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Compassion ou égoïsme, quel est le secret des couples épanouis ?

Faut-il être centré sur l’autre ou soucieux de soi pour être bien dans sa vie amoureuse et sexuelle ? Voici les étonnants résultats d’une étude menée sur les couples d’âge mûr.

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Quel poète ne l’a-t-il pas chanté ? Quelle autrice ne l’a-t-elle pas célébré ? L’amour entre deux êtres est au cœur de nos vies. Pour certains, il est même l’élément essentiel qui donne sens à leur existence et assure leur sentiment de bonheur. Chacun et chacune jugera. Mais qu’est ce qui porte cet amour ? Qu’est ce qui fait que cette relation dans ses dimensions émotionnelles et sexuelles, soit vivante, épanouissante, enthousiasmante, enivrante ? Ce lien nécessite-t-il d’être tout entier tourné vers l’autre ? Nécessite-t-il d’être altruiste ? Ou au contraire, plus centré sur soi ?

Trois besoins essentiels à satisfaire

Pour répondre à ces questions difficiles, sans doute est-il intéressant de mettre l’amour en lien avec nos besoins psychologiques fondamentaux. A la fin des années septante, deux jeunes doctorants en psychologie, l’un américain, Edward Deci et l’autre australien, Richard Ryan, s’intéressent à la motivation humaine ou plus concrètement au pourquoi du comment de nos comportements et actions qu’elles soient professionnelles, éducationnelles, personnelles, relationnelles ou amoureuses. Deci et Ryan élaborent la fameuse théorie SDT (Self determination theory) ou TAD en français (théorie de l’autodétermination) qui postule que les êtres humains ont des besoins psychologiques fondamentaux qui, satisfaits, favorisent une motivation optimale et un bien-être personnel. Ces besoins seraient triples selon TAD; autonomie, compétence et relation. Le premier fait que nous ayons besoin de nous sentir à l’origine de nos actions et de pouvoir faire des choix en fonction de nos valeurs et intérêts personnels. Le deuxième, celui de la compétence, veut que nous éprouvions le besoin de nous sentir efficaces et capables d’atteindre des objectifs et de maîtriser des tâches importantes. Le troisième besoin, relationnel, veut que nous soyons connectés aux autres et que nous vivions des relations de qualité qui nous donnent un sentiment d’appartenance.

La pleine conscience pour satisfaire ces besoins

Ces besoins si fondamentaux pourraient-ils participer à notre épanouissement amoureux et sexuel? Et pourraient-ils être portés, facilités par les approches si prisées aujourd’hui de la méditation de pleine conscience, de l’auto-compassion et de la compassion pour autrui? On le rappelle, la pleine conscience est cette pratique méditative qui consiste à porter une attention intentionnelle et non-jugeante au moment présent, en observant ses pensées, ses émotions et ses sensations corporelles. L’auto-compassion consiste à être bienveillant envers soi-même dans les moments de souffrance ou d’échec, en reconnaissant que ces expériences font partie de la condition humaine. L’auto-compassion inclut l’auto-gentillesse, la conscience de notre humanité commune, et la pleine conscience de ses émotions difficiles sans jugement négatif. La compassion envers les autres est la capacité de percevoir les émotions  d’autrui et de ressentir un désir authentique d’y remédier. Elle implique l’empathie, la bienveillance et l’engagement à agir pour soulager cette souffrance. Cette attitude favorise des relations humaines plus profondes et harmonieuses.

Ces questions ont interpellé deux chercheurs canadiens, Christopher Quinn-Nilas et Robin R. Milhausen. Le psychologue et la sexologue ont croisé les besoins TAD et les approches de bien-être pour observer leurs effets sur la relation et la satisfaction sexuelle. Pour ce faire, ils ont interrogé quelque 640 personnes mariées et âgées de 40 à 59 ans et évalué via des questionnaires validés scientifiquement leurs besoins psychologiques basiques, la pleine conscience, l’auto-compassion, la compassion envers les autres, la satisfaction des besoins, leurs  satisfactions relationnelle et sexuelle.

L’autocompassion plus précieuse que la compassion pour autrui

Les résultats de cette étude (1) menée sur des couples matures sont des plus intéressants car ils montrent l’importance du bien-être personnel sur la satisfaction relationnelle et sexuelle. Il faut avant tout être bien avec soi-même pour être satisfait en amour! Voyons les résultats dans le détail. Au niveau des besoins fondamentaux du TAD, les deux chercheurs ont constaté que le besoin relationnel est le plus important et le plus impactant pour les couples. Les personnes qui ressentent un fort sentiment d’appartenance avec leur partenaire se sentent plus satisfaites de leur relation et de leur sexualité. Pas de grande surprise de ce côté là. Le besoin de compétence, ou le sentiment d’être efficace et capable au sein de la relation, a également une influence significative sur la qualité de la relation. Au niveau des approches psys, la pleine conscience et l’auto-compassion jouent sur la satisfaction relationnelle et sexuelle mais indirectement. En pratiquant la pleine conscience et l’auto-compassion, les  besoins psychologiques épinglés comme  fondamentaux par la théorie TAD , à savoir la compétence, l’autonomie et la relation, sont mieux assouvis. Du coup, vous êtes mieux dans votre relation et dans votre sexualité.

Ce qui est intéressant, c’est que l’étude révèle que la compassion envers les autres a moins d’effet sur la relation et la satisfaction sexuelle que l’auto-compassion. Même si faire preuve de sensibilité envers les autres est généralement bénéfique, c’est la satisfaction de ses propres besoins et l’auto-compassion qui ont un impact plus fort et plus direct sur la relation! Etre bienveillant envers soi-même, se traiter avec compréhension plutôt qu’avec sévérité, reconnaître ses imperfections et son humanité aide davantage au bien-être personnel, relationnel et sexuel dans les mariages d’âge mûr que la compassion envers les autres. Ces résultats vont sans doute à l’encontre de nos modèles éducatifs traditionnels qui insistent sur l’oubli de soi et le souci des autres mais cette étude montre qu’il faut d’abord être bien avec soi pour être bien avec les autres! Se soucier de soi pour mieux être avec les autres! Etre attentif à ses besoins TAD et compatissant envers soi pour être bien dans sa relation et sa vie sexuelle: un message essentiel, surtout  pour les femmes à qui depuis des millénaires, on apprend avant tout le souci des autres.

(1) Christopher Quinn-Nilas, Robin Milhausen (mai 2024), Mindfulness networks: Analyzing associations with self-compassion, other-compassion, need fulfillment, and satisfaction in midlife married Canadians.  Publié dans Personal Relationships.

 


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