surmonter l'infidélité

Comment surmonter une infidélité ?

Pas facile de gérer l’agitation mentale liée à une tromperie amoureuse. On peut se calmer grâce aux outils donnés par la docteure Caroline Depyudt dans son ouvrage “Bien dans sa tête grâce aux neurosciences”. Interview.

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Les pleurs vous submergent. Encore et encore. Les larmes et puis la gorge se serre, le cœur s’emballe. La tristesse est immense depuis que vous avez découvert l’infidélité de votre partenaire. Vous avez l’impression d’être trahi.e, humilié.e, maltraité.e., non respecté.e, sali.e ….  Vous avez l’impression de ne plus valoir grand chose et vous ne savez pas quoi faire.

Infidélité: comment calmer la tempête émotionnelle?

Et que faire? Parler? Se fâcher? Comprendre? Pardonner? Partir ? Sans doute la première chose est-elle de se calmer et de tenter de réguler les flots d’émotions épuisantes. Ces dernières sont dues non pas à une circonstance comme on le croit souvent – en l’occurrence l’infidélité – mais aux pensées qui l’accompagnent. C’est ce qu’explique la psychiatre Caroline Depuydt dans “Bien dans sa tête grâce aux neurosciences”. La cheffe de service à la Clinique Fond’roy qui depuis quelques mois est aussi chroniqueuse radio dans l’émission du vendredi après-midi “La grande forme” sur Vivacité nous y explique comment guérir nos blessures, sortir de notre anxiété, comment prendre ou reprendre le pouvoir sur nos vies, en résumé, comment aller bien! Elle nous ouvre sa boîte à outils pour nous aider à être bien dans notre tête et en l’occurrence pour le cas qui nous préoccupe: calmer la tempête émotionnelle liée à une infidélité.

Les outils que vous proposez dans “Bien dans sa tête grâce aux neurosciences” sont nombreux: modèle de Brooke, thérapie ACT acceptation engagement, EFT ou technique de libération émotionnelle, cohérence cardiaque, méditation, yoga, sport, neuro alimentation. Prenons le premier, le modèle de Brooke Castillo. Pouvez-vous expliquer très concrètement comment il fonctionne et comment il  peut nous aider à dépasser l’infidélité.

“Le modèle de Brooke est un cycle que l’on peut  décomposer en 5 grandes lignes: circonstance/pensée/émotion/ action/résultat. Les circonstances (l’infidélité ici) suscitent des pensées (« il va m’abandonner pour l’autre c’est sûr » ou « je n’ai pas mérité ça, il se moque totalement de moi et détruit notre harmonie»), ces pensées amènent des émotions (insécurité majeure, honte, colère, dégoût), les émotions provoquent des actions (se recroqueviller comme une huître de peur d’être abandonné.e, ou se lancer dans des disputes sans fin à cause de la colère inextinguible). Ces actions produisent des résultats (une séparation, une tension permanente à domicile) qui vont souvent alimenter le cycle de nouvelles pensées et renforcer l’impression de départ (la peur de l’abandon, la crainte de tensions permanentes dans le couple).

Il est utile de mettre en évidence que les circonstances sont objectives et neutres, même l’infidélité, aussi étonnant que cela puisse paraître ! Ce ne sont pas les circonstances qui vont provoquer nos émotions, de joie ou de détresse, mais bien les pensées que nous avons à propos de ces circonstances. Décrire une circonstance, c’est comme énoncer un fait devant une cour de justice. Cette description la plus neutre possible permet déjà parfois de diminuer la charge émotionnelle qui y est jointe. Dans un couple polyamoureux par exemple, aller voir ailleurs ne sera pas vécu de la même façon que dans un couple qui s’est juré fidélité. Le même acte est ainsi vécu différemment selon les croyances que l’on a à son propos. Ce sont donc les pensées que nous avons sur cette circonstance qui peuvent nous plonger dans la joie, l’indifférence ou la plus plus profonde affliction.

Il est important d’en prendre conscience parce que si nous n’avons pas de prise sur les circonstances (notre partenaire nous a trompé, c’est un fait objectif que nous ne pouvons pas changer), nous avons par contre un moyen d’action sur nos pensées et nos émotions qui n’appartiennent qu’à nous. Qui plus est, en prendre conscience permet de les vivre, de les accepter et de voir ce qu’elles peuvent nous enseigner pour tenter d’aller mieux, car nos émotions sont une boussole pour nous indiquer si nos besoins de base sont remplis ou non et de quelle façon nous pouvons nous employer à les combler.”

J’ai identifié la pensée qui engendre l’émotion. Dans ce modèle de Brooke, on modifie la pensée pour modifier les émotions. Par quelle autre pensée la remplacer ?

“Je vous donne un exemple: la pensée « j’ai tellement peur qu’il me quitte » va provoquer une émotion de peur d’abandon et d’impuissance. Les actions qui s’en suivent seront peut-être de se mettre en retrait, de subir la situation sans rien dire et de développer une dépression. L’objectif est ici de chercher une pensée, à laquelle on croit, et qui pourrait nous être plus utile, plus constructive. Cette pensée pourrait être par exemple « je fais du mieux que je peux pour maintenir respect et sincérité dans mon couple, mais un couple c’est 50/50, je ne peux pas tout ». Ce genre de pensée permet d’une part de reprendre un peu le pouvoir et quitter l’impuissance mais aussi de ne pas mettre toute la responsabilité ou culpabilité sur soi ou sur l’autre. Cela peut amener à des actions concrètes : parler à son/sa partenaire, exprimer ses besoins, clarifier dans quelles conditions le couple peut durer.”

