins cinq heures glaciales. Cependant, l’été, ce territoire est doux et fleuri, sa lumière brillante engage aux road trips.

Nous entrons en terre romanesque, en terre de cinéma, parce que le Yukon, par ses grands espaces minéraux et organiques, offre un écrin de choix aux aventures extrêmes. On y a filmé des catastrophes et des drames, ce territoire s’avérant parfois hostile, écrasant, angoissant à l’homme qui s’y est perdu, le mettant en condition de survie. Alors, forcément, le Yukon fascine, parce que l’hiver et ses aurores boréales y sont une institution qui fait rêver à des balades en traîneau à chiens, à de chaleureuses soirées à la clarté de lampes et de feux de bois.

photo montage yukon

Au Yukon, la voiture est obligatoire pour éprouver son bitume infini et la sensation d’être seul au monde. Les visiteurs s’y aventurent pour ses contrées sauvages, pour y goûter à son épopée fantastique, à la fin du XIXe siècle, qui a fourni tant de scénarios au cinéma : c’est la ruée vers l’or. À Dawson, nous sommes dans le Klondike, terre de mémoire des Premières Nations. À partir d’août 1896, la découverte de ce métal précieux affleurant dans l’eau claire des ruisseaux y fait accourir des hordes de prospecteurs amateurs excités à l’idée de faire fortune. La ruée vers l’or tournera pour beaucoup à la désillusion mais elle aura marqué le territoire. Plus de cent ans plus tard, des curiosités devenues touristiques en témoignent encore, comme la « White Pass & Yukon Route » Railroad, une ligne de chemin de fer chevauchant la frontière américaine. Surnommée à l’époque « The Railway built of gold », elle reliait, à l’origine, Whitehorse à Skagway, en Alaska. Il a fallu des dizaines de milliers d’hommes et 450 tonnes d’explosifs pour accrocher cette voie sacrée au dénivelé déchiqueté, la faire franchir précipices et torrents tumultueux. Ne subsiste aujourd’hui qu’une portion touristique. On embarque à Fraser pour un voyage fantastique à bord d’un wagon à banquettes de bois et plateformes métalliques. La promenade fouette les yeux, fracasse deux heures durant un théâtre éblouissant qui émerveille car hérissé de roches, bleuté de lacs et saupoudré de pics saillants sur lesquels les nuages blancs s’effilochent en fumeroles. Le convoi sifflant, parfois au bord du vide, enfile ce paysage flamboyant par des tunnels et de nombreux ponts, certains vertigineux et à chevalets. Terminus dans l’hyper-touristique Skagway et « Welcome to America » : il faudra faire tamponner son passeport, même pour un aller et retour de quelques heures. À la belle saison, la commerciale « Broadway avenue », remplie de l’air frais du Pacifique, frétille tous les jours de l’assaut des croisiéristes débarquant de leur paquebot pour venir s’attabler devant un « fish and chips ». On s’extasie devant cet alignement de boutiques comme dans les films, tout en bois et extravagance. On entre d’instinct dans cette méga-fabrique de pop-corn à l’enseigne rouge, le « Yukon Heath’s Popcorn Emporium », qui souffle les grains de maïs à grande échelle avant de les enrober de 23 saveurs.


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