Organisation successorale « horizontale »

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Les couples ne se rendent pas toujours compte que la maison dans laquelle ils habitent tous les deux se retrouvera pour partie aux enfants en nue-propriété après le décès de l’un des deux conjoints. Le conjoint survivant se retrouvera ainsi en démembrement de propriété avec ses enfants (ou avec ses beaux-enfants en cas de famille recomposée).

 succession

Les couples, mariés sous le régime de la séparation de biens, sans enfants, ignorent le plus souvent que leur part dans leur maison ne reviendra qu’en usufruit à leur conjoint, qui se retrouvera avec ses beaux-parents ou ses beaux-frères et belles sœurs comme nus-propriétaires. En effet, lorsqu’un couple n’a pas d’enfant et est marié sous le régime de la séparation des biens, le conjoint survivant n’hérite que de l’usufruit des biens propres du conjoint. La nue-propriété revient à ses parents les plus proches, ses frères et soeurs et/ou parents s’ils sont encore en vie. Si le couple est marié sous le régime de la communauté des biens et n’a pas d’enfant, le conjoint survivant reçoit la totalité des biens communs en pleine propriété. Mais, même dans ce cas, son droit successoral se limite à l’usufruit des biens propres du conjoint décédé. Or, de nos jours, les couples sans enfant souhaitent souvent laisser la totalité ou la majeure partie de leurs biens à leur conjoint. Les couples avec enfants souhaitent avant tout protéger leur conjoint, surtout s’ils sont encore jeunes et pourront encore avoir des besoins financiers importants. Pour s’attribuer mutuellement plus que ce que prévoit la loi, et limiter les droits de succession dus, plusieurs solutions existent pour les couples.

Transmettre le logement familial intégralement à son conjoint sans droits de succession

Maison

Si le logement familial constitue le principal actif du couple, le conjoint survivant devrait dans certains cas, pour payer les droits de succession, vendre cet appartement ou cette maison. Pour éviter cette situation qui est dramatique pour le conjoint survivant, les trois Régions ont récemment prévu une exonération des droits de succession entre époux sur le logement familial commun. La Flandre et la Région de Bruxelles-Capitale exonèrent intégralement l’habitation transmise au conjoint, tandis que la Wallonie limite l’exonération à un montant de 160.000 € (soit, si la maison appartient en indivision 50/50 au couple, une exonération pour une maison valant au plus 320.000 €). C’est la « part nette » de l’époux dans l’habitation qui servait de logement familial au moment du décès qui est exemptée de droits de succession. La « part nette » est la valeur du logement, diminuée des éventuelles dettes liées à son acquisition. L’éventuel solde de l’emprunt bancaire sera donc déduit. Cette exonération de droits de succession ne s’applique qu’au conjoint et non aux enfants. Dès lors, afin de bénéficier au mieux de cette exonération, le logement devra être intégralement attribué au conjoint en pleine propriété. Deux techniques sont envisageables afin que la part détenue par chacun des conjoints dans l’habitation revienne intégralement au conjoint survivant : le testament ou le contrat de mariage. Le testament ne requiert pas nécessairement d’acte notarié, il peut être olographe, c’est-à-dire entièrement écrit à la main, daté et signé. Il est donc simple, moins onéreux et plus souple en cas d’évolution de la situation. Le contrat de mariage peut présenter un avantage lorsque le logement familial constitue une part importante du patrimoine du couple et que le couple a des enfants. Dans ce cas, l’attribution du logement par contrat de mariage plutôt que par testament permet que les enfants ne puissent pas invoquer une éventuelle atteinte à leur réserve. Par conséquent, pour bénéficier au mieux de cette exonération, il conviendra pour chaque conjoint d’attribuer sa part détenue dans la maison à son conjoint en pleine propriété, par testament ou par contrat de mariage selon ce qui le plus adapté pour le couple en question.

S’assurer que son conjoint dispose de ressources suffisantes pour assurer son avenir

Les époux souhaitent se protéger mutuellement tout en se réservant la jouissance et le pouvoir de gestion sur leurs biens de leur vivant. Parallèlement, ils peuvent souhaiter ne pas – encore – transmettre à leurs enfants (par exemple parce qu’ils sont trop jeunes).

Les époux peuvent se faire toutes donations, quelles qu’elles soient : donations indirectes, dons manuels ou encore donations par acte notarié. Ces donations sont soumises à toutes les règles propres aux donations en général.

L’acte pourra prévoir que la donation est faite par préciput et hors part ou alors qu’elle sera rapportable à la succession du conjoint prédécédé. La première donation marque la volonté du donateur de favoriser le conjoint par rapport aux autres héritiers. Une limite existe pour ce type de donation : la présence éventuelle d’héritiers réservataires. En effet, dans ce cas, la valeur de la donation ne doit pas excéder le montant de la quotité disponible.

avenirLa donation rapportable n’a quant à elle, pas pour but de favoriser le conjoint par rapport aux autres héritiers mais de lui permettre de jouir du bien par anticipation. Cette donation permet également, contrairement à une transmission dans le cadre de la succession, de moduler l’usufruit au profit du conjoint survivant. Au décès du donateur, le conjoint donataire rapportera la nue-propriété au profit des enfants, ce qui permettra de déjà assurer l’organisation successorale « à la verticale ». Certaines règles spécifiques sont également applicables pour les donations entre époux, dont la plus marquante est la révocabilité ad nutum de la donation, c’est-à-dire que le donateur peut révoquer la donation à tout moment, sans devoir motiver sa décision. Ces donations sont soumises aux droits de donation réduits de 3 % (3,3 % en Région wallonne). Les donations manuelles, indirectes ou effectuées devant un notaire étranger ne doivent pas être soumises à l’enregistrement et donc aux droits de donation. Mais en cas de décès dans les trois ans, des droits de succession par tranches jusque 30 % seront dus. La donation peut se faire d’un conjoint en faveur de l’autre conjoint. Une donation réciproque est également possible entre époux. Il s’agit d’une donation qui a lieu entre deux personnes, chacune étant donateur et donataire de l’autre. Dans ce cas, les droits de donation de 3 % (3,3 % en Région wallonne) ne devront être payés qu’une fois, sur la donation la plus importante.

Ainsi, chaque couple peut, en fonction de ses souhaits, de ses besoins, de son âge, de l’âge de ses enfants, moduler son organisation successorale, en privilégiant un transfert vers le conjoint. Ce transfert peut se faire en évitant les droits de succession. Nous avons vu deux possibilités, mais il en existe bien d’autres, à choisir en fonction de chaque situation.


 Valérie-Anne de Brauwere
Avocat Associée THALES BRUSSELS
Chargée de conférences à l’Executive Master en Gestion Fiscale (Solvay Brussels School of Economics and Management)

www.thales.be


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