CBD

Le CBD : c’est quoi ?

Le cannabis utilisé à des fins thérapeutiques est autorisé en Belgique. Mais pas dans tous les cas et pas n’importe comment ! Décryptage d’une légalisation particulièrement complexe !

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Cannabis & cannabidiol : de quoi parle-t-on ?

CBD est l’abréviation du terme « cannabidiol ». Cette molécule fait partie des nombreux (autour de deux cents, selon l’Organisation Mondiale de la Santé) cannabinoïdes présents dans le chanvre, aussi appelé cannabis. A l’inverse de l’actif le plus connu de la plante, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), le CBD, qu’il soit présenté sous forme de fleur, d’huile ou de produits alimentaires, n’a pas d’effet stupéfiant sur le consommateur. Autrement dit, pas d’effet « planant » similaire à celui procuré par le THC. 

A l’état naturel, certaines variétés de la plante sont davantage chargées en CBD, d’autres en THC. Le cannabis sous forme de drogue, donc illicite, contient généralement environ 15 % de THC, un chiffre en hausse constante depuis les années 1990.

La Belgique, comme 17 autres pays européens, autorise la prescription du médicament Sativex, un spray buccal qui contient du CBD et du THC et est destiné aux patients atteints de sclérose en plaque. La plupart des pays d’Europe ont adopté une réglementation autour des produits à base de CBD, notamment en légiférant sur leur teneur en THC. En Belgique, en Allemagne, en Espagne et en France par exemple, la teneur en THC des plants de chanvre utilisés ne doit pas dépasser 0,2 %. En Suisse, ce taux est de 1 %. En Italie il est de 0,6 %. On voit combien la tolérance vis-à-vis des taux de THC reste peu univoque en Europe.

D’après les données scientifiques actuellement disponibles, l’utilisation de CBD pourrait être intéressante dans le traitement de différentes maladies telles que l’épilepsie, la sclérose en plaques, la douleur chronique, la maladie de Parkinson ou la schizophrénie. Et ce, d’autant plus que les effets indésirables liés à cet usage thérapeutique semblent limités. Par contre, les effets miraculeux que certains sites web attribuent au CBD sont clairement à prendre avec des pincettes car ils manquent de preuves scientifiques.

CBD en pharmacie

Depuis août 2019, il est possible de se procurer du cannabidiol sous ordonnance médicale en pharmacie. En effet, l’utilisation de « matières premières telles que le cannabidiol contenant des traces de THC » est autorisée pour des préparations magistrales si l’exposition du patient au THC ne dépasse pas 1 microgramme par kilogramme de poids corporel par jour. Le porte-parole de l’AFMPS, Olivier Christiaens, souligne que le CBD peut être vendu légalement comme médicament uniquement par les pharmaciens. Il met également la population en garde contre les « CBD shops », qui proposent des produits à base de cannabidiol. « Contrairement aux pharmacies, il n’y a pas de contrôle de qualité du produit et de suivi médical dans ces magasins ». Les pharmaciens peuvent transformer la poudre pharmaceutique CBD en huile, en pilules ou en pommade. La vente de compléments alimentaires à base de CBD est actuellement interdite. Prescrire du Cannabidiol (CBD) à ses patients ? Le docteur Dominique Lossignol est pour, mais en pratique, le médecin s’interroge sur l’accessibilité de cette substance en pharmacie…

Manque d’accessibilité 

« Le CBD est disponible en pharmacie, il est non remboursé, avec un prix très élevé et qui ne va pas du tout régler le problème de son utilisation dans d’autres circuits et empêcher le marché noir. C’est une fausse bonne nouvelle », explique le Docteur Dominique Lossignol, chef de service des soins palliatifs, à l’Institut Bordet. « Pour les problèmes de nausée, de trouble de l’appétit, du sommeil… c’est une molécule qui peut avoir un intérêt thérapeutique, comme d’autres. Je n’ai pas dit que ça devra remplacer les autres médicaments. Mais l’intérêt du CBD, c’est que son efficacité est associée à une très faible voire une absence de toxicité », précise Dominique Lossignol. « Je déplore qu’actuellement des malades soient contraints de se mettre dans l’illégalité pour ne plus avoir mal. Je ne comprends pas pourquoi, au 21e siècle, nos patients ne pourraient pas bénéficier de ce traitement. In fine, on punit les gens deux fois. Ils ont mal et on ne leur permet pas de se soulager. D’un point de vue philosophique et moral, c’est très discutable. Cette complexité et ce flou juridique encouragent les patients qui souffrent à se fournir hors des circuits médicaux traditionnels, avec les dangers que cela présente : manque de contrôle, dosage, effets indésirables… »

