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Quels sont les bienfaits de la philosophie pour nos petits-enfants?

Se familiariser avec le maniement des idées et des concepts, c’est ce que proposent lectures et ateliers philo pour enfants qui fleurissent ici et là. Une façon de rassurer les parents, ou la réponse à une nécessité pédagogique ? Nous avons enquêté sur les bienfaits de la philosophie chez les enfants. 

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Pourquoi les initier à la philosophie dés le plus jeune âge ?

« Pourquoi parfois, je déteste mon frère? » – « Qu’est-ce qu’il y a après la mort? » – « Pourquoi j’ai envie d’apprendre et en même temps, je n’aime pas aller à l’école? » – « J’étais où avant de naître? »…

«L’enfant est philosophe par essence. Il pose sans arrêt des questions. Le défi, c’est de maintenir le questionnement » souligne Françoise Martin, enseignante et rédactrice à la Revue de philo Philéas et Autobule. « Ça n’est pas forcément de la philosophie au sens strict, estime le pédagogue Philippe Meirieu, mais tout ce qui met les enfants en position réflexive est utile. »

« On a grand tort de peindre la philosophie inaccessible aux enfants », écrivait Montaigne dans ses Essais. Est-ce à dire qu’ils peuvent philosopher ? Rien n’est moins sûr. Les plus jeunes ont certes des dispositions : ils se -posent beaucoup de questions, sont capables de s’étonner devant ce qu’un adulte considère comme allant de soi et se livrent plus facilement à des activités sans but apparent. « Mais il s’agit d’apprendre à ordonner sa pensée, pas de se faire plaisir en valorisant les mots d’enfants », relativise le philosophe Oscar Brenifier, pionnier en la matière. En effet, les supposées saillies métaphysiques des tout-petits sont loin d’être légion. « D’ailleurs, céder à l’image du petit génie serait passer d’un extrême à l’autre, estime Dominique Youf, philosophe spécialiste des droits de l’enfant. Avant le XVIIIe siècle, l’enfance est considérée comme le sommeil de la raison. À partir de Rousseau, et plus encore après Françoise Dolto, on tend à penser les petits comme des égaux. Il faut surmonter cette antinomie et reconnaître une subjectivité propre à l’enfant : il n’est jamais satisfait de son état, en perpétuel devenir. »

Répondre aux questionnements

À première vue donc, cela semble tout naturel. « Les enfants interrogent le monde en permanence, observe le pédopsychiatre Patrice Huerre. Il s’agit de les aider à développer ce questionnement, là où les adultes ont tendance à plaquer des réponses stéréotypées ou à se lancer dans des développements trop compliqués. » Avant 5 ans, leurs questions sont relatives à l’environnement immédiat, familial et de proximité, en adéquation avec leur développement psychomoteur. Puis leur regard se tourne vers un champ infiniment plus vaste et confus : le monde. « Mon fils Tristan posait sans arrêt des questions sur la mort », se souvient Isabelle, 35 ans. Un peu démunie pour répondre aux angoisses de son enfant de 5 ans, elle achète le “Piccolophilo” dédié à cette question. L’histoire sert d’accroche, un échange se met en place. « Quand il a compris que la mort ne devait pas arriver avant très, très longtemps, ça l’a rassuré et il est passé à autre chose : l’idée de Dieu, ça l’intéressait beaucoup aussi. »

Une plongée dans le monde des idées

Selon la neurologue Régine Zékri-Hurstel, ce questionnement se met en place avec l’âge de raison, après une période de découverte sensorielle intense. « L’enfant a alors du mal à faire simple, et la philosophie peut être une escorte idéale : il n’est plus seul dans la complexité. »
Il découvre aussi qu’il est une personne et commence à reconnaître la présence de l’autre. « L’important pour les petits est d’apprendre à s’exprimer et à parler en public », affirme la pédopsychiatre Nicole Catheline, cependant plus réservée sur ces ateliers. « Si l’idée est de s’ouvrir l’esprit en parlant de la vie, pourquoi pas ? Mais je crains que cela soit réservé à une élite, encouragé par des parents qui voudraient “booster” leurs enfants dès la maternelle. ». Cependant, rassure Patrice Huerre,  » la philosophie est aux antipodes d’un gavage de connaissances. Elle enseigne au contraire qu’il n’y a jamais de réponse directe ». Un coup d’œil sur les livres pour les petits semble lui donner raison : beaucoup de dessins, peu de textes ; les philosophes sont rarement évoqués. Il s’agit davantage d’une esquisse sur des notions mises en relation avec des situations concrètes. « Quand le texte est court et compréhensible, mon fils de 6 ans peut rester concentré d’un bout à l’autre », remarque Gaëlle, 35 ans. Sensible à la qualité de l’écriture, elle privilégie les récits réalistes : « Adrien est plus impliqué quand il se reconnaît dans un personnage, ou quand il entend des arguments qu’il utiliserait dans les mêmes situations. » La revue belge Philéas et Autobule est à cet égard particulièrement originale.

Cette revue qui privilégie l’interaction avec ses jeunes lecteurs est une piste complémentaire aux ateliers philo. « La première étape d’un atelier consiste à initier le questionnement philosophique autour d’un thème. Il s’agit de l’étape appelée la « cueillette des questions »… La deuxième étape est une « communauté de recherche », pendant laquelle nous répondons ensemble aux questions posées précédemment, tout en questionnant aussi nos réponses ! Il s’agit donc d’un espace de parole où l’enfant dit ce qu’il pense tout en pensant ce qu’il dit. D’où la nécessité de définir les mots et concepts utilisés, pour que nous partions tous sur les mêmes bases. Il s’agit de la troisième étape, dite de définition ou de conceptualisation, indispensable au bon fonctionnement de l’atelier, explique Martine Nolis, formatrice et animatrice d’ateliers philo.


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