Au fil des ans vous l’avez constaté : plus le temps passe, plus il passe vite. Tourne la vie, et dans son élan, certains sont débarqués. L’injustice de l’histoire c’est que les dossiers les plus difficiles à oublier sont ceux qu’on voulait classer en priorité. Les réseaux sociaux sont apparus, et les fardes à soufflets de notre mémoire ont disparu. Les Bic 4 couleurs sont devenus glitter, dorés ou fuchsia métallisé, et on se surprendrait presque à écraser une larme devant un stylo bille en plastique orange.
Le capuchon bleu marine entre les dents, là où est sa place. Nous vivons désormais une époque aux mains propres. C’est important, de se sentir clean. On a oublié l’odeur du papier carbone qui salissait le bout des doigts, on ne sniffe plus avec un délice coupable l’encre violette des polycopiés. Ils signifiaient qu’on avait bien bossé. Aujourd’hui, pour s’auto-congratuler du travail accompli, on contemple avec une pointe d’anxiété ses 2.048 messages non lus. Exister, c’est laisser une trace virtuelle. Fini les Polaroïds instantanés qu’on secouait pour faire apparaître l’image. L’appareil était carré, mais les souvenirs rapidement floutés. Les décennies ont arrondi les angles du design. Les Simca se sont effacées au profit d’automobiles aux lignes courbes, les coupes de cheveux typiques des années 60-70, ciselées au cordeau, se sont assouplies aussi.
On a changé les formes, mais aussi les odeurs. Même les baisers des enfants ne collent plus à cause des babeluttes, depuis que fils et filles de bobos, ils suçotent des branches de céleri au goûter. Nos copines ne sentent plus Opium de Saint Laurent, elles font dans le jus de niche aux essences naturelles. Les décapotables sans ceintures à l’arrière ne sentent plus l’essence, mais bardées d’airbags, elles se garent toutes seules. Les 2 Chevaux qui nous servaient de sèche-cheveux quand elles étaient décapotées en été sont remisées au musée (elles coûteraient trop cher en écotaxes), et la Golf toute carrée dans laquelle on emmenait la famille à Knokke le dimanche a laissé sa place à une hybride insonorisée. Nous vivons, enfin, dans le meilleur des mondes.
Vraiment ? Sans Walkman mais avec le Bluetooth, on s’isole toujours volontiers du rythme de la ville (ou de la conversation des autres). Sans Gameboy mais vissés à nos smartphones, on rejoue parfois en cachette à Pac-Man, vaguement coupables du temps « gâché ». La vie 3, ou déjà 4.0, n’est jamais qu’un éternel recommencement qui ne nous ramènera pas au même endroit. Parce qu’à chaque tour de manège, on a fait le ménage. Mais on a gardé le mange-disque et quelques vinyles. 45 tours, et puis s’en vont.
Cet article vous a plu ? Vous aimerez également « L’high tech vintage connaît son heure de gloire«