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La Femme de la Semaine : Rencontre avec Colette Piat

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Avec 41 livres et 70 pièces de théâtre à son actif, Colette Piat est une véritable référence en matière de littérature et de sagesse. Nous ne nous aventurerons pas à essayer de lui donner un âge… même Wikipédia n’y est pas parvenu ! Inspirons-nous plutôt du parcours de cette grande humaniste qui a fait de sa vie un monde libre où seules règnent la force de conviction et la vérité.

Une femme de valeurs

« Ma famille venait d’une classe sociale élevée. Mon père était un grand intellectuel et ne voulait absolument pas entendre parler de médiocrité. Lorsque je suis allée passer mon baccalauréat de droit, mon père m’a dit : “Reviens debout ou dessous.” C’est une image empruntée aux Gaulois : le guerrier revenait soit debout avec son armure, soit mort avec son armure sur lui. Cela m’a stimulée et j’ai visé la réussite ! Tout ce que j’ai réalisé, je le dois en grande partie à mon héritage familial. Du côté paternel, tous étaient intellectuels, ils m’ont légué leur savoir et tous leurs livres. Ils ont fait en sorte que ce formidable héritage se perpétue de génération en génération. J’étais constamment entourée de citations de grands philosophes. J’étais réellement dans l’ouate de la connaissance. Du côté maternel, ma mère était une petite couturière du milieu ouvrier : elle m’a transmis son courage physique et moral. (…) L’éducation que j’ai reçue n’a pas fait de moi une mère que les gens prennent en exemple. J’ai élevé mes deux enfants tout en poursuivant également ma carrière d’avocate. Je n’étais donc pas forcément là lorsqu’il fallait changer leurs couches. Je les aime énormément, mais je pense que, lorsqu’une femme occupe une fonction à responsabilités, elle ne peut pas se tenir toute la journée près du berceau et les rapports qu’elle entretient avec ses enfants se transforment. Personnellement, j’ai toujours veillé à ce qu’ils aient toutes les clés en main pour entreprendre leur vie malgré le fait que je n’étais pas toujours présente physiquement. Je trouve cela révoltant — et particulièrement malhonnête — de continuer à répandre l’idée qu’une bonne mère est une mère disponible à toute heure du jour et de la nuit. Si tu n’es pas une femme avec un balai et des casseroles dans les mains, ce n’est pas pour autant que tu es totalement désengagée vis-à-vis de tes enfants ! À mes yeux, l’héritage intellectuel que nous laissons à nos enfants est tout aussi important, si ce n’est plus important, que notre présence physique, car il leur offre une ouverture sur le monde. Et c’est celle-ci et uniquement celle-ci qui les prédisposera à avoir un accès illimité sur ce qu’ils désirent entreprendre. Aidons-les à s’épanouir dans des fonctions autres que celles du parfait petit employé. Et montrons-leur l’exemple, car nos enfants voient en eux ce qu’ils perçoivent en nous. »