Tout le monde n’est pas du même avis 

Pour la Société belge de la douleur (Belgian Pain Society ou BPS), l’Association anesthésiologique flamande et le Groupe régional interdisciplinaire pour la douleur (Grid), les preuves scientifiques de l’efficacité des cannabinoïdes sont insuffisantes. La publicité faite auprès du grand public autour de ces produits donne « une image faussement rassurante » de l’utilisation des cannabinoïdes, insistent les trois organisations. Autre inquiétude des médecins spécialisés dans le traitement de la douleur : les risques « majeurs » (dépendance, psychose, dépression et suicide chez les jeunes adultes) sont, à l’inverse, insuffisamment rapportés. Le CBD produit aussi des effets secondaires comme des problèmes gastro-intestinaux et de la somnolence. « Le monde médical est très en retard par rapport aux connaissances sur le sujet, même si ça change avec la nouvelle génération. L’OMS elle-même a conclu fin 2017 que le CBD n’était pas dangereux et n’était pas susceptible de créer une dépendance. Supprimé de la liste des produits dopants, il était même autorisé lors de la dernière Coupe du Monde de foot en Russie ».

En janvier 2017, la NASEM (National Academy of Sciences, Engineering and Medicine) a publié un rapport sur l’usage du cannabis durant les 15 dernières années. Il identifie une centaine de domaines dans lesquels le cannabis a un intérêt thérapeutique potentiel, du cancer du poumon aux problèmes d’addiction. Et le rapport s’appuie sur plus de 10.000 publications…

« Ce n’est pas forcément le produit miracle mais ça peut faire une différence dans certaines circonstances. Et quand ça aide, ça aide bien », affirme Dominique Lossignol. « Si ça soulage 30 % des patients, c’est déjà ça. Il ne faut pas se priver d’une possibilité dans l’éventail des traitements qu’on peut proposer ». Pour ce médecin spécialiste, il n’y a pas de doutes, le CBD fonctionne !

Le business des CBD shops 

Que ce soit sur le web ou dans des boutiques spécialisées, l’huile de CBD et toute une série de produits dérivés contenant du CBD sont très en vogue depuis quelques mois. De plus en plus de clients se procurent des huiles dans ces cannabis shops pour soigner leur stress, trouver le sommeil ou soulager des douleurs en plaçant quelques gouttes sous la langue par exemple. Les fleurs séchées de chanvre contenant du cannabidiol et moins de 0,2 % de THC peuvent légalement être vendues aux personnes de plus de 18 ans. Considérées comme « novel food », les denrées à base d’extraits de CBD ne peuvent être mises sur le marché.

Pourtant, dans les cannabis shops, les emballages indiquent « 100 % légal en Europe », mais aussi « interdit aux moins de 18 ans » et… « ne pas fumer ». Ces produits sont en fait vendus comme tisanes ou « pots-pourris », afin d’échapper aux coûteuses règles des produits du tabac. « C’est un contournement clair de la législation », explique Mathieu Capouet, expert tabac au SPF Santé publique. « Jusqu’ici, on ne pouvait donner que des avertissements. Le nouvel arrêté royal nous donne une arme supplémentaire en termes de contrôle. On va désormais pouvoir verbaliser et saisir les produits si les règles ne sont pas respectées ». Ces commerces de « cannabis light » ne sont pas des pharmacies. Il n’y a aucune certitude sur le contenu et la concentration des produits, la traçabilité et leur efficacité. Un cadre légal, des dosages précis et une traçabilité des produits doivent être mis en place.

 


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