Sharon Stone, éblouissante dans Ratched, la nouvelle série de Netflix

On dit que la vie commence à 50 ans, mais on pourrait même aller jusqu’à 60 dans le cas de Sharon Stone. Parce qu’à 62 ans, l’actrice semble prendre un nouvel envol. Fin de l’année dernière, elle a été couronnée Femme de l’année aux GQ Men of the Year Awards. Cette année, elle excelle dans Ratched, la nouvelle série de Ryan Murphy, inspirée du film culte Vol au-dessus d’un nid de coucou. Elle incarne la millionnaire excentrique Lenore Osgood dans un thriller sanglant où des antihéros se croisent entre les murs d’un établissement psychiatrique. Fifty & Me s’est entretenu avec Sharon Stone à propos du girl power, du bonheur et de son impressionnante carrière de plus de 30 ans.

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Entretien avec Sharon Stone

Comment vous êtes-vous retrouvée dans la série Ratched ?

Sharon Stone : Le producteur Ryan Murphy a appelé mon agent et m’a invitée à déjeuner. Quand il m’a dit qu’il écrivait un rôle pour moi, je me suis sentie très honorée. Cet homme est si talentueux, il sait mieux que quiconque comment mélanger des éléments issus de différentes époques pour aborder des sujets d’actualité. C’est un producteur/réalisateur exceptionnel, mystérieux, intelligent et drôle. Je n’ai pas hésité une seconde.

Quelle est la particularité de ce projet ?

Sharon Stone : La chance de travailler avec tant de femmes. Tout au long de ma carrière, j’ai surtout eu affaire à des hommes, des acteurs et des réalisateurs masculins. En soi, c’était incroyable aussi, mais je n’avais jamais travaillé avec autant de femmes sur un plateau. J’ai adoré jouer avec Sarah Paulson, Cynthia Nixon et Judy Davis. Judy Davis est d’ailleurs mon actrice préférée. L’année dernière seulement, j’ai eu l’occasion de travailler pour la première fois avec Meryl Streep. Il y a quelque chose de touchant et de magique à côtoyer autant de femmes. Avant, elles n’avaient même pas la possibilité de se parler dans ce métier. C’est un soulagement de voir comment les autres femmes travaillent, à la fois sur le plateau et en dehors, comment elles mènent leur vie, comment elles se font une place dans ce monde, etc.

sharon stone

L’histoire parle d’une antihéroïne, mais en fait tous les personnages semblent être un peu fantasques. Avez-vous souvent eu l’impression d’être une outsider dans l’industrie du cinéma ?

Sharon Stone : Je suis dans ce milieu depuis longtemps et j’ai vu beaucoup de changements. J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal dans certains domaines. Le mouvement #metoo donne enfin la parole aux actrices. Quand j’ai commencé à jouer, c’était impensable. Pour une de mes premières séries par exemple, je devais souvent être sur le plateau à 4 heures du matin, ce qui impliquait de traverser des quartiers dangereux au beau milieu de la nuit. Je n’avais pas de chauffeur, parce que ça aurait été un traitement de faveur. J’étais traitée comme le reste de l’équipe, comme un homme donc. Quand j’ai été poursuivie par des gangs sur l’autoroute ou en allant du parking au plateau, on m’a dit « débrouillez-vous ». À l’époque, j’ai acheté une arme pour protéger ma vie, juste pour pouvoir exercer mon métier. Dans l’industrie du cinéma des années 80, une femme était opprimée et devait, au propre comme au figuré, être un homme pour réussir. Aujourd’hui, les temps ont changé, heureusement. Peu après, j’ai engagé un garde du corps, mais c’était compliqué. Cela m’a rendue dure et méfiante.

Le thème de la santé mentale occupe une place centrale dans le scénario de la série. Dans quelle mesure ce sujet vous tient-il à cœur ?

Sharon Stone : La maladie mentale doit être traitée comme un véritable problème de santé. Je pense que nous devons à bien des égards repenser cette question aux États-Unis et en tout cas l’envisager avec plus de compassion. Les gens ne sont pas traités de manière juste, en particulier les sans-abri. Il y a 25 ans, ma sœur et moi avons fondé Planet Hope, une association caritative pour aider les femmes SDF qui ont des enfants. La pression pour prendre soin d’elles sans bénéficier des services nécessaires est parfois très lourde sur nos épaules. J’ai également vécu en Afrique du Sud au début des années 80, pour travailler dans le cadre de la lutte contre le sida. J’y ai vu beaucoup de misère.