Nos valeurs sont nos guides. Elles sont un héritage issu de nos familles, de nos expériences et des personnes que nous rencontrons. Est-ce que notre métier est en cohérence avec nos valeurs ? Est-ce qu’un métier choisi à 18 ans respectera les valeurs que nous aurons plus tard ? Colette en a fait l’expérience et s’est réorientée, à la quarantaine, vers son «  métier de coeur ». Cette décision l’a rendue fauchée par moments, mais heureuse constamment : « J’ai commencé ma carrière d’avocate à 20 ans. J’aimais l’idée de défendre la veuve et l’orphelin, car je venais d’une famille juive. J’ai connu l’occupation et certaines personnes de ma famille sont décédées dans les camps de concentration. J’ai vu de mes propres yeux ce dont l’être humain était capable en matière d’injustice. Mon père cachait son étoile, de honte, et les voisins le dénonçaient, car il “devait” la porter. Mes parents m’ont baptisée contre leur foi pour me protéger. Heureusement, ils ont pu échapper à la police. À cette époque, le métier d’avocate s’est imposé comme une évidence, car je désirais rétablir la vérité et la justice. Au début de ma carrière, je n’avais aucun client. À l’époque, il ne faisait pas bon être femme, avocate et juive. Je prenais donc tous les clients qui se présentaient, sans exception ! Je faisais du droit à toutes les sauces. Peu à peu, je me suis cognée à beaucoup d’affaires injustes, car les magistrats ont aussi leurs préjugés. J’ai eu beaucoup de mal à l’accepter, car l’injustice me révolte. L’épisode fatidique s’est produit lorsque l’un de mes clients s’est suicidé à la suite d’une décision totalement partiale du juge. Il s’agissait d’un homme de 25 ans dont la femme était partie avec son amant. Elle avait pris avec elle son fils de 3 ans, mais s’en était débarrassée pour le placer entre les mains d’une nourrice de l’assistance publique. Le père avait des attestations des quatre grands-parents pour dire que c’était un excellent père. J’étais certaine qu’il n’y aurait pas de problème et que j’en faisais mon affaire, mais je suis tombée sur un juge qui était un imbécile et qui préférait laisser un enfant chez une nourrice plutôt que chez son propre père. Lorsque j’ai annoncé à mon client qu’il avait un droit de visite deux dimanches par mois, il m’a dit : “Mais je ne suis pas libre le dimanche, je suis boulanger, donc je ne pourrai plus jamais voir mon enfant.”Le soir même, il se suicidait. Lorsque j’ai appelé le juge pour le lui annoncer, il m’a dit : “je ne vois pas en quoi cela me concerne !” J’ai raccroché, j’étais scandalisée, et j’ai décidé que la justice et moi, c’était terminé. J’ai déboutonné ma robe d’avocate et n’ai plus jamais voulu en entendre parler !

J’ai donc écrit mon premier livre, “Une robe noire accuse ! » Après cela, je ne me suis plus arrêtée, j’écrivais comme je pensais. Mon but était de faire évoluer les mentalités. Par exemple, si j’ai réalisé la trilogie policière ‘Lady Blood’, c’est parce que j’étais exaspérée de voir la femme réduite aux symboles de « pute » ou de victime dans les polars que je lisais. Plus je lisais et plus j’étais en colère. De manière générale, je trouvais que leur façon de traiter les femmes était méprisante. J’ai donc créé Lady Blood : une juge à la tête des affaires au pénal. Elle était irrésistible, intelligente, intraitable et menait les hommes à la baguette. Pour une fois, la vapeur était inversée! »

photo colette piat

Une femme extra et ordinaire

Les enfants ont un incroyable potentiel créateur. En devenant adultes, ils oublient que tout est possible et que c’est dans leur esprit que rien ne l’est. Colette Piat qui se définit comme une ‘éternelle adolescente’, s’est tenue loin des croyances limitantes et a suivi la voie des possibles en construisant ce qui deviendra sa plus belle fierté.

« Mon second mari avait envie d’un voilier, mais nous avions 3 francs 6 sous. Alors, j’ai eu une idée. J’ai appelé le directeur des éditions du Pen Duick et je l’ai convaincu de publier l’histoire de la construction du bateau. Il m’a rédigé une lettre avec laquelle je suis allée voir tous les fabricants en leur disant que le livre leur ferait de la publicité : nous allions les citer dans le livre en échange de matériaux. Je leur faisais mon cinéma. J’ai joué à la femme qui était experte dans ce domaine et qui savait où elle allait. Ils y ont tous cru, car ils me voyaient décidée. En réalité, je ne savais pas enfoncer un clou. Je suis parvenue à avoir un apport de 2 millions de francs des fournisseurs par ma seule force de conviction. Vous aussi, vous devez convaincre les gens que vous êtes quelqu’un de formidable. C’est un jeu. Si vous êtes décidée, rien ne peut vous arrêter. Vous pouvez être idiote et avoir beaucoup de succès et, à l’inverse, être très intelligente et avoir beaucoup de difficultés. La clé réside dans votre pouvoir de conviction et votre stratégie et non dans votre talent. Entourez-vous de gens qui vous donnent du courage et persévérez, car une femme énergique est une femme extraordinaire ! »

Soyez celle que vous voulez être !

