La retraite, un enjeu individuel et collectif

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Le système belge des pensions est en pleine mutation. Il le faut, question de vie ou de mort. Et moi, et moi, et moi ? Une pension, ça se prépare. Attention, les conditions changent. Dans le bon sens heureusement.

Par Jean Blavier

« La pension », comme on dit chez nous, c’est-à-dire la retraite, n’a bien souvent rien de particulièrement glorieux. Ce n’est pas toujours un passage en douceur. Certains vont plus loin, témoignages à l’appui : « la retraite, c’est le baiser de la mort » ! Et de poursuivre : « un tel, il avait à peine pris sa pension que, crac, il a fait un infar ». Indéniablement, la pension, c’est une rupture. Celui ou celle qui a travaillé quotidiennement des dizaines d’années durant, se voit du jour au lendemain réduit à l’inaction professionnelle.

Même si les statistiques à ce propos sont rares, il est probable qu’une majorité passe le cap sans (trop de) difficultés. Une minorité par contre semble entamer sa retraite par une période plus ou moins longue d’euphorie pour ensuite glisser petit à petit dans une forme de spleen qui peut déboucher sur des problèmes de santé. Sans oublier la situation de tous ceux et de toutes celles qui passent à la retraite sans forcément l’avoir voulu. Exagéré ? Pas du tout. Il suffit de se promener sur le web pour trouver quantités de témoignages de ce type… et les solutions avancées. Une retraite, voulue ou non, ça se prépare.

Taux de remplacement, kèksèksa ?

Il en est de même sur le plan financier. Une retraite ça se prépare et, sans tenir pour autant le langage générateur d’anxiété (sauf pour eux) des assureurs et des banquiers, il y a à cela plusieurs raisons impératives. La première, dont on ne parle pas souvent, est que les pensions belges, tous types confondus, sont parmi les moins généreuses d’Europe. Une comparaison a été faite sur la base de ce que l’on appelle le taux de remplacement.

Ce taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le montant de la retraite et celui du dernier revenu déclaré, est de l’ordre de 60 % chez nous, mais tout compris, c’est-à-dire non seulement la pension légale (premier pilier des pensions), mais aussi la pension collective privée (assurance de groupe, fonds de pension sectoriels, PLCI, deuxième pilier) et la pension individuelle privée (épargne et assurance pension, assurance vie, troisième pilier).

Une étude réalisée par le « think tank » des pays riches, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), montre que ce taux de remplacement de 60 % environ nous situe juste en dessous de la moyenne des pays riches. Le calcul est très compliqué, notamment parce qu’il prend en compte une fiscalité qui est très variable d’un pays à l’autre, mais il n’y a pas de raison de mettre en doute les conclusions de l’OCDE. Si les Allemands et les Suédois sont moins bien lotis que nous (leur taux de remplacement net est de respectivement 50 et 56 %), on est en droit de se demander pourquoi les Français sont à 66 %, les Italiens à 80 %, les Luxembourgeois à 89 % et les heureux Néerlandais à 96 %. Vous imaginez la différence ?

Grâce aux femmes

life-magazine-pensionSi les pensions belges sont moins élevées que les autres, c’est aussi et peut-être même surtout parce que les cotisations ne sont pas élevées. Ce type de considération fait souvent hurler, mais il faut savoir de quoi on parle. Les cotisations ne sont pas globalement élevées du fait notamment de la durée anormalement courte des carrières dans notre pays où la proportion des actifs de plus de 60 ans, voire de plus de 55 ans, est particulièrement faible : 40 % environ alors que la moyenne européenne est de 52 %.

Heureusement, ce taux augmente d’année en année, notamment grâce… aux femmes, qui restent actives de plus en plus longtemps. Comment est-on arrivé là ? Pour le dire vulgairement, on a prépensionné à tour de bras dans notre pays. Jusqu’en 2005, il suffisait de 28 années de carrière pour prendre ses invalides. Dès 2005 il fallait 35 ans et aujourd’hui il en faut 42 avec un âge officiel de la retraite fixé à 65 ans pour tous (hommes et femmes, salariés, fonctionnaires et indépendants). Age officiel qui passera à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030.

