Steven Laureys

La méditation sur prescription avec Steven Laureys

La méditation, régulatrice des émotions et de l’attention, fascine ! Le Professeur Steven Laureys, responsable du Centre du cerveau au CHU de Liège, relate son expérience et ses recherches dans son dernier livre « La méditation, c’est bon pour le cerveau ».

Reading Time: 5 minutes

Explications sur un cerveau entrainé

« Ce sont des difficultés dans ma vie privée et une rencontre – celle du moine bouddhiste et méditant Matthieu Ricard – qui m’ont amené à méditer et à en comprendre les bienfaits. J’ai voulu comprendre et tenter d’expliquer de façon scientifique et rationnelle ce qui se passait dans un cerveau qui méditait », raconte le Pr Steven Laureys, neurologue et spécialiste des états de conscience modifiée. « Matthieu Ricard a accepté de passer une série de tests dans notre laboratoire. Lorsque le moine méditait, dans notre IRM ou avec plus de 250 électrodes sur le crâne, nous avons pu observer que certaines zones cérébrales étaient davantage développées que chez d’autres personnes qui ont 70 ans, comme lui.

Les zones qui présentent le plus de changements, tant d’un point de vue de leur structure que du point de vue de leur fonctionnement sont l’hippocampe (déterminant pour la mémoire et les émotions), le cortex insulaire (important notamment pour la perception de la douleur), ou encore le cortex cérébral préfrontal (fondamental dans les prises de décisions). Même s’il est vrai que Mathieu Richard est un cas exceptionnel, il faut admettre que quand on entreprend de mesurer avec nos instruments (EEG, IRM, …) les effets de la méditation sur le cerveau, il est plus facile de les détecter et de les décrire précisément chez une personne très expérimentée.

En neurologie comme dans d’autres sciences, c’est bien souvent par l’étude des « cas extrêmes » qu’on fait progresser les connaissances ».L’analyse du cerveau d’autres experts en méditation donne lieu aux mêmes observations. Plus de 1.300 articles scientifiques ont été consacrés à la méditation l’année passée, cela semble beaucoup, mais en réalité, ces études sont encore loin de faire jeu égal avec les études cliniques publiées sur les médicaments !

A la portée de tout un chacun

La méditation commence à avoir des effets positifs sur le cerveau dès les premiers exercices. Il suffit de s’y mettre, et c’est à la portée de tout un chacun. Pas besoin de devenir moine bouddhiste ! « Plusieurs années de recherches sur la méditation m’ont permis d’acquérir de nombreuses connaissances. Je suis encore élève amateur en méditation, mais en tant que scientifique, je suis convaincu que la méditation peut contribuer à une meilleure santé mentale et à une meilleure qualité de vie » insiste le neurologue. « Je veux vous convaincre que la méditation peut être complémentaire de la médecine moderne occidentale.

Alors pourquoi ne pas tenter l’expérience ?  Tout le monde peut en tirer profit à condition de s’y ouvrir. Il suffit de construire vos propres liens avec la méditation en suivant un atelier ou un cours organisé par un professionnel qualifié, en installant une bonne application sur son smartphone, en lisant un livre avec un guide audio ou en regardant une vidéo sur Internet pour démarrer son propre programme de bien-être mental ». Même cinq ou dix minutes de méditation peuvent déjà faire du bien !

« Je fais ce que je peux »

Méditer, c’est consacrer son attention au fonctionnement, à la santé de son cerveau et de sa conscience. Pour essayer de mieux en comprendre les mécanismes. Et avoir une plus grande sensation générale de bien-être psychologique. « Pour moi, la méditation n’est pas uniquement une question de technique. Vous n’avez pas nécessairement besoin d’équipement ni d’endroit spécifique. Et selon moi, peu importe la posture adoptée ou si celle-ci semble différente de celle des autres : ce qui compte c’est de se sentir bien. Il n’y a aucune contrainte de temps non plus pour exécuter les exercices. Fondamentalement, un court entraînement répété suffit à induire des changements significatifs. Tout est dans la régularité , d’en faire une habitude – exercice qui ne se limite pas au 20 minutes en position du tailleur.»