Colette Piat, née Blum, était « juive, femme et bien trop jeune » pour passer le Concours de la Conférence du Barreau de Paris à 20 ans. Pourtant, elle y a gagné le prix de l’improvisation. Une jeune effrontée ? Colette a quitté son premier mari qui la trompait et la battait, après 18 ans de mariage. Elle est partie avec un homme de 20 ans son cadet qu’elle avait rencontré au Club Med en tant que GO. Leur belle histoire d’amour affiche maintenant 40 ans au compteur. Cela fait-il d’elle une mauvaise épouse ? Colette a consacré beaucoup de temps à son métier d’avocate et ensuite d’écrivain, ce qui l’a tenue loin du balai et des couches. Elle a transmis à ses enfants son bien le plus précieux : le savoir. Cela fait-il d’elle une mauvaise mère ? Elle n’avait aucune formation d’auteure ou de mise en scène et pourtant, elle a écrit plus de 40 ouvrages et 70 pièces de théâtre! Vous êtes sans formation, vous dites ? Élevée à l’intellect, Colette n’avait jamais travaillé de ses mains. En cinq ans, elle a pourtant construit de A à Z, avec l’aide de son compagnon, un bateau avec lequel ils ont fait le tour du monde en 7 ans.

Rien ne l’a arrêtée : ni le jugement des autres, ni les préjugés, ni les barrières tacites de la société, car ce que les autres pensaient de ses choix, c’était leur réalité, pas la sienne !

Mieux la connaître…

Son conseil ? Si vous voulez absolument quelque chose, vous y arriverez ! Tout est une question d’acharnement. Vous essuierez très certainement des refus avant d’obtenir un ‘oui’. Ne vous découragez pas. Accrochez-vous et essayez encore, car le ‘non’ pose les conditions du futur ‘oui’.

Sa citation préférée ? ‘L’âge est une lutte pour la vie’. Colette ne donne jamais son âge, car elle considère qu’en y prêtant attention, on se condamne soi-même à mort. Pour elle, si les gens tentent constamment de tricher sur leur âge, c’est parce qu’ils ont une raison professionnelle ou personnelle. Par exemple, cela peut être une entrave à une recherche de travail ou à une relation amoureuse. Pour elle, nous devons laisser vivre les gens à l’âge qu’ils désirent, sans leur infliger ce frein particulièrement inutile. Son secret pour y parvenir ? Colette nous confie avec un sourire coquin : ‘Lorsqu’on vous le demande, répondez simplement que vous avez oublié !’

Ses superpouvoirs ?

1. L’amour du travail : Colette est une acharnée qui peut écrire 20 à 30 pages en 2 heures et un roman en 3 mois. Pour garder cette vivacité, elle aime se ressourcer en allant se balader dans la nature ou en nageant.

2. La franchise : si Colette considère que toute réflexion ne doit pas nécessairement être dite, elle n’a néanmoins pas sa langue en poche lorsqu’elle est témoin d’un acte d’injustice, quitte à prendre des risques pour elle-même.

Son plat préféré ? Colette a un énorme appétit pour la tendresse. Elle est très sensible aux souffrances de l’humanité et croit énormément aux rapports humains. Elle est convaincue que les êtres humains peuvent faire des miracles lorsqu’ils décident de s’entraider.

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Cet article vous a plu ? Ne manquez pas la rencontre avec notre Femme de la Semaine prochaine.

 


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