Faites de votre déclaration d’impôts un instrument de gestion

Reading Time: 7 minutes

C’est la saison. A l’heure où vous lirez ces lignes, vous aurez fait, vous ferez ou vous vous apprêterez à faire votre devoir de citoyen : remplir votre déclaration d’impôts. 

shutterstock_165452243

Un fameux boulot ! Ce qui nous amène à nous  poser la triple question suivante :

  • ou bien votre déclaration est archi-simple et dans ce cas continuez comme vous l’avez fait jusqu’ici ;
  • ou bien elle est un peu plus compliquée, avec par exemple l’un ou l’autre poste déductible, mais vous dominez le sujet ;
  • ou bien elle est plus compliquée encore et là on ne peut que vous donner le conseil de faire appel à un professionnel du chiffre, comptable fiscaliste. Ses honoraires varieront selon le degré de complexité de ce que vous lui demanderez, mais avec son aide vous ferez de votre déclaration d’impôts un véritable instrument de gestion, ce qui vous permettra de récupérer (plus que) ce que vous lui aurez payé.

Quelque chose a changé dans le rapport que le Belge entretient, contraint et forcé, avec la fiscalité. Quelque chose a changé à cause du contexte économique de crise (la fraude n’est plus acceptée socialement), à cause aussi de l’évolution des mentalités (la nouvelle génération a un rapport différent avec l’argent), et tout indique que ce n’est pas fini. Notre rapport à la fiscalité va encore changer parce que la fiscalité va changer. S’il est à peu près acquis (à peu près, il ne faut jurer de rien dans ce domaine) que l’impôt sur les revenus du travail ne va plus augmenter, du moins l’impôt fédéral, l’impôt sur le patrimoine, lui, devrait sensiblement augmenter, ne fût-ce que parce qu’il n’y aura plus aucune section de ce patrimoine qui échappera à l’impôt. Deux exemples suffisent pour comprendre :

  • Il n’a jamais été interdit de placer son argent à l’étranger. Au contraire, c’est mêmeshutterstock_128140859 encouragé par l’Europe au nom de la libre circulation des capitaux. Par contre, il est interdit de dissimuler de l’argent à l’étranger. Et, si jusqu’il y a quelques années seulement ce genre de sport cérébral était toléré, aujourd’hui il ne l’est plus. Le patrimoine placé à l’étranger peut y rester, ce n’est pas le problème, mais comme il faut le déclarer il faut pouvoir en justifier l’origine et il faut déclarer chaque année les revenus qu’il génère. A terme, plus aucune zone d’ombre ne sera acceptée. On peut donc prendre comme argent comptant la menace de John Crombez, le secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude : « Il arrivera un jour où ceux qui auront encore de l’argent dissimulé à l’étranger ne pourront plus rien en faire ».
  • Le compte d’épargne, la vache sacrée du Belge qui y a déposé 240 milliards d’euros, c’est-à-dire de quoi rembourser les deux tiers de la dette publique du pays, bénéficie d’une exonération fiscale qui brille de ses derniers feux. Les intérêts qu’il produit sont exonérés d’office à concurrence de 1.830 euros, mais ça ne durera pas. Il s’en est fallu d’un cheveu que cette exonération passe à la trappe. Il est à peu près sûr qu’il faudra tôt ou tard payer un précompte et déclarer les intérêts touchés pour ensuite en demander l’exonération… pour autant que l’on réponde aux conditions exigées. Et en attendant que celles-ci deviennent de plus en plus strictes…

Pourquoi vous expliquer tout ça ? Parce que la déclaration d’impôts d’aujourd’hui, qui est déjà shutterstock_222504601d’une complexité élevée, va le devenir de plus en plus. Il n’y a rien de plus simple que l’impôt sur le revenu du travail : tout est renseigné sur la fiche de l’employeur, on en retranche quelques forfaits et c’est parti. Si, il y a plus simple encore : l’impôt sur le revenu de remplacement, c’est-à-dire pour l’essentiel les pensions, dans une moindre mesure les allocations sociales. Un million et demi de contribuables, soit un sur quatre environ, reçoivent une déclaration pré-complétée qu’ils doivent simplement approuver – pour autant qu’ils soient d’accord évidemment, ce qui est généralement le cas.

Bref, les 700 codes de la déclaration d’impôts 2013 (celle que vous devez rentrer maintenant, voir encadré) sont amenés à croître davantage encore et surtout à gagner en complexité. C’est déjà le cas cette année : 60 codes en plus, 40 en moins, cela en fait toujours 20 de plus ; et on sait déjà que les fameux 4 % que doivent payer les « gros » contribuables sur les revenus mobiliers supérieurs à 20.020 euros ne seront plus de la partie l’an prochain puisqu’entre-temps tout le monde est passé au précompte mobilier à 25 %. Vous ne suivez pas ? Ce n’est pas grave, personne ne suit vraiment. Sauf les comptables fiscalistes.

