L’art les pieds dans l’eau (ou presque)

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Traditionnellement, l’été, c’est la période de repos des guerriers du monde culturel. La programmation est moins dense, certaines institutions prennent congé et ferment carrément leurs portes tandis que d’autres tournent sur leur exposition initiée au printemps et peaufinent les derniers réglages de la nouvelle saison dont septembre sonnera le grand départ. Alors que s’enfermer dans un musée ne rime pas forcément avec été, nous avons voulu combiner plein air et culture en vous invitant à découvrir l’art au fil de l’eau. Rafraîchissant.

Par Sybille Wallemacq

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Au fil de la Somme, dans l’estuaire de la Loire, sur la côte belge ou encore accroché aux berges d’un étang bruxellois, l’art s’est invité là où on ne le l’attendait pas forcément. Hasard géographique ou volonté de faire dialoguer les œuvres avec un environnement naturel inédit, les propositions contemporaines développées ci-dessous ont toutes le mérite de bousculer quelque peu la logique muséale et de proposer une expérience artistique hors des sentiers traditionnels pour aller à la rencontre des promeneurs, des simples passants voire des marins de retour d’une pêche matinale.

Reconversion artistique d’installations industrielles

A la fin de l’activité des grands chantiers navals nantais, fin de années 1980 et début des années 1990, la culture a été utilisée par les autorités nantaises pour reconvertir les témoins du passé industriel de la ville bretonne. Au fil des ans, de multiples initiatives voient le jour : Lieu Unique – dans l’ancienne biscuiterie LU, Les Machines de l’île, etc. Pour fédérer ce fleurissement culturel, en collaboration avec les différents acteurs (commerce, tourisme, culture), le Voyage à Nantes est créé. Dans la programmation artistique archi dynamique de Nantes (visitée l’été dernier, cette découverte fut un véritable coup de cœur !) est venue se greffer Estuaire, une biennale d’art en plein air inscrite dans une logique de développement du territoire pour créer la métropole Nantes Saint-Nazaire. Depuis 2007, ce ne sont pas moins de trente œuvres qui ont été disséminées en bord de Loire, dans l’estuaire qui relie Nantes à Saint-Nazaire (dont l’impressionnant chantier naval est toujours en activité et visitable sur réservation)… Chaque commune a son œuvre (au moins), invitant les visiteurs à découvrir un lieu particulier ; de la réserve naturelle à l’ancien site industriel désaffecté. A pied, à vélo ou en bateau, chaque moyen de locomotion offre ses particularités : une vue d’ensemble des rives nord et sud ou une attitude d’approche en interaction totale avec les installations. Notez ici que des croisières sont organisées d’avril à octobre mais que le parcours pérenne reste accessible toute l’année à pied et à vélo ! 2007, 2009 et 2012… Au fil des éditions de la Biennale, les commandes se sont succédées, offrant à Nantes et sa région, des créations in situ d’artistes de renommée internationale tel Daniel Buren (peut-être avez vous pu visiter sa récente expo au Bozar de Bruxelles ?). Avec Patrick Bouchain, Buren a imaginé Les Anneaux, installés sur le quai des Antilles de l’île de Nantes. L’outil visuel de Buren, une alternance de bandes colorées et blanches, se décline dans l’espace public, invariablement. Avec Les Anneaux, Bouchain et Buren offrent un double point de vue : l’un, naturel, sur le fleuve qui s’ouvre à la pointe de l’île et l’autre architectural vers le quai et ses entrepôts. De nuit, les dix-huit anneaux s’illuminent de vert, de rouge ou de bleu. C’est en partie sur ce site que l’histoire de l’industrie navale de la ville s’est écrite. Aujourd’hui réaffecté, il témoigne toujours de son passé et se révèle être un des grand chantier français en matière d’urbanisme.

