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Béa Ercolini : « Arrêter de se teindre les cheveux procure un sentiment de liberté »

Assumer pleinement ses cheveux gris ou les teindre ? C’est un dilemme digne d’Hamlet. Lorsque les salons de coiffure ont fermé pendant la pandémie, beaucoup d’entre nous ont été confrontées à leur véritable couleur de cheveux pour la première fois depuis des années. Après un premier réflexe de répulsion, en partie dû à des préjugés injustifiés sur les cheveux gris et blancs, nous nous sommes senties libérées de renouer avec nos racines. Au propre comme au figuré.

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Béa Ercolini (58 ans), fondatrice et ancienne rédactrice en chef de ELLE Belgique, mais aussi créatrice de Beabee, un cercle féminin (mais pas que) basé à Bruxelles, a profité du confinement pour entamer la transition du brun au blanc. Et elle ne l’a pas regretté un seul instant. L’élément déclencheur pour Béa ? Le livre « Une apparition », écrit en 2017 par son amie Sophie Fontanel. La journaliste de mode y raconte la désapprobation d’une partie de son entourage devant sa décision d’arrêter les colorations. Or, ses cheveux gris lui ont permis de se sentir plus libre et plus sensuelle. Sur ces entrefaites, un nouvel homme est arrivé dans la vie de Béa (« certaines femmes changent de travail, moi j’ai changé de mari »). Et un cheveu blanc a surgi dans sa chevelure brune lors de vacances en Grèce. Son compagnon l’a retiré et lui a demandé ce que c’était. « J’ai pris le cheveu en lui répondant que je devais refaire ma colo au plus vite. » « Mais pourquoi ? C’est parfait comme ça ! », a-t-il ajouté. Une transition qui aura pris trois ans.

Béa Ercolini

Crédits : Nathalie Gabay

Rencontre avec Béa Ercolini

Quand avez-vous découvert votre tout premier cheveu blanc ?

J’étais assez jeune, j’avais 23 ans. J’avais les cheveux très foncés, alors ce cheveu blanc s’est vu tout de suite. J’ai immédiatement commencé à me teindre les cheveux, et je l’ai fait pendant plusieurs décennies, même tous les quinze jours à la fin.

Mais aujourd’hui, vous avez donc arrêté les colorations.

En effet. J’ai commencé par les laisser pousser. Quand je regarde les photos de l’époque, je n’arrive pas à croire que j’ai osé mettre le nez dehors comme ça ! Je ressemblais à Cruella d’Enfer ! Ma coiffeuse, Ivona du Salon Velasquez, a vu les photos sur les réseaux sociaux et m’a appelée pour me dire : « Béa ! Ça ne peut plus durer, il faut qu’on fasse quelque chose ! » Elle a appliqué la technique de Jack Martin, ça a pris presque toute la journée. On a décoloré mes cheveux et éliminé toute coloration. Je me suis donc retrouvée blonde avec des racines blanches, mais c’était beaucoup plus doux. De plus, j’ai toujours voulu être blonde une fois dans ma vie, j’ai donc pu vivre cette expérience pendant un an. (Rires)

La technique de Jack Martin

Il commence par utiliser un extracteur de couleurs pour éliminer toute trace de coloration artificielle. Ensuite, tout en préservant les racines grises, Jack Martin décolore le reste des cheveux. Ensuite, et c’est là l’astuce, il se base sur la couleur grise naturelle des cheveux pour choisir la nouvelle teinte. Il faut trois à quatre centimètres de racines naturelles pour que l’analyse soit probante. Il récrée ensuite le motif sur toute la chevelure.

Comment a réagi votre entourage ?

Mes deux meilleures amies étaient contre. À part ça, je n’ai reçu que des compliments. Je veille à ce que mes cheveux soient sains. Si je me tiens dans la lumière d’une certaine façon, mes cheveux blancs semblent même parfois la refléter d’une façon unique. Et quand je me maquille un peu, je n’ai certainement pas l’air plus vieux. En fait, ça ne me dérange pas du tout : nous vieillissons tous. Mona Chollet l’a magnifiquement décrit dans le livre « Sorcières » ; la sorcière, un archétype misogyne qui a souvent fini sur le bûcher, incarne selon l’autrice une figure de pouvoir positif pour la femme contemporaine. Après tout, cette figure symbolique représentait exactement ce qu’une femme ne devait pas devenir : célibataire, sans enfant, et reconnaissable à ses rides et ses cheveux blancs. Et si elle envahissait le territoire des hommes avec ses connaissances et ses compétences, elle était à nouveau taxée de sorcière. Un livre très intéressant qui permet de comprendre pourquoi les femmes se sont toujours donné tant de mal pour rester jeunes.

