On dit les femmes moins sexuelles que les hommes. Sans doute sont-elles moins sexualisées par les cultures patriarcales et les religions. Mais cette moindre sexualité doit être remise en question quand on se rend compte de la capacité orgasmique féminine. Au contraire des hommes, les femmes peuvent vivre non pas un orgasme au cours d’une relation mais des orgasmes multiples : deux, trois, quatre, cinq, six et bien davantage. Certaines peuvent même dépasser la centaine ! En 2008, Ronny Shtarkshall de l’Université Hébraïque de Jérusalem et son confrère Feldman ont consacré une publication scientifique à une femme désignée par les initiales A.N. qui peut connaître 100 orgasmes d’affilée !!! Des jouissances bien vécues, assumées et revendiquées, qu’il ne faut en rien confondre avec un désordre sexuel. A.N. demanda à rester anonyme et on la comprend tant il est vrai que nos cultures ont des préjugés négatifs à l’égard des femmes hautement sexuelles. Mais on sait que cette grande jouisseuse est une Américaine d’âge moyen, ayant un job, un mari et des enfants.
« Atypiques », les orgasmes multiples ?
Comment comprendre ces plaisirs infinis ? Cette capacité orgasmique est-elle innée ? Acquise? Fréquente? Relativement peu étudiée, elle fut même classée par certain.e.s spécialistes comme Barry Komisaruk, Carlos Beyer-Flores et Beverly Whipple (1) dans la catégories des “orgasmes atypiques”. Mais est-elle aussi atypique ? Est-elle rare ? Les études divergent fortement sur le sujet. Les unes estiment que 12 % des femmes vivent de multiples jouissances, quand d’autres avancent le pourcentage de 50%. Une dernière enquête (non scientifique) faite en 2018 par un site de rencontres extra-conjugales auprès de 5.971 personnes va plus loin et évalue que 77% de femmes connaissent l’orgasme multiple et que 39,8 % des femmes le vivent à chaque rapport.
La sexualité, ça s’apprend !
Cette capacité serait donc moins rare qu’on ne le pense. Mais peut-elle s’apprendre ? Ronny Shtarkshall (2), Marina Gérard de l’Université du Québec à Montréal (3) et d’autres auteur.e.s peuvent nous aider à répondre à cette question car iels ont fait des corrélations entre cette capacité multi-orgasmique et les profils des femmes qui l’éprouvent. Iels ont noté que pour pouvoir vivre cette salve de jouissances, il faut d’abord avoir un intérêt pour la sexualité. Ensuite, iels ont constaté que ces femmes connaissent bien leur fonctionnement orgasmique, savent ce qu’elles aiment et n’aiment pas, ce qui les excite ou pas. Ces femmes ont aussi découvert la masturbation jeunes; elles ont érotisé de nombreuses parties de leur corps. Elles ont un large répertoire d’activités sexuelles, peuvent mobiliser leurs phantasmes et se concentrer sur les sensations sans pensées parasites. Autant d’éléments qui sont acquis et non innés. On ne le dira jamais assez, la sexualité est un comportement qui s’apprend et nécessite de se débarrasser de certains préjugés, à commencer par celui que la sexualité appartient aux hommes et non aux femmes. La puissance sexuelle des femmes est grande !
(1 ) Barry Komisaruk, Carlos Beyer-Flores et Bevery Whipple, The science of orgasm. Johns Hopkins University Press. 2007
(2) Shtarkshall, R. A., Anonymous, & Feldman, B. S. A woman with a high capacity for multi-orgasms: A non-clinical case-report study. Étude publiée en 2008 dans Sexual and Relationship Therapy.
(3) Gérard, M. ; Berry, M. ; Shtarkshall, R. A. ; Amsel, R. ; Binik, Y. M; . Female Multiple Orgasm: An Exploratory Internet-Based Survey. Étude publiée en 2021 dans The Journal of Sex Research.
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