Infiniment chocolat

Reading Time: 5 minutes

Chaud, sensuel, doux-amer, noir, crémeux, dopant, rassurant… le chapelet des qualificatifs pour évoquer le chocolat ramène indéniablement aux domaines du plaisir des sens, de l’énergie vitale et de la passion. Avec l’arrivée sur le marché du concept « bean to bar » qu’en est-il de notre fameux chocolat belge ?

Par Sandrine Mossiat

Généreuse source de magnésium, de fer et de potassium, contenant de la théobromine (calmante) et de la caféine (énergisante), le chocolat noir est une véritable source de bienfaits et pas qu’en termes de santé. De fait, s’il faut faire la liste des bonheurs qu’il nous procure au quotidien tout au long de notre vie, la littérature peut devenir lyrique, car le chocolat, c’est…

Une drogue douce

Life-Magazine

C’est la barre, gonflée de grosses noisettes, glissée dans le cartable, c’est le chocolat chaud du goûter où tremper sa tartine de cramique, c’est la base, la décoration ou la finition de n’importe quelle pâtisserie digne de ce nom, c’est le ballotin à l’emballage raffiné plus apprécié qu’un bouquet de fleurs, c’est l’œuf de Pâques déniché dans le jardin, c’est l’inusable mousse au chocolat du dessert ou, sa comparse, la crème du même nom, c’est le fidèle serviteur de l’indémodable Dame Blanche… Honnêtement, les petits, les vieux, les grands, les gourmands peuvent-ils une seconde imaginer la vie sans chocolat ?

Quid du chocolat belge ?

Au même titre que l’Italie qui joue les patries de l’espresso, la Belgique est considérée comme le pays par excellence du chocolat. Et pourtant, ni l’une ni l’autre de ces contrées ne produit de café ou de cacao. Une bizarrerie qui n’est même pas le fait de l’héritage d’un passé colonial. En effet, en Afrique, les premiers producteurs de cacao sont la Côte d’Ivoire et le Cameroun et non le Congo ou la région des Grands Lacs. En revanche, comme les Suisses (d’ailleurs plutôt spécialisés dans le chocolat au lait), les Belges sont internationalement considérés comme de véritables experts en matière de cacao ; leur savoir-faire résidant essentiellement dans le travail des fèves et leur transformation en chocolat. Transformateur de fèves et maître-chocolatier, ce n’est pourtant pas toujours le même métier et en général le grand public l’ignore.

Du cacao au chocolat

Life-Magazine

Pour rappel, le cacaoyer, un arbre qui pousse de part et d’autre de l’Equateur, produit un fruit, la cabosse, sorte de grosse coque de la forme d’un obus dont on extrait les fèves. Celles-ci sont ensuite mises à fermenter puis séchées avant d’être triées puis transformées. Les étapes suivantes, qui ne se font que très rarement dans le pays d’origine, sont la torréfaction, le concassage et le broyage des fèves qui donnent le grué qui, encore plus finement broyé, va se transformer en liqueur de cacao, une pâte liquide et grasse auquel on va ajouter du sucre et du beurre de cacao avant de la concher, c’est-à-dire la mélanger et la malaxer afin d’arriver à un produit extrêmement onctueux et lisse.

Reste enfin le tempérage, une opération délicate qui donne au chocolat son aspect soyeux et brillant. Ce chocolat va ensuite servir de base à la confection de tablettes par exemple ou bien être coulé en larges plaques ou en petites pastilles qui pourront être refondues ensuite et, sous le nom de chocolat de couverture, servir de matière première à une infinité de recettes chocolatées, dont notamment les pralines. Et en fait, c’est exactement sur la précision et la qualité techniques de toutes ces opérations que les chocolatiers belges ont bâti leur réputation avec pour le moins un savoir-faire d’avance. 