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Et sur le plan privé, comment prenez-vous soin de votre santé mentale ?

Sharon Stone : Je suis bouddhiste. Le bonheur est une discipline. Tout le monde souffre du stress, surtout aujourd’hui avec la pandémie, mais chacun peut trouver un exutoire pour se changer les idées. Qu’il s’agisse de sport, de cuisine ou de méditation, il suffit de s’investir dans quelque chose qui apporte paix et bonheur. L’art du bonheur du Dalaï Lama est d’ailleurs un excellent livre pour trouver un équilibre dans sa vie. La période actuelle d’isolement social engendre certainement des défis, mais en réalité, ma célébrité m’a enfermée dans une certaine solitude toute ma vie. Ce qui me dérange le plus, c’est l’absence de réglementation claire sur les masques et les gestes barrière. Avec toutes les manifestations qui ont lieu en ce moment, nous sommes en pleine crise aux États-Unis. Malheureusement, nous n’avons pas la chance de bénéficier d’un leadership féminin doté de bon sens.

Êtes-vous plus heureuse aujourd’hui qu’il y a 30 ans ?

Sharon Stone : Basic Instinct est sorti il y a exactement 30 ans. C’est aussi le moment où j’ai enfin commencé à faire les choses à ma manière et à construire la carrière à laquelle j’aspirais. Trente ans plus tard, les gens se demandent encore si je ressemble à mon personnage dans ce film. C’est assez flatteur qu’ils continuent à se poser la question tant de temps après, mais en même temps ils manquent de perspicacité. Quand je repense à cette période, je suis fière d’avoir choisi un rôle qui a permis à de nombreuses femmes de défendre leur sexualité. Ce film a marqué un tournant dans la représentation de la sexualité féminine au cinéma, qui a cessé de se limiter à la façon dont les hommes la dépeignent. Le film a suscité une telle controverse que le rapport des femmes au sexe a cessé d’être un tabou.

Craignez-vous qu’un jour, vous ne soyez plus aussi sûre de vous et de votre corps ?

Sharon Stone : Je pense honnêtement qu’aucune femme n’a jamais eu la chance d’être complètement sûre de son apparence et de son corps dans ce milieu. Les looks féminins ont été régulièrement attaqués par les médias. On voit même des jambes d’hommes dans des publicités pour des collants, c’est absurde, non ?! Je suis heureuse que l’univers de la beauté se diversifie. Les femmes de toutes tailles et de tous types sont enfin associées à la beauté. La beauté idéale n’existe, elle n’est qu’une création des médias. Aucune femme, moi y compris, n’a jamais eu la chance d’être à 100% sûre de son image.

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Si vous pouviez vous donner un conseil à vous-même quand vous étiez jeune, quel serait-il ?

Sharon Stone : Il est difficile de remonter le temps jusque-là. Tout le monde avait le droit de dire ce qui lui déplaisait chez quelqu’un. Et personne ne s’en privait : t’es trop grosse, trop mince, trop blonde, trop grande, etc. Dans les réunions, les gens vous disaient en face ce qu’ils voulaient. C’était la norme à l’époque, et cela rendait très difficile la formation d’un sentiment d’identité propre. Si je pouvais vraiment me conseiller quelque chose, ce serait de de tout prendre avec humour pour être capable de relativiser.

Vous êtes-vous défendue à l’époque ?

Sharon Stone : Non, pas vraiment. Disons simplement que j’ai souvent fait taire mon cœur et laissé parler mon cerveau à la place pour en tirer juste ce dont j’avais besoin dans ma carrière sans me perdre ou me détester. J’ai fait un shooting soft nude pour Playboy pour montrer que je pouvais être sexy aussi. J’avais un ami à l’époque qui était photographe et éditeur, ce qui m’a facilité la tâche. À la sortie du magazine, j’ai décroché le rôle dans Basic Instinct. Un rôle très controversé, pour lequel j’ai prouvé que je pouvais gérer la nudité. Ce qui, à l’époque, ressemblait pour beaucoup à un coup de bimbo était en réalité une stratégie mûrement réfléchie qui a lancé ma carrière.

La série Ratched est disponible sur Netflix

Crédits Photos : NETFLIX


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