Le comportement des gens a-t-il changé ?

Oui ! Depuis que j’ai les cheveux blancs, il y a toujours un homme grand et fort qui m’aide à porter mon vélo ou ma valise dans les transports en commun. Mais c’est juste pratique ! (Rires)

Ça fait quoi d’arrêter de se teindre les cheveux ?

Ça procure un sentiment de liberté. Par ailleurs, c’est plus naturel : finis les produits chimiques néfastes pour ma santé, pour celle de mon coiffeur et pour la planète. Aujourd’hui, je me sens plus ancrée. Il me semble contradictoire de manger bio et d’utiliser des traitements capillaires chimiques. Je retrouve également le plaisir de prendre soin de ma chevelure ; chaque soir, j’applique un peu d’huile de noix de coco sur les pointes, ce que je ne faisais jamais auparavant. Ça s’apparente à une routine agréable de soins de la peau.

Béa Ercolini

Crédits : Nathalie Gabay

Avez-vous déjà envisagé de vous reteindre les cheveux en brun ?

Certainement pas. J’ai dit que si je devais repasser par cette transition, je m’installerais d’abord dans un autre pays. (Rires). Mais non, je n’en ai aucune envie.

Andie MacDowell, Helen Mirren et Jodie Foster ont toutes trois affiché fièrement une crinière grise au Festival de Cannes cette année. Qu’en avez-vous pensé ?

Je me réjouis surtout pour les jeunes générations. Ça m’a fait penser à ma fille de 25 ans qui m’a dit un jour qu’elle ne se souciait plus tellement de son apparence ni de ce que les autres en pensent. Le fait que ces trois femmes aient foulé le tapis rouge avec leurs rides et leurs cheveux gris constitue un grand pas en avant dans ce sens. Arrêtez de vous préoccuper de ce que les autres pensent de vous. Arrêtez de rentrer le ventre. Ce n’est pas ça la définition d’« être belle ». Être belle, pour moi, c’est avant tout une belle façon de bouger, un beau sourire, c’est être soi-même… Et je pense d’ailleurs que ces trois femmes ont dû se sentir libres. Parce que le système à Hollywood n’est pas toujours juste. Vous saviez qu’un budget est souvent prévu dans leur contrat pour la chirurgie plastique ? ça me semble affreux.

Vous venez de dire que vous utilisiez de l’huile de coco sur vos cheveux. Y a-t-il autre chose qui les rende si brillants ?

Je n’applique l’huile de coco que sur les longueurs. J’évite de les laver trop souvent et j’utilise Blonde Recharge de Wella, c’est un conseil de mon coiffeur. La première fois, j’ai été très surprise par sa couleur, car ce shampooing est violet. Mais son effet sur les cheveux gris et blancs est stupéfiant ! Et c’est tout… Je pense que leur brillance tient principalement au fait que je n’utilise plus de produits chimiques.

Et je suppose qu’un mode de vie sain y contribue ?

En effet. Autrefois, je vivais avec un homme qui travaillait dans le domaine des médicaments anti-âge. Par conséquent, je prends depuis longtemps des compléments : zinc, magnésium, hormone thyroïdienne, DHEA…

Avez-vous des conseils à donner aux femmes qui envisagent d’arrêter de se teindre les cheveux ?

Suivez votre voix intérieure. Se sentir prête, c’est l’être. J’encourage toujours les femmes à s’écouter, mais je peux comprendre que quand on vit avec un partenaire qui n’aime pas les cheveux gris, c’est compliqué. Alors il s’agit d’abord de le ou la convaincre. On ne compte plus les belles photos en ligne, sur Pinterest et sur Instagram, de femmes branchées aux beaux cheveux gris ou blancs. Voilà largement de quoi convaincre cette autre personne, voire vous-même si vous en avez encore besoin. J’ai eu la chance que mon mari me soutienne dans cette démarche. Il m’a vraiment encouragée à franchir le pas. Et je ne l’ai jamais regretté.

Crédits Photo à la une : Nathalie Gabay


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