Le travail, c’est la santé ?

Elles ont la petite cinquantaine – ou plus. Les enfants sont devenus plus autonomes, elles veulent reprendre leur job. Sur le plan personnel, mais collectivement aussi, c’est quasiment un must.

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Il est loin le temps où Henri Salvador, ce grand adepte de la sieste, chantait que si “le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver”. Aujourd’hui, il aurait tout faux. Les femmes diplômées qui ont consacré plusieurs années à l’éducation de leurs enfants zapperaient si elles devaient encore l’entendre sur leur autoradio.

Le travail, c’est la santé. Oui, point à la ligne. Ne rien faire par contre, c’est déprimant sur le plan personnel et c’est irresponsable sur le plan collectif. Le travail est un puissant vecteur d’intégration sociale et de valorisation des efforts consentis pour décrocher un diplôme ; le bien-être que nos grands-parents et nos parents ont patiemment construit puis transmis est menacé par le degré inconsidéré d’inactivité des quinquagénaires. Seul(e) un(e) quinqua sur trois est au travail dans notre pays. Or, une des façons de remettre les deux autres au travail, c’est de faire en sorte que les femmes qui le souhaitent puissent rejoindre en souplesse les rangs des actifs à partir de la quarantaine, c’est-à-dire à partir de l’âge auquel leurs enfants sont devenus (plus) autonomes.

Certaines voix, toujours les mêmes hélas, critiquent ce genre de raisonnement : non, le travail n’est pas prioritaire ; oui, il y a autre chose dans la vie que de gagner de l’argent. Ces deux arguments ne tiennent pas la route. De fait, le travail n’est pas prioritaire. La meilleure preuve en est sans doute le fait que précisément beaucoup de femmes y renoncent, fût-ce partiellement, pour s’occuper (davantage) de leur progéniture. Il y a autre chose dans la vie que de gagner de l’argent ? Bien sûr, par exemple la valorisation personnelle et l’intégration sociale par le travail. Questionnez les professionnels des ressources humaines : ils vous répondront que statistiquement parlant le salaire n’est pas la première motivation de celles qui travaillent, a fortiori de celles qui veulent rejoindre le monde du travail après une interruption de carrière.

Il y a donc autre chose…

Et cette autre chose, explique Cécile, avocate, “c’est le fait de pouvoir répondre à cette aspiration profonde que j’ai toujours eue, tout au long des vingt années durant lesquelles j’ai interrompu ma carrière pour élever mes quatre enfants. Mon diplôme de droit, toute cette énergie que j’ai déployée à l’université et au début de ma carrière, j’ai toujours considéré que c’était un investissement pour plus tard”. Psychologiquement, Cécile se voit tout autant mère de famille et avocate : “sur ce plan, j’ai de la chance. Mon mari est ingénieur et il se voit tant père de famille que patron de PME”.

… que gagner de l’argent?

Anne, elle, est économiste. Elle avait choisi de travailler dans le secteur bancaire. Le mi-temps étant exclu, ses supérieurs s’y opposaient, elle avait décidé de prendre en charge la comptabilité d’une asbl, puis d’une deuxième, d’une troisième, de quoi occuper un tiers-temps. Quinze ans après, le petit dernier entame ses études secondaires, Anne songe à retravailler dans son domaine de prédilection. Hélas, il est exclu d’avoir des prétentions bancaires :”tout a changé en quinze ans. En plus, le secteur n’est pas au mieux de sa forme. J’ai postulé et je me suis retrouvée devant un directeur des ressources humaines qui m’a dit texto : je ne vais pas tourner autour du pot, vous avez quarante ans, je ne peux pas embaucher quelqu’un de quarante ans, sauf exception. Trouvez-vous que vous avez des compétences exceptionnelles à me proposer ? J’ai bien dû répondre que non”. Catastrophe ? Pas du tout. Le choc passé, Anne a décidé de se lancer comme indépendante. La compétence qu’elle avait acquise dans la compta des asbl lui a permis de rejoindre un cabinet en échange de l’engagement de suivre une formation spécialisée. Dont acte.

La morale de l’histoire ? “Il ne faut pas s’accrocher. Je suis reconnaissante à ce directeur des ressources humaines de m’avoir dit que je n’avais rien d’exceptionnel à ses yeux. J’avais perdu de vue que j’avais une compétence exceptionnelle ailleurs, dans la compta des asbl. Et comme je suis indépendante, je peux beaucoup plus facilement m’organiser que si je travaillais au quartier général d’une banque”.

Ces deux exemples montrent que les choses peuvent bien se passer. Ce n’est pas toujours le cas. Les difficultés, les déceptions et même parfois les échecs sont légion. Sans aller jusqu’à ses excès, songez à “La femme exemplaire”, cette série télévisée américaine qui raconte les mésaventures d’une femme “rentrante”, pour ne pas dire “sur le retour”, expressions horribles pour qualifier la trajectoire de ces diplômées qui, pour des raisons diverses, certes, renouent après bien des années avec le monde du travail.


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