simuler

Pourquoi tant de femmes simulent-elles le plaisir ?

Simuler la jouissance est une pratique courante. Quelles en sont les motivations ?  Sont-elles toutes négatives ?

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Quelle femme n’a t-elle pas simulé une fois dans sa vie ? Pas moins de 77% de la gente féminine a déjà feint l’orgasme, si l’on en croit l’étude canadienne de 2019, «Beliefs About Gender Predict Faking Orgasm in Heterosexual Women», « Les croyances sur le genre prédisent la simulation de l’orgasme chez les femmes hétérosexuelles» (1).

Mais le constat est-il alarmant ? Est-il affligeant pour celles qui s’y adonnent ? Attristant pour ceux qui le subissent ? Ce comportement est-il le fait de femmes trop contrôlées qui ne connaissent pas leur corps ? On note au passage que la pratique n’est pas exclusivement féminine puisqu’entre 20 et 30% des hommes ont confié qu’ils avaient déjà simulé ! Mais retour aux femmes. Feindre l’orgasme est-il une trahison ? Une manipulation de l’autre ?

Reconnaissons que la pratique a mauvaise réputation. Le Larousse définit d’ailleurs le verbe d’une façon négative, soulignant la notion de tromperie qu’il porte. Simuler, c’est “imiter un état, un sentiment, les feindre, le plus souvent en vue de tromper.”  Une femme feindrait le plaisir pour tromper son partenaire. On est dans l’imposture et l’hypocrisie.

Une tromperie de femmes non féministes

Et on admet que la simulation orgasmique peut être justifiée par le désir de flatter son partenaire et lui faire croire qu’il est le meilleur des amants, en faisant fi de ses propres plaisirs. L’étude de l’université canadienne citée plus haut a ainsi constaté que les femmes qui simulaient le plus fréquemment l’orgasme, étaient celles qui avaient des conceptions non féministes et estimaient que les hommes leur étaient supérieurs et qu’ils avaient besoin d’un orgasme pour se sentir satisfaits! Elles voulaient jouir (ou plutôt faire semblant de jouir) pour faciliter l’orgasme de leur partenaire et flatter leur virilité;  l’excitation de la femme portant celle de l’homme. Leurs propres plaisirs étaient jugés peu importants par rapport à ceux de leur partenaire masculin. Rien de moins…

Et puis on peut encore simuler pour de multiples raisons (2) :  faire croire qu’on est une femme de son temps, émancipée, érotique, en pleine possession de son corps et qui toujours sacrifie à cette sacro-sainte obligation de jouir. On peut faire “comme si” par crainte d’être anormale, par peur de ne pas être comme toutes les autres femmes qui, croit-on, forcément jouissent à chaque rapport. On peut faire semblant parce qu’on est mal à l’aise ou qu’on ignore tout du lâcher prise essentiel à l’orgasme. Ou encore parce qu’on veut écourter un rapport sexuel ennuyeux, décevant.

Simuler : une tromperie altruiste

Tant d’explications ne plaident guère en faveur de ces fausses jouissances. Pourtant vilipender totalement le « fake orgasm » est trop simple. Certes il vaut mieux jouir à chaque rencontre sexuelle. Et pour cela, on commence par connaître son propre fonctionnement érotique. Mais on peut simuler pour faire plaisir à son partenaire et lui faire comprendre qu’on aime faire l’amour avec lui, même si la jouissance suprême n’est pas au rendez-vous ce jour-là.  On ne veut pas le blesser mais encourager les rencontres amoureuses et sexuelles. La simulation devient alors une tromperie altruiste. Tout comme elle peut être une forme d’ouverture à l’autre et à sa jouissance, comme l’écrit Silvia Lippi dans « Questions sur la simulation ». Dans cette publication, la psychanalyste et chargée de cours à l’université précise que la simulation féminine peut développer un sentiment de toute-puissance : « en simulant, une femme veut prendre la position de femme idéale, forte de sa capacité de faire jouir l’autre. La jouissance qu’elle en tire est symptomatique. »

On peut aussi simuler pour faire monter l’excitation de son conjoint. Combien d’hommes ne confient-ils pas que ce qui les excite le plus, c’est l’embrasement de leur partenaire. Et ce jeu de faux semblant a aussi un avantage pour celle qui le pratique car il fait monter l’excitation et facilite la jouissance. En imitant et amplifiant les manifestations du plaisir, en gémissant et respirant de manière rapide et en bougeant son bassin, on booste l’excitation et peut arriver à l’orgasme. Simuler aide ainsi les jouissances féminines et masculines. Assurément les choses sont complexes.

  1. «Beliefs About Gender Predict Faking Orgasm in Heterosexual Women», étude de Emily A. Harris, Matthew J. Hornsey, Hannah F. Larsen et Fiona Kate Barlow, publiée en juillet 2019 dans Archives of Sexual Behavior.

  2. The faking orgasm scale for women: psychometric properties, étude de Erin B Cooper, Allan Fenigstein, Robert L Fauber publiée en 2014  dans Archives of Sexual Behavior.


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