« La méditation n’a rien de magique, ni d’ésotérique ou de religieux, il s’agit d’une gymnastique mentale, et de même qu’une gymnastique physique travaille nos mucles, cet entrainement de l’esprit agit sur les neurones et les neuromédiateurs. Je suis convaincu que la médecine de demain sera plus globale, plus intégrative : elle piochera plus volontiers dans une boîte à outils qui contiendra les médicaments, car il est évident que ceux-ci sont nécessaires et sauvent des vies, mais ne s’y limitera pas ».

La santé de notre cerveau

Notre cerveau est aujourd’hui parfois assailli de stimuli qui peuvent créer un stress chronique néfaste pour notre santé. Il est possible de « reconfigurer notre cerveau » notamment par la méditation.« Les effets précis sur le cerveau et sur les autres parties du corps ne sont connus que partiellement », reconnaît le chercheur. « Mais il existe suffisamment d’études qui en démontrent directement, ou indirectement, les nombreux bienfaits. Moins de pensées négatives, moins de ressassements, moins de stress. Un meilleur sommeil, de meilleures défenses immunitaires, une hypertension en baisse, des douleurs atténuées, des rechutes dépressives évitées… La liste est longue.».

En pratique !

Dans son livre, Steven Laureys propose des exercices, des techniques, des astuces. Pour méditer dans le calme pendant des heures. Ou se limiter à inspirer, expirer en pleine conscience. Chez soi, dans le bus, lors d’un embouteillage, au travail. Pour commencer, on peut se focaliser sur sa respiration ou sur un objet visible ou sur des stimuli extérieurs. D’écouter attentivement les bruits, les yeux fermés. D’utiliser son odorat. De s’ouvrir aux souvenirs, aux émotions qui reviennent à l’esprit. De les laisser passer puis de se concentrer de nouveau sur un stimulus sensoriel afin de se focaliser sur les stimuli de l’instant présent.

Eviter la dérive sectaire

Il existe très peu de risques ou d’effets indésirables. « Néanmoins il faut être prudent avec certains patients qui souffrent de maladies neuropsychiatriques graves et non stabilisées » insiste le Professeur Steven Laureys. Le danger est aussi que la méditation peut être un outil parfait pour faciliter l’emprise mentale et faciliter chez certaines personnes la dérive sectaire.

Pour éviter ces pièges, il est important de s’adresser à des médecins ou à des organismes employant des personnes dûment formées. Sur les réseaux sociaux, la méditation a tendance à être présentée comme une arme absolue pour ne plus être stressé, ne plus être anxieux, ne plus être déprimé, ne plus prendre ces médicaments : ce n’est pas nécessairement vrai, l’outil est intéressant et convient à de nombreux patients mais pas magique, et chez certains patients, il ne peut être dissocié d’un traitement médicamenteux.

Les livres sur la méditation sont nombreux, mais  « La Méditation, c’est bon pour le cerveau » est assez exceptionnel car il signé par un neurologue et neuroscientifique belge mondialement réputé. Le Dr Steven Laureys dirige, au CHU de Liège, le Centre du cerveau et à l’université de Liège l’unité de recherches GIGA Consciousness. Spécialiste du coma et des états de conscience altérés, il fait le point sur tout ce que la neurologie a pu apprendre et démontrer de cette pratique héritée du bouddhisme sur notre matière grise et notre état mental. Des mots simples, parfois émouvants. Un livre inspirant et référencé scientifiquement qui nous conscientise à ce que peut être la méditation : une aide inestimable pour notre bien-être et notre santé. 

Steven Laureys

“La méditation, c’est bon pour le cerveau” par Dr Steven Laureys. Editions Odile Jacob –  21,90 euros.


© Fiftyandme 2024