Les émotions sont des signaux d’alarme lancés par notre cerveau pour nous faire comprendre que nos besoins ne sont pas comblés. Or ces besoins s’ancrent au plus profond de notre être et dépendent de notre histoire personnelle. Ainsi la tristesse ressentie lors d’une infidélité peut répondre à un besoin impératif d’appartenance. Modifier la pensée qui engendre les émotions va-t-il aider à dépasser le besoin qui n’est plus assouvi du fait de l’infidélité?   

En effet, les émotions nous indiquent un besoin non assouvi, parfois c’est justement de découvrir cela et de voir comment nous pouvons nous réorienter qui va modifier les pensées. Il s’agit donc de d’abord vivre pleinement ses émotions, même désagréables, entendre ce qu’elles ont à nous dire, cela suffit parfois à répondre à notre désarroi.

Si je repère que c’est mon besoin d’appartenance qui est mis à mal, je peux alors décider de réfléchir à la façon de remplir ce besoin avec mon/ma partenaire ou justement aussi ailleurs, dans mon rapport à mon amour de moi, dans ma famille, etc.  Et cela amènera naturellement à une modification des pensées et du modèle.

Revenons au modèle de Brooke. A quel rythme faut-il utiliser cette technique? Tous les jours?

“Cette méthode peut s’utiliser tous les jours ou une fois par semaine, ou quand le besoin nous en prend, selon l’intensité de la crise vécue. On peut prendre 10 minutes par jour pour faire un « flot de pensées », c’est-à-dire coucher par écrit ce qui nous passe par la tête, identifier une pensée ou une émotion majeure et construire un modèle à partir de cela. Ensuite il s’agit de voir si dans ce modèle, certaines pensées peuvent se travailler pour nous être plus utiles ou plus légères. Il est important de croire aux pensées alternatives que l’on tente de créer (finalement, on ne se ment jamais à soi-même)  et de répéter ce processus avec bienveillance, en sachant qu’il est normal que cela prenne du temps d’apprivoiser ses émotions et d’en faire des alliées plutôt que des ennemies. Du coup, certains changements peuvent être extrêmement rapides, parce qu’on identifie l’émotion, on la vit, on l’accepte et on trouve une pensée alternative très puissante qui nous soutient beaucoup que ce soit « je choisis de me respecter et de ne pas subir cette infidélité, je pars quelques jours pour me retrouver voire je me sépare » ou « je choisis de donner un second souffle à notre couple et de voir cette infidélité comme une chance qui nous est offerte de nous reconstruire » vous êtes totalement libres ! Vivre et accepter son émotion ne veut pas dire tout supporter sans mettre de limites. Mais certains changements sont plus lents et peuvent prendre des semaines ou des mois, les pensées et émotions qui nous animent étant enfouies en nous depuis des années et pas évidentes à déloger ou reformuler.

L’efficacité de cette méthode de Brooke est-elle prouvée par des études scientifiques? S’explique-t-elle par les neuro-sciences?

“Je ne connais pas d’études scientifiques spécifiquement centrées sur le modèle de Brooke, par contre il y a des centaines d’études qui ont validé l’efficacité du modèle de thérapie cognitivo-comportementale (sur le cycle pensée-émotion-action) dont s’inspire largement ce modèle. Les changements se voient au niveau clinique (diminution de l’anxiété, amélioration des symptômes dépressifs) mais aussi au niveau cérébral : amélioration des connections entre l’amygdale- le noyau cérébral de la peur- et le cortex cérébral- les neurones de la sagesse dans notre cerveau. Cette meilleure connectivité permet que nous soyons moins débordés par nos peurs et plus lucides dans nos choix.”

Est-elle à combiner avec d’autres méthodes que vous conseillez dans votre ouvrage “Bien dans sa tête”?

 “Il est précieux d’associer la pratique de ce modèle de Brooke à d’autres outils, surtout en cas d’infidélité, quand on sait les montagnes russes émotionnelles  et le traumatisme que cela peut créer. Je recommande de ne pas rester seul avec ses tourments, le lien social, quand il est possible, demeure très important. Un suivi psychothérapeutique peut être utile pour arriver à y voir plus clair. Par ailleurs, prendre soin de soi avec bienveillance est aussi capital, faire un sport que l’on aime, s’offrir des pauses bien-être, pratiquer de la méditation ou de la cohérence cardiaque pour apaiser son stress sont autant de pratiques qui permettront de traverser cette épreuve avec le plus de sérénité est d’auto-compassion possibles. Je rappelle que la cohérence cardiaque est une technique de gestion du stress extrêmement rapide et facile à mettre en place qui consiste à respirer pendant 5 minutes à une fréquence de 6 respirations par minute en suivant un guide respiratoire (une inspiration de 5 secondes et une expiration de 5 secondes). Tout un chapitre du livre est également consacré à cette méthode.”

“Bien dans sa tête grâce aux neurosciences” est paru aux éditions Kennes,  290 p, 19,90 euros


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