Des ingrédients naturels achetés à des producteurs justement rétribués, un packaging allégé et recyclable, voire réutilisable, le souci de préserver la biodiversité et de réduire sans cesse son empreinte carbone… Le développement durable est devenu un questionnement central pour certaines marques de cosmétiques – grandes ou petites – en marge du circuit bio.
Coordonné par Isabelle Blandiaux
« Autrefois, nous étions obligés de lester les rouges à lèvres avec du métal parce qu’un tube chic devait être lourd dans l’esprit des consommatrices. Les mentalités ont évolué. Notre rouge à lèvres Joli Rouge a été relancé avec 3,5 g en moins. S’il avait été comme cela dès le départ en 2008, on aurait économisé 4,5 tonnes de plastique et autant de CO2 », explique, lucide, Christian Courtin-Clarins, président du Conseil de Surveillance du groupe Clarins. La prise de conscience du grand public est perceptible et constitue un moteur vers le changement global nécessaire pour infléchir la courbe de la pollution. « Tout le monde cherche à donner un sens à ses achats aujourd’hui. Les parents sont particulièrement concernés. Ils ont envie de voir leurs enfants nager dans la mer sans qu’il y ait de méduses, de pouvoir manger du poisson qui ne soit pas d’élevage et qui ne soit pas bourré de mercure, de pouvoir se baigner dans les rivières… Quand on est un industriel, on fabrique, donc on pollue. Mais chaque année, on baisse notre indice de pollution, c’est notre volonté. »
Toute jeune marque belge lancée il y a 5 printemps par une non moins jeune entrepreneuse, Marine André, 27 ans, Bee Nature est précisément née d’une prise de conscience : « Mes parents sont pharmaciens et je m’étais aperçue que dans l’officine, les compositions des cosmétiques n’étaient pas toujours en accord avec les nouvelles attentes des consommateurs, dont certains de la nouvelle génération. Ils veulent des produits naturels sans parabènes, sans phénoxyéthanol, sans ingrédients issus de la pétrochimie, ils veulent savoir qui sont les producteurs et où ils se trouvent. Ils souhaitent aussi un retour au local, aux traditions et à l’authenticité. J’ai créé cette gamme en accord avec les valeurs que je défends personnellement.»
« Quand on travaille avec les plantes, on les aime »
Âgée de plus de 60 ans, la marque de cosmétiques française Clarins devenue géant international a emboîté le pas au développement durable dès ses prémices. « Le point de départ, ce sont les plantes puisque les premiers produits Clarins, les trois huiles visages puis corps, sont 100% naturelles. Quand vous travaillez avec les plantes, vous commencez à les aimer et donc à vouloir les protéger. Le mot ‘biodiversité’ n’est apparu qu’au milieu des années 80 », se souvient Christian Courtin-Clarins. « Beaucoup d’erreurs ont été faites avant cela : on coupait des arbres puis on en replantait mais en ne mettant qu’une seule espèce. En 1985, je suis allé en Amazonie où j’ai rencontré des experts en biodiversité qui avaient monté l’association Pro-Natura. Leur but ? Demander aux entreprises d’apprendre aux agriculteurs à cultiver la terre dans la forêt amazonienne sans la détruire et en préservant la biodiversité. Cela m’est resté dans la tête, j’ai pris conscience des enjeux : on pouvait faire une agriculture très propre en respectant la nature et en rémunérant équitablement les populations locales. Je me suis donc associé à Pro-Natura. » Ont suivi beaucoup d’autres initiatives, comme le partenariat avec Alp Action avec l’achat de terrains dans les Alpes pour protéger cet écosystème européen de l’agriculture intensive et de l’invasion des nouvelles stations de ski ou encore l’implication dans le projet Solar Impulse, l’avion à énergie solaire qui a volé pendant 5 jours et 5 nuits.
Oeuvrer pour le développement durable, c’est aussi s’assurer l’accès à des ingrédients naturels sans pesticide sur le long terme. « Notre force, c’est d’avoir compris que la qualité d’un produit de beauté vient de la qualité de ses matières premières. On s’est intéressé très tôt aux cultivateurs de tous les pays en essayant de leur garantir un revenu honnête pour qu’ils puissent envoyer leurs enfants à l’école, acheter de la nourriture, des vêtements, etc. Et cela nous a permis d’avoir un approvisionnement de très haute qualité. La Centella asiatica, par exemple, est une plante très riche à l’état sauvage mais très pauvre en actifs si elle est cultivée. Elle fait vivre 200 familles à qui on achète la cueillette chaque année. C’est ça, le développement durable : un tiers écologique (je protège la nature), un tiers sociétal (je crée du travail) et un tiers économique (je rémunère le travail à un juste prix). » Un pas plus loin, Clarins s’est associé à des actions (Feed, World Food Association) qui favorisent l’éducation et la nutrition des enfants dans le monde parce que « quand on prend soin des plantes, on prépare le futur et donc on aide les enfants ».