Comment faire son deuil ?

Le mot « deuil » fait d’abord penser à la tristesse après le décès d’un être cher. C’est une épreuve particulièrement difficile à vivre. Mais la brisure du divorce, l’éloignement de ceux qu’on aime, un licenciement, le vieillissement, la perte de biens, de buts, de projets, d’idéal ou d’un rêve… appellent aussi à un processus de « deuil ». Avec son « Carnet de deuil », la psychologue Nathalie Hanot nous aide à surmonter les épreuves douloureuses qui se mettent sur notre chemin…

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« La vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. » Sénèque

 

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » écrivait Lamartine… Que se passe-t-il lorsque nous devons faire face à une disparition, à une rupture ?

L’annonce crée un terrible choc ! On plonge alors dans une sensation d’irréalité que l’on nomme déni. Notre psyché nous protège comme elle peut de l’intensité de la douleur : on l’entend, mais on n’y croit pas tout à fait, on espère avoir rêvé, voir l’autre passer la porte, revenir… La réalité de la perte et de l’absence ne peut s’inscrire en nous de manière instantanée. Dans un premier temps, la mort prend toute la place, notre vie tout entière est tournée vers la perte. Pas à pas, on reprend une nouvelle place dans sa vie, on compose avec la nouvelle norme imposée, celle de l’absence.

On ne peut pas comparer le décès d’un parent ou d’un enfant à un licenciement ! Pourtant, c’est aussi une perte qui amène un changement dans notre vie…

Rien ne sert de comparer les souffrances, les morts traumatiques et les morts qui viennent à contre-courant de la vie sont particulièrement difficiles à vivre. Mais toutes les pertes, même petites, méritent d’être traversées en conscience et traitées… Car tout ce que nous pourrions refouler mange une bonne part de notre énergie vitale et freine les processus de reconstruction.

Quelles sont les différentes étapes du deuil ?

De nombreux auteurs ont proposé de visualiser le chemin du deuil en une série d’étapes. Et, même si le chemin est pluriel, unique, et loin d’être linéaire, ces étapes nous permettent de baliser un chemin sur lequel nous sommes bien souvent perdus. Dans ce Carnet de deuil, je propose d’aborder les étapes suivantes :

  • Le déni : ces moments d’irréalités qui nous tiennent un peu en dehors de la réalité pour nous protéger d’une intensité intolérable de douleur.
  • La colère : une énergie qui nous est bien nécessaire pour revenir dans la réalité de la perte. Cette colère est légitime car nous sommes face à une perte que nous n’avons pas souhaitée et à laquelle nous résistons.
  • La peur : nos points de repères ont explosé, nos fondations ont bougé, le cadre de référence qui était le nôtre change brusquement. Avant de redéfinir un nouveau cadre de sécurité, il est légitime de vivre des sentiments de peur et d’angoisse.
  • La tristesse : c’est le moment de la prise de conscience que ce qui est perdu est définitivement perdu et qu’il n’y a pas de retour possible. Cela génère une profonde tristesse et un vécu dépressif dont il nous faut prendre soin.
  • L’acceptation : il ne s’agit pas d’oublier pour accepter ! Le travail de deuil est un travail de mémoire qui nous permet d’installer en nous la nouvelle présence de ce qui a été. L’acceptation, c’est accepter de composer avec la nouvelle norme et reprendre sa place dans le cycle de la vie.
  • L’héritage : c’est ce que nous décidons de garder vivant en nous de l’autre disparu ou de la situation perdue.
  • La sérénité : Nous sommes à ce moment capable de vivre sereinement la perte, même si elle laissera toujours en nous un vécu douloureux. Nous acceptons de reprendre le devant de la scène et de recomposer avec la vie.

Parce que le temps ne suffit pas à effacer le chagrin, Freud parlait de « travail de deuil »…

Oui, le temps seul ne suffit pas : nous avons à nous engager dans le processus. Le carnet de deuil est une première manière de s’engager en accueillant, exprimant et transformant les émotions.

Votre livre est un précieux outil pour apprivoiser les émotions…

Dans la vie, on nous apprend à gagner, à assimiler, à posséder… on ne nous apprend pas à perdre. L’intention du livre est d’aider le lecteur à créer un espace d’expression dans un journal intime de deuil, tout en étant guidé pour accueillir et exprimer chacune des émotions. Il contient aussi toute une série d’exercices pour se « pauser » et se reposer sur le chemin. Le chemin se fait en douceur, avec des mots, des dessins, des couleurs… au rythme de chacun.

Quelles activités créatives recommanderiez-vous pour surmonter :

  • Le décès d’un être cher ?

Dans un premier temps, je veillerais à la puissance de la Nature pour reprendre des forces lors de promenades, de temps de création au jardin ou fenêtre ouverte. Si c’est trop douloureux, les temps d’expression dans le carnet peuvent être réalisés en groupe : famille, amis… Les pages peuvent alors servir de support d’expression pour évoquer l’être cher disparu.

  • Un divorce ?

Si le divorce est conflictuel, on devra apprendre à dompter la colère. Mais au-delà de cette colère, il ne faut pas oublier la peur générée par les séparations et la tristesse de se séparer de l’être avec qui on avait bâti des projets.

Certains exercices permettent d’élaborer des cycles de vie et des espaces de transitions. C’est une nouvelle identité qui va être créée. Il est important de prendre la peine de ventiler les émotions et les questionnements au moment de ce grand changement et de cette transition vers un nouveau Soi.

Nous ne sommes pas tous égaux face au deuil…

Effectivement, la résilience est cette capacité à vivre, à revivre et à reconstruire au sein de l’adversité. Certains peuvent activer cette résilience plus vite que d’autres, en fonction de qui ils sont et de leurs histoires. Mais la résilience n’est pas refoulement : reprendre sa vie comme si de rien n’était, comme si on était plus fort et que cela ne nous affecte pas, n’est pas de la résilience. La résilience est une terre d’accueil, d’expression et de transformation.

Faire son deuil, ce n’est pas oublier et/ou passer à autre chose. C’est…

faire un travail de mémoire et installer une nouvelle présence en soi-même. C’est aussi faire vivre l’autre à travers l’héritage.

 


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