Plus Belges du tout

Marque de réputation internationale, Côte d’Or appartient désormais à un géant américain de l’agro-alimentaire, tandis que Callebaut a formé le groupe Barry-Callebaut, leader mondial du secteur dont le siège social est situé à Zurich. Premier acheteur et transformateur de fèves au monde, celui-ci s’est mué en fournisseur attitré de dizaines de milliers de chocolatiers, pâtissiers et autres confiseurs, leur fournissant leur chocolat de couverture mais aussi tous les ingrédients (fourrages, topping, poudres de cacao, sucres…) nécessaires à leur métier.

Offrant une très large gamme de produits, du tout venant comme du sur-mesure de qualité, mais aussi des recettes, des formations et de l’aide de techniciens, Barry-Callebaut ne cesse d’étendre son empire avec quelques 50 usines réparties de par le monde. Ainsi, le savoir-faire belge en matière de chocolat s’exporte partout, mais ne peut se désigner comme chocolat belge que celui produit à Wieze. Plus petits mais réputés pour la qualité de leurs chocolats de couverture, le Français Valrhona et l’Italien Domori sont également les fournisseurs de nombreux chocolatiers, pâtissiers et chefs belges.
Mais donc en final, en Belgique, pays du chocolat, on compte sur les doigts de la main les maîtres-chocolatiers qui produisent eux-mêmes leur matière première. Neuhaus ? Le pralinier, Fournisseur Breveté de la Cour, achète son chocolat à un gros opérateur avant d’en façonner ses fameuses pralines. Jean Galler, le roi de la tablette fourrée et des pralines osées ? Egalement ! Laurent Gerbaud, réputé pour ses chocolats fins, sucrés salés, a recours aux crus du Turinois Domori ! Est-ce grave docteur ? Peut être que non, car chacune de ces marques, tout en cultivant un esprit belge, déploie chaque fois un style unique et différent. 

From bean to bar

Life-Magazine

« De la fève à la tablette », c’est un concept qui fait fureur dans les pays anglo-saxons. A l’instar des micro-brasseries qui fleurissent ça et là, de plus en plus d’artisans-chocolatiers se lancent dans la torréfaction des fèves de cacao afin de créer un chocolat qui leur soit vraiment personnel.
Sélection des variétés, des terroirs, des crus et des plantations, on rencontre là un véritable artisanat avec néanmoins des résultats un peu inégaux. Car c’est bien beau de vouloir transformer de petits volumes de crus soigneusement sélectionnés en barres de chocolat haute couture, encore faut-il maîtriser le processus, avoir acquis les machines, mais aussi ce fameux savoir-faire et ce formidable goût à la belge.

Adulées par les foodies new-yorkais, les créations des Mast Brothers torréfiées et conchées à Brooklyn laissent en bouche beaucoup de fibres et de granulosité ; une texture impensable chez nous, même sur un chocolat noir de basse qualité. En revanche, leurs saveurs intenses, florales, fruitées, herbacées et épicées sont intéressantes…

En Belgique, Pierre Marcolini a été dès 2009 pionnier des « chocolats d’origine » avec une sélection pointue de sa matière première, un contact privilégié avec ses producteurs (qu’il paye jusqu’à 6 fois plus cher que le prix du marché) et le développement de la torréfaction in situ. A ce jour, toute sa production est maison.

Suivant ses pas, le brugeois Dominique Persoone, le Verviétois Jean-Philippe Darcis et le Bruxellois Frédéric Blondeel investissent également dans des machines de torréfaction, tandis que le Liégeois Benoît Nihant, qui vient d’inaugurer ses nouveaux ateliers à Awans et les a équipés de machines à torréfier, concasser et concher, s’est modestement rebaptisé « cacao-févier ».


Nos bonnes adresses :

Benoît Nihant : www.benoitnihant.be
Dominique Persoone : www.thechocolateline.be
Jean-Philippe Darcis :
www.darcis.com
Laurent Gerbaud : www.chocolatsgerbaud.be
Frederic Blondeel : www.frederic-blondeel.be
Pierre Marcolini : be.marcolini.com


© Fiftyandme 2024