Christophe Van de Weghe, sa success-story

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A 47 ans, le Belge Christophe Van de Weghe fait valoir un parcours atypique dont le fil rouge est incontestablement le goût du beau doublé de celui de l’excellence. Le sportif de haut niveau qu’il était a fait place à un galeriste en vue qui évolue dans les plus hautes sphères du marché secondaire. Formé par Larry Gagosian, à qui il reconnaît devoir beaucoup, il s’est établi non loin de son mentor à la faveur d’une galerie située sur la prestigieuse Madison Avenue, à New York.

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« If I can make it there, I’ll make it anywhere », impossible de ne pas songer à la chanson de Sinatra quand on écoute le fabuleux parcours de Christophe Van de Weghe, galeriste établi au sommet du marché de l’art. L’homme s’est hissé à la force des poignets, il a toujours pu compter sur eux, gravissant petit à petit les échelons d’une carrière qu’il a commencée le plus modestement du monde. Son parcours a tout d’une success-story à l’américaine. D’ailleurs, l’homme a hérité de son pays d’adoption cette légendaire décontraction qui fluidifie les contacts sociaux. Quand il vous appelle par votre prénom, c’est comme si vous le connaissiez depuis toujours.

Loquace, il revient volontiers sur le chemin qui a été le sien avant qu’il ne trône au firmament des marchands d’art. « J’ai grandi à Knokke, explique-t-il. Je faisais partie des espoirs du tennis. J’ai gagné mon premier tournoi à 11 ans. A 13 ans, on m’a envoyé en Floride pour suivre des cours à la Hopman Tennis Academy qui à cette époque était le meilleur endroit pour préparer une carrière professionnelle. Le matin, j’allais au cours dans une public high school. Ce jusque 14h30, avant de consacrer le reste de ma journée au tennis. Je me suis lancé sur le circuit ATP, les choses allaient plutôt bien pour moi. Malheureusement, à 19 ans, je me suis blessé au dos. Une double hernie discale. Le médecin s’est montré sans appel : impossible de continuer le tennis à ce niveau. » Pour Van de Weghe, la nouvelle tombe comme un couperet. « J’ai continué à jouer un peu pendant deux ans, juste pour décrocher une bourse à la Pepperdine University, où j’ai obtenu un diplôme en Business Administration et suivi des cours d’histoire de l’art », poursuit-il.

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La question d’une reconversion se met alors à le tarauder. Sans y avoir réellement réfléchi, il se sent attiré par l’art. Un hasard ? Pas vraiment. Le jeune homme qu’il est alors a pour beau-père un certain Roger Nellens. Collectionneur, il appartient à la famille qui a fait les beaux jours de Knokke par le biais de son Casino. Un Casino dans lequel des pointures comme Magritte, Delvaux ou Haring ont signé d’impressionnantes fresques. Aujourd’hui encore, la maison de Roger Nellens, au 280 de la Zoutelaan, fait place au « Dragon », une sculpture à habiter de Niki de Saint Phalle dans laquelle ont séjourné entre autre Keith Haring, encore lui, et Jean Tinguely. Il est évident qu’on ne grandit pas dans un tel contexte sans en être marqué.

Provoquer le destin

Bien décidé à faire son chemin, Christophe Van de Weghe demande à son père, marchand de tapis à Bruxelles et à Knokke, de lui aménager une petite place dans l’un de ses magasins pour qu’il puisse y aménager une galerie. L’affaire est conclue, il se lance. Lors d’un séjour à New York au moment des grandes ventes chez Christie’s, le jeune galeriste rencontre Larry Gagosian, marchand d’art déjà très en vue. « Je l’ai félicité pour le portrait de David Hockney qu’il avait acquis quelques heures plus tôt. La conversation s’est engagée, Larry aimait beaucoup le fait que je joue au tennis, il envisageait déjà les parties en double qui lui permettraient de battre ses clients dans sa propriété des Hamptons. » Fort de cette perspective, Gagosian engage le Belge à l’essai, la condition ultime étant bien sûr d’obtenir des résultats « A la fin de mon stage, j’ai déposé un chèque de 50.000 dollars sur le bureau de Larry Gagosian. Il était ravi, il m’a proposé un salaire de 30.000 dollars par an plus les commissions. J’ai sauté de joie, j’avais un peu plus de 20 ans. Trois ans plus tard, j’étais son premier vendeur. Au total, je suis resté 7 ans avec lui. C’est un tout grand, il m’a donné ma chance et m’a énormément appris. Je le respecte beaucoup et suis toujours proche de lui. »