Si personne ne suit vraiment, c’est parce que personne ne considère sa déclaration d’impôtsshutterstock_152103620 comme un instrument de gestion patrimoniale. Cela fait des années pourtant que les banquiers privés proposent à leurs clients, outre des produits financiers, des services comprenant le conseil en gestion successorale et fiscale. Qu’on le veuille ou non, la fiscalité fait partie de la vie et le rôle qu’elle va y jouer ne va cesser de gagner en importance. Il faut se faire à l’idée que tous les revenus qui jusqu’ici y échappaient vont tôt ou tard devoir rentrer dans le rang. Deux exemples pour comprendre :

  • Il faut déclarer depuis une dizaine d’années environ les comptes bancaires que l’on a ouverts à l’étranger. Certains l’ont fait, d’autres ne l’ont pas fait… et tentent aujourd’hui de faire pardonner cet oubli en faisant régulariser leur situation. Les banquiers et les avocats, qui doivent rentrer les dossiers de régularisation avant le 2 juillet, date limite, sont débordés. Pourquoi 2 juillet date limite ? Parce qu’en septembre doit intervenir une nouvelle opération de pénitence publique, une nouvelle DLU (pour « déclaration libératoire unique », une appellation dénuée de sens dès lors qu’on en est à la troisième édition). Depuis cette année, il faut maintenant déclarer les contrats d’assurance que l’on a à l’étranger. L’étau se resserre…
  • Les droits d’auteur, qui ne sont pas assimilés à des revenus (ils ne sont pas soumis aux cotisations de sécurité sociale), sont taxés séparément via un précompte mobilier de 15 %. Ce précompte est libératoire, si bien que celui qui l’a payé a fait son devoir fiscal et ne doit plus rien déclarer. Cela ne change pas, sauf que… ça change quand même. Le précompte reste libératoire, mais il faut déclarer ces revenus. Pourquoi ? Parce que les additionnels communaux sont calculés sur ce qui est mentionné dans la déclaration d’impôts. Ils s’appliqueront donc aux droits d’auteur. C’est ce qui s’appelle augmenter les impôts sans rien changer.

Cette dernière innovation permet de mettre le doigt sur un des aspects les plus pervers de la fiscalité. On savait depuis longtemps qu’elle n’avait plus grand-chose à voir avec l’économie, on croyait qu’elle avait encore quelque chose à voir avec le droit au sens le plus noble du terme. Hélas, ce n’est pas le cas. Des artifices comme l’obligation de déclarer des revenus déjà taxés pour apparemment ne pas en tenir compte, on connaît. Ou plutôt les spécialistes connaissent. Qui sait par exemple que les revenus professionnels recueillis à l’étranger par un contribuable belge et taxés à l’étranger (ils ne peuvent donc plus l’être en Belgique) sont ajoutés à ses revenus belges, mais… aussitôt retranchés ? Quel est intérêt ?, direz-vous.  C’est très simple : en ajoutant ces revenus, on fait passer le contribuable concerné à une tranche d’imposition supérieure. On retranche ensuite ces revenus déjà taxés, mais en restant « collé » à la tranche d’imposition supérieure. Pas mal, non ?

Un artifice fondé sur le même type de subterfuge a été instauré il y a plusieurs années avec le produit pourtant archi-populaire qu’est l’épargne pension. Autrefois simplement déductible, elle ne donne plus droit aujourd’hui qu’à une réduction d’impôts de 30 %. La formule est trompeuse : elle donne droit à une réduction d’impôts de 30 % du montant investi en épargne pension alors que précédemment, lorsqu’elle était simplement déductible, elle pouvait donner droit à un avantage fiscal allant jusqu’à 50 % de ce montant, le taux d’imposition maximal. Ce n’est pas clair ? Ne vous inquiétez pas, ce n’est clair pour personne et on en vient parfois à se demander si ce n’est pas le but.

Rebelote cette année avec les frais de garde d’enfants : on passe de la déduction fiscale, avec un « d », à la réduction fiscale, avec un « r ». La différence ? La première dépend des revenus (la déduction pouvait aller jusqu’à 50 %, le taux d’imposition maximal), la seconde est la même pour tous. La différence n’est pas énorme ? Non, mais les petits ruisseaux font les grosses rivières. Et à force de payer de petits ruisseaux à gauche et à droite on finit par payer de grosses rivières sans trop s’en rendre compte.

Quelle est la morale à retenir de tout ceci ? Elle tient en trois points :

  1. Ce qui échappait jusqu’ici à l’impôt, par exemple certains revenus de placements à l’étranger, n’y échappera plus (très longtemps). Le fait de devoir déclarer désormais les contrats d’assurance que l’on a à l’étranger n’en est que la dernière illustration.
  2. Tout ce qui est déclaré, même sans être taxé, est stocké dans les ordinateurs du SPF Finances qui, plus que tout autre, ont beaucoup de mémoire. A terme, le fisc aura une vision globale de l’ensemble des revenus et des avoirs de tous les contribuables et il pourra en comparer l’évolution d’année en année.
  3. L’impôt sur les revenus du travail (et accessoirement l’impôt des sociétés) ne va plus augmenter, mais, outre le recours à l’un ou l’autre subterfuge permettant d’augmenter la pression par petites touches, il va s’élargir pour englober tôt ou tard la totalité des autres revenus, mobiliers et immobiliers, si bien que la fiscalité sur ces deux catégories de revenus va devenir un instrument de gestion patrimoniale incontournable. En attendant peut-être que l’on prélève des cotisations de sécurité sociale sur ces revenus…

 shutterstock_113281162

Il appartient au contribuable qui se respecte (et qui tient à maximiser son patrimoine) d’en tenir compte, mais il faut se rendre à l’évidence : comme tout devient de plus en plus compliqué (qui comprend quelque chose à la taxation des plus-values sur les sicav obligataires de capitalisation ?), le recours à un professionnel du chiffre va devenir inévitable. Cher ? Même pas puisque, renseignements pris à bonne source, une déclaration d’impôts coûte en honoraires de comptable fiscaliste 250 à 1.000 euros selon son degré de complexité. Et si vous confiez un mandat à ce professionnel vous avez jusqu’au mois d’octobre pour rentrer votre déclaration (voir encadré). De l’argent bien investi et d’ailleurs vite récupéré tant les risques d’erreurs sont multiples. Et coûteux. Vous avez déjà goûté aux joies de la réclamation ? Personne ne vous le souhaite.


© Fiftyandme 2024