Anthony Hopkins

Anthony Hopkins : « Je suis devenu mon père ! »

A l’affiche de « The Father », Anthony Hopkins est au sommet de son art. Bouleversant dans son rôle de père de 81 ans dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux à cause d’Alzheimer, son jeu magistral est récompensé par l’Oscar du Meilleur Acteur. Interview avec une légende vivante.

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Quelle a été votre réaction en découvrant le scénario de « The Father » ?

Anthony Hopkins : J’ai été bouleversé. De temps en temps, il arrive qu’un scénario vous saisisse vraiment. Il vous prend aux tripes. Ça a été le cas de « The Father ». J’ai téléphoné à mon agent : “C’est magnifique! Je veux le faire“. Je m’étais déjà engagé sur un autre film. J’ai demandé à Florian s’il accepterait de m’attendre. Personne dans ce milieu, n’accepte jamais d’attendre un acteur. Mais Florian l’a fait.

Qu’est-ce qui vous séduisait particulièrement ?

Anthony Hopkins : L’écriture, si particulière, de Florian Zeller et Christopher Hampton – puissante, directe, compacte – et le fait que l’âge du personnage, corresponde exactement au mien ; un âge où l’on ressent la mélancolie. Je pouvais parfaitement comprendre ce qu’éprouvait cet homme. J’ai toujours eu beaucoup de chance en tant qu’acteur. Mais cette proposition était spécialement passionnante.

Anthony, votre personnage, est en pleine confusion, il peut aussi se montrer charmant, menaçant. Comment parvient-on à jouer un rôle aussi complexe ?

Anthony Hopkins : C’était presque facile pour moi. Encore une fois, je le comprenais. Même si je suis en forme, mon cerveau est assez vieux pour connaître les sentiments qui traversent cet homme. Je les ressens profondément… Il s’est passé une année entre le moment où je me suis engagé sur le projet et le tournage proprement dit : pendant ce temps, quelque chose s’est passé en moi… C’était comme une lente préparation intérieure… J’étais devenu quelqu’un d’autre. Non, vraiment c’était facile. On utilise ses lacunes et son ignorance, et on en fait une forme de sagesse… Et puis j’ai pensé à mon père. Il a décliné un an après avoir eu un infarctus qui l’avait rendu dépressif. Je me souviens qu’il passait sans cesse sa main devant les yeux. Il était devenu dur, désagréable. Parfois, il pleurait et c’était embarrassant de le voir comme ça. Les colères et les moments de rage de mon personnage me ramenaient vers lui. D’une certaine façon, je suis devenu mon père.

Anthony Hopkins

« Je suis arrivé à un moment de ma vie où les lumières et les bruits m’émeuvent et m’effraient à la fois. Je ne suis pas quelqu’un qui a peur mais j’ai l’âge maintenant de ressentir ce genre d’émotions. »

Y-a-t-il eu des scènes particulièrement difficiles ?

Anthony Hopkins : Quand un film est bien écrit, c’est comme regarder son GPS en voiture, il n’y a qu’à suivre la direction indiquée. Une seule fois, je me suis trouvé embarrassé. C’était la scène où je devais dire « Maman ! », à la fin du film. On l’a répétée et j’ai perdu ma voix. Je résistais, je n’y arrivais pas. Me revenait à l’esprit une petite comptine de mon enfance, belle et lancinante. J’ai demandé à Florian Zeller si je pouvais quitter le plateau un moment. Je suis revenu une vingtaine de minutes plus tard. Avec toujours cette petite comptine qui me détruisait. J’étais revenu des
années et des années en arrière.

Parlez-nous de votre partenaire, Olivia Colman…

Anthony Hopkins : J’ai eu la chance de travailler avec des acteurs extraordinaires dans ma vie. Olivia Colman est de cette trempe. Je ne suis pas sportif mais, face à elle, j’avais l’impression d’être sur un court de tennis. On se renvoyait la balle. Il m’est arrivé parfois d’éprouver du chagrin pour cette femme qu’elle interprète en la voyant sombrer dans la dépression devant le comportement de son père. Je vivais sa peine presque comme une frustration personnelle. C’était déchirant.

« The Father » est la première expérience de Florian Zeller à la réalisation. Aviez- vous des appréhensions ?

Anthony Hopkins : J’ai eu, au contraire, beaucoup de mal à croire que c’était son premier film en tant que metteur en scène. Tout paraissait si simple pour lui. Il savait très précisément ce qu’il voulait. Et le scénario était de toute façon si précis… Il suffisait de se laisser guider. J’ai eu la chance d’avoir de beaux projets ces dernières années… J’en suis conscient. Mais ce film est différent. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie professionnelle. Et je ne dis pas ça comme un acteur en promotion. Je le pense vraiment.

Anthony Hopkins

« The Father », de Florian Zeller avec Anthony Hopkins et Olivia Colman. Prochainement au cinéma.

 


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