L’ennui… Il est souvent associé à de la mélancolie, si ce n’est de la tristesse. Ce n’est pas pour rien que le Larousse définit le terme comme une “lassitude morale”, une “impression de vide engendrant la mélancolie, produite par le désœuvrement, le manque d’intérêt, la monotonie”. Au lit, l’ennui peut surgir et surgit souvent au sein d’un couple de longue durée. Au début, chacun et chacune est excité.e par la nouveauté, emporté.e par la découverte de l’inconnu. Et puis au fil des ans, une sensation de fadeur peut s’installer. La sexualité perd de son piquant, voire de son intérêt.
60% des femmes éprouvent de l’ennui sexuel
Les psys et sexologues portuguais Leonor de Oliveira, Joana Carvalho et Pedro Nobre se sont intéressés à l’ennui sexuel, aussi bien pour le quantifier que le définir et cerner le profil des personnes qui l’éprouvent. Côté chiffres d’abord : en 2022 dans leur étude “A Cluster Analysis on Sexual Boredom Profiles in A Community Sample of Men and Women” , soit “Une analyse groupée des profils d’ennui sexuel dans un échantillon d’hommes et de femmes” (1) menée auprès de 1.021 participants âgés de 18 à 75 ans (72,4% de femmes et 27,6% d’hommes), ils ont constaté que l’ennui touche pas mal de monde. Quelque 29,5% des femmes interrogées confient ressentir un grand ennui sexuel et 29% un ennui modéré. Cela fait 58,5% de femmes qui avouent s’ennuyer au lit. On note que les hommes sont encore plus sévères par rapport à leur vie intime : 60,2% éprouvent un haut niveau d’ennui sexuel…
Mais attention, tous ces ennuis ne sont pas à mettre sur le même pied. Il y a celles qui jugent leur vie intime plutôt ennuyeuse mais gardent un intérêt pour la chose sexuelle. Elles continuent d’éprouver du désir sexuel, plus d’ailleurs pour les hommes qu’elles n’ont pas que pour leur partenaire habituel et elles peuvent aussi se masturber. C’est le cas des 29% de femmes qui éprouvent un ennui modéré. Et puis il y a celles qui éprouvent un fort ennui associé à un grand désintérêt pour les plaisirs du corps. Le sexe, ce n’est pas pour elles.
L’insatisfaction, un signal d’alarme ?
Mais que signifie l’ennui sexuel ? Si l’on en croit les 653 personnes interrogées (72% de femmes) par nos trois spécialistes portugais un an plus tôt (2), l’ennui sexuel, cela peut être la répétition des mêmes scénarios sexuels et des mêmes positions, des rapports aussi prévisibles que peu excitants, l’absence de connexion émotionnelle avec le partenaire, le non-désir sexuel et le non-plaisir des rapports sexuels. Parfois même l’ennui est associé à l’obligation de vivre des relations sexuelles quand l’envie n’est pas présente ou à un nombre de rapports sexuels insatisfaisants. Est encore évoqué le fait d’avoir toujours le même partenaire…
Mais l’auteure principale de ces deux études, Leonor de Oliveira, se veut rassurante et indique que l’ennui n’est pas intrinsèquement négatif. Il pourrait simplement signaler que nous désirons ou que nous avons besoin d’un changement pour maintenir notre intérêt pour le sexe. Cet optimisme est étonnant car nombre d’études ont montré que l’ennui est plutôt associé à de l’insatisfaction sexuelle et relationnelle. Mais on la suit et préfère voir le sentiment d’ennui comme un signal d’alerte dont il faut prendre compte.
D’où vient l’ennui au lit ?
On fait quoi pour dépasser cette lassitude sexuelle ? On commence par en prendre conscience, pour bien identifier ses manques, frustrations et envies. Je trouve ma sexualité monotone mais quand surgit cette impression ? Comment ? Pourquoi ? Est-elle seulement sexuelle ? Ensuite on parle de son ressenti à son partenaire. La communication est une des clés essentielles d’une vie sexuelle épanouie. Chacun parle de son vécu, de ses frustrations et envies. On parle comme on écoute l’autre, sans l’interrompre, en restant ouvert à ses propositions.
Quand on a un rapport, on évite les pensées parasites et on s’efforce d’être pleinement présent à soi et à l’autre. On s’attache aux sensations érotiques et à ses ressentis.
On prend son temps quand on fait l’amour. Trop souvent avec les années, on expédie la relation. On éteint la télé, l’ordinateur et le portable et on passe une réelle soirée à deux. On peut commencer par un bain, puis s’offrir des massages sensuels et terminer par des actes plus sexuels.
De la nouveauté !
On introduit de la nouveauté et on évite les classiques baisers suivis de courtes stimulations génitales et d’une rapide pénétration en missionnaire ou cuillère. On change ce script habituel à petites doses, à son rythme. La nouveauté ne doit pas être vécue à chaque relation mais occasionnellement. On peut introduire du neuf en changeant simplement d’endroit ou de moment. Plutôt que de s’aimer le soir dans la chambre à coucher après le dîner et les séries télé, on décide de commencer la soirée par un rapprochement des corps dans un lieu non habituel : la salle de bain, la cuisine, le salon. On change de positions, on ajoute un sex toy, on regarde un film coquin, on fait une lecture érotique commune. On peut décider de se connecter davantage, de faire l’amour les yeux ouverts en regardant l’autre. Ou au contraire, on peut choisir de se bander les yeux. On peut décider que l’un ou l’autre prendra la relation en main, décidera de son déroulement. On peut jouer à s’attacher ou pratiquer du BDSM soft ou tenter le dirty talk, ses sales petits mots qui excitent… Chacun voit.
On peut consulter un spécialiste car l’ennui peut aussi être le signe d’autres problèmes plus importants.
(1) de Oliveira, L., Rosa, P., Carvalho, J., & Nobre, P. (2022). A Cluster Analysis on Sexual Boredom Profiles in A Community Sample of Men and Women. The Journal of sex research, 59(2), 258–268.
(2)de Oliveira, L., Carvalho, J., & Nobre, P. (2021). Perceptions of sexual boredom in a community sample. Journal of sex & marital therapy, 47(3), 224–237.
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