fuites urinaires

Fuites urinaires : stop au tabou!

On ose peu en parler des fuites urinaires à cause du sentiment de honte qui l’accompagne… Trop d’idées reçues circulent sur ce trouble qui touche surtout les femmes, à tous les âges. Le point avec le Dr François Hervé, spécialiste de l’incontinence urinaire aux cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles et à l’UZ de Gand.

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La vessie est un réservoir élastique. Ses capacités de contraction, elle les doit aux fibres musculaires qui composent sa paroi. Quand elle fonctionne normalement, elle stocke les urines, produites de manière continue tout au long de la journée et de la nuit par les reins, et les évacue, à la demande, lors des mictions, par l’urètre, sans fuite entre chaque passage aux toilettes. Mais dans certains cas, ce mécanisme idéal dysfonctionne et une incontinence, plus ou moins importante, s’installe. Il peut s’agir de quelques gouttes d’urine qui s’échappent sans qu’il soit possible de les retenir ou de cas beaucoup plus embarrassants… Encore aujourd’hui, beaucoup de patients et de soignants pensent qu’il s’agit de quelque chose de normal, lié au vieillissement, aux accouchements… Pire encore, bon nombre de personnes concernées sont convaincues que l’on ne peut rien y faire.

Qui sont les personnes qui souffrent de fuites urinaires ?

Il s’agit aussi bien d’hommes que de femmes : des enfants, des adultes, des personnes âgées. Tout le monde peut être concerné et ces troubles sont plus fréquents qu’on le pense : 7 % des femmes de moins de 39 ans en sont atteintes, 14 %, entre 40 et 59 ans et jusqu’à 19 % après 60 ans. Les hommes peuvent eux aussi connaître le problème, mais il s’agit dans la plupart des cas de patient ayant été opérés pour un cancer. L’incontinence urinaire spontanée chez le sujet masculin est très rare.

Quelles sont les causes de ces troubles ?

Les deux types d’incontinence les plus fréquents sont l’incontinence par hyperactivité vésicale et l’incontinence à l’effort. La première consiste en une fuite involontaire d’urine qui survient suite à un besoin brutal, impérieux et irrépréssible d’uriner. La personne n’arrive pas à temps aux toilettes et quelques gouttes, voire une grande quantité, d’urine s’échappe. Certains stimuli favorisent cette situation qui arrive, par exemple quand on met la clef dans la serrure de la porte en arrivant chez soi, quand on entend l’eau du robinet ou de la douche, quand on met les mains dans l’eau froide… L’incontinence à l’effort est, quant à elle, une fuite d’urine qui survient lors d’un effort physique, une toux, un éternuement, la pratique d’un sport, le fait de soulever une chaise, de porter quelque chose de lourd… Il peut s’agir alors de quelques gouttes d’urine qui s’échappent ou de fuites plus importantes, soit lors d’efforts minimes ou d’efforts plus intenses. C’est un problème qui touche aussi bien les femmes qui ont déjà eu des enfants que les femmes nullipares. Les hommes aussi sont concernés, mais dans ce cas, ce sont souvent des patients ayant été opérés de la prostate pour un cancer.

Comment prévenir ce type de problèmes ?

D’abord en ayant une activité physique régulière qui renforce les muscles du périnée et diminue ainsi le risque de fuites urinaires. Attention toutefois : une activité physique exagérée pourrait avoir un effet inverse et augmenter le risque de troubles urinaires… Le surpoids ou l’obésité sont également des facteurs qui augmentent la possibilité d’apparition de ces troubles. Dans ce ce cas, une perte de poids est conseillée. Les infections urinaires doivent également être recherchées et traitées sans tarder, car elles peuvent aggraver les symptômes. Si une bonne hydratation est importante, il faut aussi veiller à ne pas dépasser 1,5 litre à 2 litres de liquide par 24 heures sous peine d’engendrer ce type de troubles. Réduire sa consommation de caféine est également une piste pour diminuer les besoins urgents. Enfin, après un accouchement, il ne faut pas négliger la rééducation périnéale.

Comment en parler à son conjoint ?

Les hommes sont très souvent accompagnés par leur compagne en consultation. Par contre, les femmes viennent le plus souvent seules… Peut-être parce qu’elles sont plus autonomes ? Ou parce qu’elles en parlent plus difficilement à leur conjoint ? Ce qui est sûr, c’est que les patientes les plus jeunes cherchent à cacher ce qu’elle vivent. L’incontinence urinaire est pour elles inavouable et source de honte, surtout quand la relation est récente. Il est vrai que le trouble peut être source de problèmes au sein du couple : retentissement au niveau sexuel par la crainte de fuite lors des rapports, au niveau social (réduction des sorties ou peur de porter un pantalon de couleur claire par crainte d’accident) ou psychologique (dépression, manque de confiance en soi, impression de ne pas contrôler son corps…). Mais expliquer son problème à son conjoint est primordial car cela permet de lever le tabou, d’améliorer le quotidien, de ne pas devoir se cacher ou multiplier les subterfuges pour « maquiller » les accidents… Le mieux est de le faire en toute simplicité, avec confiance, en exprimant son ressenti et son malaise et sans se sentir coupable.

Existe-t-il des traitements quand le trouble est installé ?

Quand il consulte, chaque patient se voit offrir la possibilité d’une prise en charge adaptée et personnalisée, avec pour objectif principal l’amélioration de la qualité de vie et la diminution des risques médicaux liés aux troubles urinaires. Nous disposons d’une panoplie de traitements pour traiter ces troubles. Elle comporte des méthodes comportementales : uriner régulièrement, adapter la quantité et le type de boissons consommées, rééduquer les muscles du plancher pelvien par de la kinésithérapie… Dans certains cas, le médecin peut aussi prescrire des traitements médicamenteux. Depuis une vingtaine d’années, les interventions chirurgicales sont également venues compléter l’arsenal thérapeutique lorsque les techniques moins invasives n’ont pas, ou pas suffisamment, fonctionné : injection de toxine botulinique, pacemaker de vessie, bandelette sous l’urètre, sphincter urinaire artificiel…


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