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Et si nous arrêtions de vouloir être parfaites… pour être plus libres ?

Gare aux excès : la volonté d’être en tous points parfaites peut nous amener à l’épuisement et au burn-out. Interview de la docteure Caroline Depuydt, qui signe le livre instructif ‘J’arrête d’en faire trop’.

 

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L’obsession de la perfection vous gouverne ? Vous voulez être parfaites ? Une partenaire agréable, une amante incomparable, une mère dévouée, une grand-mère généreuse, une cuisinière hors pair, une travailleuse modèle, une sportive accomplie… Mais cette préoccupation est source d’épuisement et de stress, parce que personne ne peut être une femme idéale…

Parfaitement im-parfaites !

Si vous vous reconnaissez dans cette brève description, sachez que l’ouvrage de la docteure Caroline Depuydt est fait pour vous. Après avoir signé le livre à succès Bien dans ma tête grâce aux neurosciences, la psychiatre et cheffe de service à la Clinique Fond’Roy (qui est aussi chroniqueuse radio dans l’émission « La grande forme” sur VivaCité) publie aujourd’hui J’arrête d’en faire trop (éd. Kennes), un ouvrage nous aidant à dépasser ce mal du siècle et à devenir moins « parfaites » et plus libres ! Rien de moins !

Docteure Depuydt, vous nous expliquez que le perfectionnisme répond à un besoin de contrôle et que son origine est aussi personnelle que sociétale. Pourquoi notre société valorise-t-elle tant le perfectionnisme ?

“Le perfectionniste, c’est quelqu’un qui ne dit pas non, qui est très responsable, qui fait tout comme il faut. C’est, au fond, une personne efficace, performante et de confiance. Évidemment, cela plaît aux employeurs, aux conjoints ou aux amis. Mais le prix que le perfectionniste a à payer pour cette efficacité – son épuisement et son incapacité à s’arrêter -,  les autres s’en préoccupent moins. Comme nous sommes en plus dans une société qui a le culte de la performance et de l’excellence, on voit que les injonctions internes et externes se rencontrent pour tenter de faire de vous l’être le plus parfait possible. C’est évidemment totalement impossible, puisque, étant humains, nous sommes aussi faillibles. »

Vous précisez les caractéristiques des personnes qui se veulent parfaites : sensibilité à l’opinion des autres, besoin de reconnaissance, difficulté à déléguer, sentiment de culpabilité… Ce problème ne touche-t-il pas davantage les femmes que les hommes ?

“Dans les études, nous voyons que ce problème ne touche pas plus les femmes que les hommes. Le perfectionnisme est une caractéristique non genrée qui transcende les âges. Malgré tout, les femmes ont la particularité supplémentaire que, majoritairement, elles supportent une charge mentale plus importante. Elles sont soumises à des injonctions contradictoires et perfectionnistes dans tellement de domaines que cela donne le tournis : dans la profession, la maternité, la féminité, l’amitié, la sportivité… Cela peut accélérer la pente du perfectionnisme vers l’épuisement et le burn-out.”

Vous décrivez différents processus qui peuvent nous permettre d’apprivoiser notre perfectionnisme et devenir plus flexibles mentalement. Il y a le développement de l’estime de soi, l’apprentissage de l’auto-compassion comme la conscientisation de ses qualités ou la transformation des règles rigides de vie en balises… Pouvez-vous nous parler de l’outil CADRA qui permet d’adoucir ses croyances limitantes ?

“Dans votre question le terme de processus me semble très important. C’est en effet un voyage progressif auquel je vous invite, voyage tout au long duquel vous pouvez expérimenter différents outils pour vous permettre, petit pas après petit pas, d’apprendre à prendre soin de vous. Cet outil CADRA permet, dans ce voyage, de prendre conscience des croyances que nous avons à notre sujet et de combien certaines d’entre elles peuvent être limitantes (« je ne suis pas à la hauteur », « je n’ai aucun sens de l’orientation », etc.). Il ne s’agit pas de complètement effacer ces croyances, ce serait illusoire et irréaliste. Par contre, cet outil vous propose de tenter de les adoucir, de les apprivoiser. CADRA est un moyen mnémotechnique pour se poser cinq questions :

  • C pour Croyance : quelle croyance limitante à mon propos me semble totalement vraie ?
  • A pour Actualité : à quoi m’a servi cette croyance jusqu’à présent ?
  • D pour Distance : comment puis-je mettre cette croyance à distance ?
  • R pour Réalité : cette croyance est-elle vraie ?
  • A pour Alternative : puis-je envisager des points de vue alternatifs ?”

 

En faire moins, mode d’emploi

Vous nous parlez aussi de l’étonnante loi de Pareto. Très pratiquement, comment peut-elle aider une femme dépassée par son perfectionnisme ?

“La loi de Pareto, c’est la loi du 80/20. Figurez-vous que, la plupart du temps, 80% de nos résultats sont produits par 20% de nos actions. À titre d’exemple, on peut citer que nous voyons en général 20% de nos amis les plus proches 80% du temps consacré à l’amitié. Comment peut-on utiliser cette loi pour nous aider à apprivoiser notre perfectionnisme ? Elle nous permet de sortir des exigences démesurées et de récupérer du temps pour soi, pour se reposer, pour prendre du plaisir. Faire le ménage par exemple… Vous pouvez choisir de faire le ménage à 120% chaque fois que vous vous y attelez. Ce sera extrêmement long et fatigant mais les moindres recoins de votre maison seront passés au peigne fin. Ou, vous pouvez appliquer la loi de Pareto et vous dire qu’une fois sur deux, vous faites uniquement ce qui est le plus important dans votre ménage (passer l’aspirateur et faire la vaisselle par exemple) et que ces 20% d’action apporteront déjà que 80% de résultats de propreté générale. C’est franchement bien suffisant et vous-même vous aurez plus de temps pour lire un livre ou prendre un long bain.”

Encore une question : vous nous parlez de la shaking meditation ! C’est efficace ? Le calme offert perdure-t-il ?

“La shaking meditation est un outil que j’adore parce qu’il nous fait sentir plus libres, plus légères, plus insouciantes. Il s’agit juste de danser librement, sans crainte du regard des autres, cela dégage toutes nos hormones de stress et nous apporte également plus de joie. Est-ce que ce calme perdure ? Non, évidemment. Cela dure un temps et puis nous sommes toutes reprises dans le tourbillon et l’agitation de nos vies. Mais ce qui est fabuleux, c’est de découvrir des outils qui nous font du bien, qui sont gratuits, qui prennent très peu de temps et que nous pouvons répéter autant de fois que nous le souhaitons et dès que c’est nécessaire. Pour moi cette méditation dansée en est un exemple puissant.”

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J’arrête d’en faire trop est paru aux éditions Kennes, 240 p. , 24,90 euros.

 

 

 

 

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