Après moi (tout sauf) le déluge

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La Ligue Braille table sur le legs éthique

ligue-brailleMichel Magis dirige la Ligue Braille depuis 2012 et il reconnaît sans hésiter que les dons et les legs sont stratégiques pour son association : « nous sommes subsidiés à concurrence de 25 %, tous niveaux de pouvoir confondus, les dons et les legs représentent 60 % de nos rentrées et le solde est constitué de nos recettes propres notamment par notre Tombola annuelle». Globalement, cette situation est relativement stable, mais ses composantes changent : « nous avons constaté que pour les legs, les legs en duo sont nettement plus nombreux qu’autrefois ».

Le legs en duo est donc une technique essentielle pour la santé financière de la Ligue Braille. Mais, insiste Michel Magis, « ce n’est pas la panacée universelle et nous sommes très regardants sur l’aspect éthique des choses ». L’aspect éthique ? « Oui, il faut que le legs en duo soit utilisé dans un sens conforme à l’esprit de la loi ». La Ligue Braille constate que dans certains cas le recours au legs en duo ne vise qu’à une chose, dispenser de droits de succession le bénéficiaire privé du legs, « l’autre » membre du duo.

Le législateur n’a pas défini les proportions dans lesquelles le testateur répartit ses avoirs. Si Monsieur Untel veut avantager son infirmière sans que celle-ci soit écrasée par les droits de succession, il peut être tenté de passer par le legs en duo pour cette seule raison puisque, petit rappel technique, c’est l’association bénéficiaire qui paie les droits de succession. Les siens et ceux de l’autre partenaire. « Le recours à cette technique à des fins purement économiques me pose deux problèmes, dit Michel Magis. D’abord sur le plan financier. S’il y a une trop petite part pour nous ou pour les autres associations reprises dans le testament, comme cela arrive parfois, il se peut que l’affaire ne soit plus intéressante pour nous. Dans ce cas nous sommes amenés à refuser le legs ». Et l’autre problème ? « Je l’ai déjà évoqué, il est éthique. Il faut que le testateur qui fait un legs en duo ait un lien avec l’association qu’il veut avantager. Il doit avoir choisi pour des raisons personnelles et pas pour des raisons purement techniques ». Lisez « financières », certains allant jusqu’à faire leur marché pour voir quelles sont les associations qui acceptent les legs en duo même si leur part est (très) réduite.

« Il est clair que nous n’allons jamais refuser un legs qui nous rapporte 10.000, 5.000 euros, poursuit Michel Magis, parce que nous avons besoin de cet argent puisque les services que nous offrons aux personnes handicapés de la vue sont gratuits. Mais il faut savoir qu’il y a une limite, financière bien sûr, mais aussi éthique ».

Le legs en duo n’est donc pas la panacée universelle. D’ailleurs, ceux qui ont tendance à en abuser risquent de faire capoter le système. Ce ne serait pas la première fois que le SPF Finances, alerté par ses vigies, constate un abus qu’il lui suffit parfois de corriger par une simple circulaire. Crac dedans et tout le monde en pâtirait, y compris ceux qui n’ont aucune arrière-pensée.

L’Armée du Salut repart sur de nouvelles bases

armee-du-salutCe n’est pas votre serviteur qui le dit, mais la Major Noélie Lecocq, responsable du service de legs de cette organisation internationale née dans les quartiers les plus pauvres de Londres il y a 150 ans : « nous avons depuis plusieurs années un service de recherche de fonds et il y a trois ou quatre ans nous nous sommes dotés d’une collaboratrice experte dans la recherche de fonds ». Nos actions de collecte de fonds se sont développées sous l’impulsion des nouveaux responsables de l’Armée du Salut en Belgique, forts d’une expérience fructueuse à l’étranger, notamment lors de la réimplantation de l’Armée du salut en Russie et en Tchéquie. Ils avaient dû partir de zéro pour récolter des fonds, « leur expérience nous a permis de redynamiser notre action auprès du public ».

Il fallait repartir sur ces nouvelles bases « parce que nous avons vu monter en puissance certaines autres associations qui recourent à ces techniques. Nous avions pris du retard ». Ce réveil passe aussi par un site internet convivial où l’accent est mis sur les dons et sur les legs. L’Armée du Salut dépend à 95 % des dons et des legs. Elle ne reçoit aucun subside, sauf pour ses œuvres sociales. Les deux Communautés du pays et les Commissions communautaires de Bruxelles la soutiennent en intervenant dans les frais de personnel des maisons d’hébergement ainsi que des services sociaux qu’elle dirige. Si l’Armée du Salut reçoit des legs depuis toujours, poursuit Noélie Lecocq, « le legs en duo n’est pas encore connu de tous, même si les notaires le proposent de plus en plus dans certains cas ». Cette année, l’adhésion de l’Armée du Salut à testament.be (www.testament.be) permettra « je l’espère, de mieux informer le public désireux de soutenir notre association ».

Comme beaucoup d’autres associations caritatives, l’Armée du Salut accepte tous les dons, y compris les dons non financiers : véhicules, vêtements, appareils électroménagers, œuvres d’art. Ce type de don doit toutefois avoir un lien avec l’objet social de l’Armée du Salut. Dans le cas contraire, « nous les mettons en vente ». A ce propos, ajoute Noélie Lecocq, « nous cherchons un expert qui pourrait nous renseigner sur la valeur de quelques tableaux que nous avons en notre possession ». Autre don assez courant, l’immobilier résidentiel. Mais si, dans le cadre de notre activité, « nous ne pouvons pas réaliser une projet social avec ce bien, nos statuts nous imposent de le mettre en vente ».

L’Armée du salut bénéficie d’une notoriété incontestable qui repose sur le fait que « nous travaillons essentiellement sur le terrain. Les gens nous connaissent parce qu’ils nous voient dans les rues et grâce aussi à notre action sociale envers les personnes dans le besoin ». Le désavantage, « c’est que nous avons trop le nez dans le guidon. Les nouvelles initiatives, nouveau site, testament.be, etc., nous aideront à mieux faire connaître notre action au quotidien. Les notaires jouent un grand rôle sur ce plan », reconnaît Noélie Lecocq. Par exemple via le legs en duo, mais « de plus en plus souvent ces legs sont partagés entre différentes associations, suivant le souhait du défunt et son vécu ». Pour Noélie Lecocq, le legs en duo « est à promouvoir. Il décharge les héritiers du paiement des taxes et permet à l’association de recevoir une partie du legs, aussi minime soit-elle ». Mais sans négliger le legs traditionnel pour lequel les associations reconnues bénéficient de droits de succession réduits.


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