Les projets urbains de Christo et Jeanne-Claude n’avaient plu été rassemblés en une exposition depuis les années 1990. L’ING art center propose, à partir du 25 octobre, une rétrospective ambitieuse qui lèvera le voile (sans mauvais jeu de mots) sur les fameux « wrappings » et autres interventions sur la ville.
Par Sybille Wallemacq
Christo et Jeanne-Claude composent certainement l’un des couples d’artistes contemporains les plus connus du grand public. Peut-être parce que leurs œuvres ont un caractère monumental ? Que leurs réalisations questionnent l’espace public et s’y installent pour confronter le public passant à une œuvre bousculant les repères ? Christo Javacheff est né le 13 juin 1935 en Bulgarie et Jeanne-Claude Denat de Guillebon est née le 13 juin 1935 au Maroc. Ils se sont rencontrés à Paris en 1958 et ils ont vécu à New York. Jeanne-Claude s’y est éteinte en novembre 2009. La rousse flamboyante et le Bulgare grisonnant ont été projetés au sommet de l’avant-garde européenne au début des années 1960 avec The Iron Curtain. Qui sert d’ailleurs de point de départ chronologique à l’exposition ING. Le parcours muséologique bruxellois explore leurs projets urbains depuis Wall of Oil Barrels, Rue Visconti à Paris (1961-1962) jusqu’à The Gates à New York (2005) avec une attention particulière portée sur trois projets phares : The Pont Neuf Wrapped, Paris 1975-85, Wrapped Reichstag, Berlin 1971-95 et The Gates, Central Park, New York 1979-2005.
Emballé, c’est pesé !
Christo et Jeanne-Claude se sont rencontrés à Paris. Ils s’y sont unis pour l’art et pour la vie. C’est également dans la ville Lumière que Christo a commencé à « s’approprier » les objets de tous les jours, à les arracher à leur fonction première et à les emballer pour les préserver et les inscrire dans la postérité. A New York, l’idée est devenue concrète, elle s’est transformée… Mais il a fallu bien des discussions, des dessins, des projets jamais concrétisés pour que, finalement, le premier édifice soit emballé. Impossible à détailler en 4.000 signes, l’intéressante genèse des « wrappings » est largement documentée dans le catalogue qui accompagne l’exposition (en français, néerlandais et anglais, édition XX). Le projet d’emballage du Reichstag a sans doute gagné la palme du plus long projet à réaliser… pas moins de 24 années de travail furent nécessaires avant que l’édifice soit revêtu de son tissu gris. Pourquoi ne pas avoir laissé tomber ? Sans doute parce que Berlin, ville divisée, incarnait la situation personnelle de Christo face au conflit Est-Ouest. Il a fuit la Bulgarie face au régime communiste. En tant que réfugié, apatride et dissident, l’artiste a vécu pendant des années avec la peur d’être arrêté, expulsé ou extradé… divisé.
Le tissu comme point commun
Outre les emballages et les murs de barils, interventions radicales dans l’espace public pour en modifier la perception directe, il existe des projets hybrides dans lesquels les artistes fixent leur regard sur la nature présente dans l’espace urbain. On peut évoquer Miami et les Surrounded Islands (1983), le Colorado et Valley Curtain (1970) mais également, The Gates à New York comme l’ont fait les commissaires de l’expo Urban Projects. En commun avec les wrappings ? L’utilisation du tissu… et le fil rouge de toutes ces œuvres ? Obliger les passants, les citadins, les visiteurs à aller à la rencontre de la ville et à s’en préoccuper, à réfléchir à la fonction d’une rue et à leur propre utilisation de l’espace urbain. Un programme qui résonne encore à notre époque où les villes sont en pleine mutation… Une expo qui risque donc d’être drôlement inspirante.
Christo and Jeanne-Claude : Urban Projects
Du 25 octobre au 25 février 2018
ING Art Center : Place Royale 6 – 1000 Bruxelles
Conférence de Christo
Le 23 octobre 2017 à 19h
Studio 4, Flagey: Place Eugène Flagey – 1050 Bruxelles