Les méandres de la Somme

UNE-Life-MagazineAu creux de la Somme, il y a Amiens, une ville dont le nom évoque sa cathédrale qui fascine depuis des siècles, le zoo internationalement reconnu et les hortillonnages, un patrimoine naturel protégé. Ces derniers, une particularité amiénoise, sont le résultat de l’assainissement d’une zone marécageuse qui s’étendait aux portes de la ville il y a plus d’un millier d’année. Les jardins flottants d’Amiens servaient d’espace de culture maraîchère et permettaient de nourrir la cité, faisant travailler plusieurs centaines de personnes. Il ne reste que 250 hectares de ce qui était appelé la « Venise des légumes ». Néanmoins, six hortillons (c’est comme cela que l’on surnomme les maraîchers des hortillonnages) continuent d’exploiter les terres cultivables et ainsi assurer l’existence de cet écosystème relativement unique au monde. Le festival Art, Ville et Paysage organisé par la maison de la Culture d’Amiens (la première construite en France !) invite architectes paysagistes et artistes plasticiens à créer des œuvres in situ et dans ces jardins flottants. Pour sa 7e édition, le festival regroupe quarante et une œuvres (dont onze inédites) à visiter en barque, à pied ou à vélo ! Interrogeant le lien entre nature et culture, le lieu et son histoire, les créations de jeunes artistes et paysagistes internationaux (tous ont moins de 36 ans car le festival Art, Ville et Paysage se veut vitrine de promotion de la jeune création internationale) sont ancrées dans cet environnement inédit et en exploitent toutes les possibilités.

Et dans nos contrées ?

life-magazineDepuis maintenant quelques années, l’asbl Espace Européen pour la Sculpture organise des expositions dans le parc Tournay-Solvay à Watermael-Boitsfort, cette commune du sud de Bruxelles enclavée dans la forêt de Soignes. L’asbl y invite des artistes originaires du pays qui exerce la présidence du conseil de l’Union Européenne. Depuis avril, ce sont deux artistes néerlandais qui, sous le commissariat de Natalie Kovacs, proposent un véritable parcours à travers le parc. D’un côté, quatorze œuvres de Joep van Lieshout installées sur la terre ferme et de l’autre, une œuvre monumentale de Leonard Van Munster flottant au milieu du grand étang. Tout à fait honnêtement, la note d’intention de la commissaire ne nous a pas vraiment éclairés quant à sa réflexion pour cette exposition intitulée The Invisible Hand. Néanmoins, le cadre est enchanteur, l’esthétique des œuvres intéressante et le prétexte d’une découverte de nouvelles perspectives artistiques vaut le détour.

Sur la côte belge, alors que le centre d’art Ten Bogaerde à Coxyde ouvre ses portes et par un hasard géographique se trouve à quelques encablures de la mer, sans pour autant en exploiter la thématique (voir l’article de Pierre Wiame en page xx de cette édition), Knokke propose son rendez-vous annuel des amateurs et collectionneurs : Art Nocturne Knocke. En parallèle, la 22e édition de Sculpture Link se tiendra à partir du 15 juin et emmènera les promeneurs le long de la digue mais également autour du Zegemeer. Enfin, et il difficile d’énumérer la liste complète des œuvres encore accessibles mais la Triennale d’art contemporain Beaufort qui s’est tenue l’an dernier dans toutes les communes du littoral, a laissé des traces avec l’apparition ici et là d’œuvres pérennes… Des petites surprises à cueillir au gré de vos escapades à bicyclette et si vous préférez préparer votre parcours, téléchargez le plan 2015 de Beaufort pour vous y aider.


Estuaire
D’avril à octobre
De Nantes à Saint-Nazaire, France
www.nantes-tourisme.com

Art, Ville et Paysage
Du 11 juin au 16 octobre
Amiens, France
www.amiens-tourisme.com

The Invisible Hand
Jusqu’au 11 septembre
Parc régional Tournay Solvay
Chaussée de La Hulpe, 201

1170 Watermael-Boitsfort

Art Nocturne Knocke
Salon international d’art
Du 6 au 15 août
CC Scharpoord
Meerlaan, 32
La Réserve
Elizabetlaan, 160
Knokke-Heist
www.artnocturneknocke.be

 


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