Valeurs sûres

Il reste qu’en bon vendeur sûr de son potentiel, Van de Weghe a des ambitions. Il rêve de s’établir à son compte. Comme la fortune finit toujours par sourire aux audacieux, il apprend un jour de la bouche du marchand Per Skarstedt qu’il va déménager. « C’était une formidable opportunité, un espace de 180 mètres carrés à 5.000 dollars. Le seul souci était de convaincre Larry, s’il n’avait pas été d’accord, je ne serais pas parti. A un moment de la conversation, je lui ai dit : « Larry, what would you do if you were my age ? »… il m’a donné sa bénédiction », raconte Van de Weghe.

La situation qu’il occupe permet à Christophe Van de Weghe de jeter un œil avisé sur le marché de l’art. Les derniers chiffres sortis sont à la hausse, le marché ayant pesé quelque 12 milliards de dollars en 2013, ce qui réjouit le galeriste. « Il faut bien avoir conscience que j’évolue dans un secteur particulier qui est celui du second marché. Qu’il s’agisse d’art moderne ou d’art contemporain, je ne traite que des valeurs sûres. Basquiat, Warhol, Richter… il n’y a jamais de feu de paille. Si un artiste perd pendant un moment, il en vient toujours un autre où il se rétablit. Avec l’immobilier, l’art fait partie des refuges économiques. Surtout aujourd’hui, à l’heure où le marché est devenu plus globalisé que jamais. Je le constate, j’ai de plus en plus de clients qui viennent de partout dans le monde et qui sont de plus en plus jeunes. Acheter une toile de Francis Bacon ou Pablo Picasso revient à appartenir à un club fermé. Sans compter que les prix ne font qu’augmenter. Il est quasi impossible d’acheter un beau Magritte à moins de 10 millions de dollars, ce n’était pas le cas avant. »

Calder compte également parmi les artistes qui tiennent le galeriste à cœur. « Il fait partie des cinq plus grands sculpteurs du siècle passé. Pourtant lorsqu’on le compare à Giacometti dont « L’homme qui marche » s’est vendu à 110 millions de dollars, il est presque donné. A la lueur de ce type de comparaison, il est clair que les œuvres de Calder vont exploser », confie l’intéressé. Il ne tarit pas non plus d’éloges sur Basquiat dont le travail aimante les jeunes et les vieux collectionneurs avec le même magnétisme.

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Homme de contact

Les journées du marchand ? « L’important est d’être en contact avec les collectionneurs, raison pour laquelle je prends toujours mon petit-déjeuner avec l’un d’entre eux, invariablement chez Sant Ambroeus, une adresse italienne sur Madison Avenue fréquentée par toute la profession. Larry Gagosian y a sa table. Je consacre le déjeuner aux relations avec les autres galeristes afin d’être au courant de ce qui se passe. En revanche, les soirées sont pour la famille, tout comme les week-ends que nous passons dans les Hamptons », explique celui qui compte l’investisseur Daniel Loeb parmi ses clients.

Quand on lui demande quelle est la qualité essentielle pour être un bon galeriste, l’ancien tennisman répond avec beaucoup de modestie « être au bon endroit », précisant que « New York reste la meilleure place forte du marché de l’art » et qu’il connaît « des immeubles de l’Upper East Side où l’on achète plus que dans l’ensemble de la Chine. »

Tout est donc à vendre dans ce bas-monde ? Pas forcément. « Je pense qu’un bon marchand se doit d’avoir une collection personnelle. Il est essentiel pour moi de me mettre dans la peau du collectionneur et de comprendre sa façon de penser. Si j’achète pour moi tel ou tel artiste, j’ai évidemment plus de crédit aux yeux de mon client lorsque je lui conseille d’acheter ce même artiste. Avec Anne-Gaëlle, mon épouse, nous possédons un magnifique tableau de Cy Twombly de 1961 que nous voulons céder à nos enfants plus tard… cette œuvre ne quittera sans doute pas notre famille. »
www.vdwny.com

Texte : Michel Verlinden
Article paru dans le Gentleman n° 3 – Printemps / Eté 2014



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