Le problème fondamental que pose cette situation tient au fait que le premier pilier des pensions fonctionne sur le mode de la répartition. En bon français, cela veut dire que ce sont les actifs qui paient chaque mois la retraite des inactifs. Or ces inactifs sont de plus en plus nombreux. Chaque année pour des raisons purement démographiques : les « baby boomers » (nés entre 1946 et 1964) prennent leur pension en masse.

On peut gloser autant qu’on veut sur la légitimité de la pyramide des âges, mais une chose est sûre : le mode de la répartition ne peut fonctionner à long terme s’il y a de plus en plus d’inactifs dont les retraites sont payées par un nombre de plus en plus réduit d’actifs. C’est arithmétique.

Si, comme le craint le Bureau du plan, le nombre des Belges actifs par retraité, qui est actuellement de 3,5 unités, tombe à 3,3 unités en 2020, on va droit dans le mur. La solution est connue : il faut augmenter le taux d’activité des plus de 55 ans (c’est en cours) et retarder l’âge du passage à la retraite (c’est en cours aussi). La mise en pratique, elle, est plus difficile, bien que des pas de géant aient été accomplis ces dernières années.

Quelle carrière ?

Si la retraite se prépare psychologiquement, si les gouvernements ont enfin compris qu’elle doit se préparer au niveau collectif pour le plus grand bien des finances publiques, elle se prépare aussi sur le plan financier à l’échelle individuelle. C’est-à-dire au moyen des deux piliers privés du système belge des pensions, les pensions collectives et les pensions individuelles qui bénéficient d’avantages fiscaux, auxquelles il faut ajouter ce que certains appellent le quatrième pilier, l’épargne et l’investissement individuels et, on l’oublie souvent, les héritages. On ne compte pas les retraités dont la situation serait plus difficile s’ils n’avaient pas (eu) des aïeux financièrement industrieux.

Le gouvernement actuel a assoupli le premier pilier. Désormais toute personne ayant plus de 60 ans et 42 ans de carrière (43 l’an prochain) peut prendre sa retraite et parallèlement poursuivre une activité professionnelle sans qu’il n’y ait plus de plafond de revenus. Ce qui revient à dire que ce type de retraité finance lui-même une part de sa pension et allège d’autant la charge pesant sur les (autres) actifs. Il ne faut pas oublier que 115.000 Belges prennent leur retraite chaque année !

Autre innovation toute récente, mais dont les prémices remontent à plusieurs années, la pension minimale des salariés et des indépendants est aujourd’hui du même montant, à savoir 1.168,73 euros par mois pour un isolé et 1.460,45 euros pour un ménage. Mais, car il y a un mais, il faut pour bénéficier de ce minimum, 45 ans de carrière.

« My pension »

Il n’est guère facile de transposer les chiffres que l’on lit çà et là à sa situation personnelle. Et il est probable que ce sera de plus en plus compliqué puisque les carrières mixtes se multiplient : salarié puis indépendant ou l’inverse, fonctionnaire puis salarié ou indépendant, voire l’inverse, voire… les trois. Pour y voir clair, puisque l’Office des pensions, rendons à César ce qui lui appartient, est une machinerie bien huilée, le mieux est de se connecter sur le site www.mypension.be. Ce site donne accès au dossier de pension de chacun, mais pour y accéder il faut disposer d’un lecteur de carte d’identité électronique (en vente pour deux fois rien dans les magasins d’électronique) et du logiciel ad hoc (téléchargeable).

Le reste est classique : la marche à suivre est d’une difficulté moyenne, ce qui veut dire que les moins habiles buteront sur l’un ou l’autre obstacle avant de pouvoir se connecter. Une innovation intéressante est en cours de réalisation. Si tout va bien, à partir du 1er octobre prochain, « my pension » prendra en compte les pensions collectives privées (assurance de groupe, fonds sectoriels de pension, PLCI).

Ah oui, pour peu votre serviteur aurait oublié : « my pension » est aussi accessible par téléphone au numéro gratuit 1765. Et ce, de 9 à 12 et de 13 à 17 h. Ayez votre carte d’identité à portée de la main et ne craignez rien : en général, les correspondants que l’on a en ligne sont d’une patience infinie. C’est trop rare pour ne pas être souligné.


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