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Dirk De Wachter nous parle de la dépression saisonnière

Quand le soleil pointe le bout de son nez, la plupart d’entre nous avons envie d’en profiter au maximum. Mais ce n’est pas vrai pour tout le monde. En effet, bien que la dépression saisonnière soit souvent associée à la baisse de luminosité et au temps maussade de l’hiver, certaines personnes souffrent de dépression estivale, comme on l’appelle communément. Le psychiatre le plus populaire de Belgique, Dirk De Wachter, nous parle de ce phénomène.

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« En pratique, on parle de trouble affectif saisonnier (TAS). On pense souvent à la dépression hivernale en raison de la diffusion moindre de lumière du soleil, mais ce trouble peut très bien survenir en automne, au printemps et donc aussi en été. On ne s’y attend pas, en particulier pendant la belle saison, car c’est précisément la période de l’année où la vie est censée être formidable et où on doit tous se sentir heureux et bien dans sa peau. Il y a une sorte d’adhésion générale à ce principe : en été, la vie est belle. Or c’est précisément cette injonction sociale qui contraint les gens à se sentir bien qui pousse les personnes déjà fragiles dans un état de dépression. » explique Dirk De Wachter.

L’avis de Dirk De Wachter

Des nuits interrompues

Les conséquences sont souvent les mêmes que celles de la dépression hivernale : apathie et morosité, prise de poids et sensation de fatigue. Cependant, la dépression estivale peut également avoir certains effets secondaires opposés à ceux du trouble hivernal, à savoir une perte de poids et des problèmes de sommeil. « Un des principaux symptômes de la dépression est un sommeil de mauvaise qualité, et plus particulièrement la difficulté à dormir d’une traite. En fait, c’est même l’un des premiers symptômes à apparaître avant que la déprime s’installe. La cause réside d’une part dans la sensibilité dépressive du cerveau. D’autre part, ça pourrait être dû aux caractéristiques des nuits d’été : air chaud, fenêtres ouvertes et bruit. Une autre explication possible est que les heures de lumière supplémentaires nous privent d’une partie de notre repos. »

Une surcharge sensorielle

Le soleil éclatant, les bruits qui nous entourent et la chaleur moite sont autant de stimuli pour la plupart des gens. Si on y est sensible, peut-être en raison d’une hypersensibilité, on risque plus rapidement la surcharge sensorielle en été. En hiver, on s’isole plus facilement, mais en été, il est plus difficile de résister. « Tout d’abord, c’est une bonne chose si on en a conscience. On peut alors recourir à des techniques thérapeutiques, telles que la pleine conscience, la relaxation ou le yoga. Mais se promener tranquillement seul dans la nature ou faire l’impasse sur une fête pour lire un livre en toute quiétude à la maison peut aussi fonctionner. Je pense par ailleurs que c’est une bonne idée pour tout le monde, car nous vivons dans une société où nous sommes bombardés de stimuli. Nous habitons dans des espaces compacts et sommes entourés d’autres personnes, il y a toujours du bruit, et les sollicitations des réseaux sociaux sont un facteur supplémentaire de notre époque. Des études ont montré que les gens passent en moyenne deux à trois heures par jour à pianoter sur leur téléphone portable. Éteindre son GSM de temps en temps et ne pas être joignable permet au cerveau de se reposer. Que ce soit en hiver ou en été. »

Pas de corps parfait

Les incertitudes de l’été peuvent susciter la déprime à différents degrés. Si on manque d’assurance par rapport à son corps, les tenues d’été légères peuvent être source de stress. « Toute la culture Instagram est bien sûr axée sur ce corps parfait. Il convient donc de porter des vêtements dans lesquels on se sent bien, de sortir et d’essayer de résister à ce dictat de la perfection imposé par les réseaux sociaux. Car la plupart d’entre nous ne sont pas des Brad Pitt ou des Angelina Jolie. Et ces deux stars ont aussi leurs problèmes et complexes, paraît-il. Ces personnes parfaites paraissent toujours si heureuses, mais c’est une illusion qu’il faut dissiper. Même avec un corps moins musclé (pour parler en mon nom) ou avec une silhouette moins svelte, on peut se montrer désinhibé. C’est mon point de vue. Le body positivisme est l’un de ces mouvements qui peut encourager cette démarche. Il est d’ailleurs très présent sur Instagram. Tout ce qui s’y passe n’est donc pas mauvais. »

Identification et prévention

Selon Dirk De Wachter, si on reconnaît ces émotions et symptômes, il peut être judicieux de tenir une sorte de journal intime. « Vous identifiez certains signes et ils se répètent effectivement chaque saison ? Alors vous pouvez peut-être vous mettre en quête de solutions adaptées, comme recourir à des techniques thérapeutiques et prendre soin de votre corps. Si ce n’est pas suffisant, vous pouvez envisager des médicaments préventifs en dernier recours. Nous devons prescrire des antidépresseurs moins souvent, mais de façon beaucoup plus ciblée. »

Le bonheur dans les petites choses

Dirk De Wachter préconise de ne pas faire de la recherche du bonheur l’objectif de sa vie. Il est préférable selon lui de se concentrer sur le sens et les relations, le bonheur en découlant souvent naturellement. Pour le psychiatre, c’est peut-être d’autant plus vrai en été. « En été, on voit encore plus sur les réseaux sociaux des lieux de villégiature idylliques où des gens au corps parfait se prélassent au bord d’une piscine. Mais pour la majorité d’entre nous, cette période se limite à des vacances moyennes lors desquelles on ne boit pas du champagne, mais de la bière. Le mieux est l’ennemi du bien ! Le trajet à pied pour se rendre au travail peut également être très agréable. Il ne faut pas rechercher le bonheur avec un grand B, mais se satisfaire des choses ordinaires de la vie. Prendre soin des autres. Profiter du soleil qui filtre à travers les nuages sans pour autant devoir être installé au bord d’une piscine de rêve. Dans notre imagination, tout ce qui nous fait envie est si formidable que nous oublions de nous satisfaire de ce que nous avons. »

Photo à la une : ©Leen Wouters


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