De Karmeliet, ses bonnes étoiles

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L’accueil est chaleureux et prévenant, à la hauteur des trois étoiles Michelin de cet établissement brugeois. Nous pensions avoir croisé Christian Clavier à l’entrée, mais Mireille Van Hecke, la maîtresse de maison se gardera bien de confirmer. On vient ici pour déguster les étoiles, pas pour lorgner les stars. La discrétion de la Maison est légendaire à bien des niveaux.

Le couple Geert et Mireille Van Hecke a ouvert son restaurant à Bruges en 1983. Depuis lors, fidèle à l’esprit de ses maîtres français, Geert a toujours proposé une cuisine française classique, avec quelques touches belges et contemporaines en prime. Dans un répertoire varié, c’est le goût de l’aliment “pure nature” qui a toujours tenu le premier rôle dans un cadre d’un bon goût tout aussi maîtrisé : « Je m’occupe de tout. Du service de table au décor. A la maison, on a toujours aimé le beau. J’ai été élevé comme ça. »

Web Karmeliet Geert et Mireille Van Hecke

Une clientèle de fins becs apprécie ses classiques évoluant avec l’air du temps sans perdre une once de leur identité gustative. « Nous accueillons très souvent des clients fidèles, même parmi des touristes américains, brésiliens, japonais ou russes qui reviennent régulièrement. Beaucoup de clients viennent du nord de la France aussi, où ils ne sont pas aussi gâtés, sur le plan de la haute gastronomie, que dans d’autres régions de l’Hexagone. Mais la majorité de notre clientèle est belge. Les habitués savent que je privilégie le goût plutôt que l’expérimentation. Pour être fascinant, un produit doit d’abord être bon pour moi. »

Pas vraiment “cuisine moléculaire” donc, notre Geert Van Hecke… « Pour moi, le seul chef qui a vraiment renouvelé la cuisine a été Ferran Adrià d’El Bulli. Je suis allé manger chez lui et lui chez moi. Et nous avons mutuellement apprécié notre cuisine. Mais il est le seul pour moi à avoir fait quelque chose de nouveau. Pour le reste, tout est souvent variation et copie. »

Digne héritier

Les guides gastronomiques, tout comme les médias, ont toujours soutenu cette cuisine sophistiquée mais sans prétention de Geert Van Hecke. « J’aime la simplicité. Ma femme et moi allons au restaurant tous les lundis midi. Nous choisissons toujours de petits restaurants sans prétention, mais de qualité. On adore les soles. On a nos petites adresses dans la région. »

Nombre de jeunes chefs du pays ont été formés autour des fourneaux de Geert Van Hecke et perpétuent ainsi une tradition gastronomique basée sur l’authenticité et le produit.

Web Karmeliet

Heureusement que cette cuisine trois étoiles parle d’elle-même, parce que le chef qui la prépare est d’une discrétion légendaire à l’heure où nombre de chefs, petits et grands, ont la langue plutôt bien pendue dans le monde des médias et de la télévision en particulier. Pendant son adolescence déjà, tout le monde avait observé la discrétion de ce génie du goût. Mais à la très réputée Ecole hôtelière Ter Duinen à Coxyde, on avait également observé ses réserves d’énergie impressionnantes et son amour pour le travail bien fait. Ces qualités seront déterminantes pour la suite de sa carrière.

Après l’école hôtelière, Geert fera ses premières armes au Sanglier des Ardennes à Durbuy puis à la Villa Lorraine à Bruxelles. Mais Geert voit plus loin.

A 21 ans, il se fait recruter dans un restaurant à Mionnay près de Lyon. C’était chez le triple étoilé Alain Chapel dont Geert Van Hecke est considéré comme l’un des principaux héritiers culinaires. De grands noms comme Michel Roux et Alain Ducasse sont également passés par là à l’époque… Chaque jour, pendant deux ans, Geert s’est affairé avec passion autour des fourneaux et des produits (déjà) biologiques d’Alain Chapel, accomplissant parfois des journées de 17 heures de travail d’affilée.

Léger et contemporain

Mais en 1983, Geert Van Hecke et sa femme Mireille décident d’ouvrir leur propre restaurant. Ce sera dans la Jerusalemstraat à Bruges. L’endroit était original : il s’agissait de deux petites maisons qui avaient été occupées jadis par des carmélites. Deux ans après l’ouverture, Michelin accorde sa première étoile à l’établissement. « Notre cuisine apportait quelque chose de nouveau grâce au type de produits que nous proposions dans le menu : du maquereau, des asperges vertes, des aromates comme le gingembre… Tout cela n’était pas courant dans les grands restaurants du pays à l’époque. Je prépare d’ailleurs toujours le maquereau. On m’a montré des lettres adressées par quelques personnes au guide Michelin qui se montraient scandalisées par le fait que j’osais servir un poisson aussi populaire dans mon restaurant. Mais je ne m’en suis jamais offusqué et Michelin non plus d’ailleurs. Qu’y a-t-il de mal à servir un poisson aussi fantastique et goûteux que le maquereau ? »

Web Karmeliet 3

En 1989, Michelin attribue une deuxième étoile au Karmeliet. Les deux petites maisons de carmélites et la cuisine exiguë ne parviennent plus à se montrer à la hauteur du flux de visiteurs. De Karmeliet quittera donc sa première adresse légendaire à Bruges pour s’installer dans une maison de maître dans la Langestraat où Geert et Mireille nous accueillent aujourd’hui.

Web Karmeliet 2

La troisième étoile suivra en 1996. Même si la carte est plus que variée, la recette de Geert Van Hecke est restée la même : « Je propose une gastronomie légère et contemporaine basée sur des classiques de la cuisine belge et française. Aujourd’hui encore, je me laisse inspirer par les préparations de mon maître et bien sûr aussi par mes propres acquis au cours des 30 dernières années. »

En moyenne, un repas au Karmeliet revient à 200 à 220 €, vins compris.

La cantine de Geert Van Hecke

Web Geert Van Hecke Refter

Avec son Bistro Refter qui communique via le jardin avec son restaurant gastronomique, le chef flamand propose des menus dans une ambiance plus informelle. Nombre de plats servis au Refter proviennent d’ailleurs de la carte “première version” du Karmeliet, comme le hochepot royal, le coquelet grillé, l’épaule d’agneau des Pyrénées, beaucoup de porc, du lapin cuit au four pendant huit heures, etc. « J’ai toujours aimé ce genre de préparations, nous confie Geert. Nous ne les servons plus au Karmeliet, mais chez moi je les prépare toujours. C’est mon côté nostalgique. »

Web Refter


De Karmeliet, Langestraat 19 – 8000 Brugge – Tél. 050 33 82 59
www.dekarmeliet.be

Refter, Molenmeers 2 – 8000 Brugge – Tél. 050 44 49 00
www.bistrorefter.com

Texte : Serge Vanmaercke
Parution : Gentleman n° 2 – Automne / Hiver 2013
Article publié sur le www.gentleman.be


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