Maladie d’Alzheimer, la recherche avance

Le plus grand espoir pour traiter la maladie d’Alzheimer serait d’arriver à la prévenir avant que les pertes de mémoire ne surviennent. Où en est-on ?

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Le Dr Bernard Hanseeuw, neurologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc et chercheur à l’Institut des Neuroscience de l’UCLouvain a récemment fait avancer la recherche. Grâce à l’imagerie médicale, il parvient à détecter les lésions qui apparaissent 10 à 20 ans avant les symptômes.

« La définition clinique de la maladie d’Alzheimer implique initialement des troubles de la mémoire qui s’accentuent progressivement pour arriver à un tableau de démence avec la perte de l’autonomie du patient », explique le Dr Bernard Hanseeuw. A côté de cela, la définition pathologique consiste en la présence de deux lésions, appelées plaques séniles et dégénérescences neuro-fibrillaires, et chacune contient une protéine spécifique qui s’y accumule : amyloïde et tau. La distinction entre la définition clinique et pathologique tient au fait qu’un patient peut tout à fait avoir des lésions Alzheimer dans le cerveau sans avoir de symptômes et, à l’inverse, il peut y avoir de gros troubles de la mémoire sans que l’on ne décèle la présence de plaques séniles ou de dégénérescences neuro-fibrillaires ». Dans le premier cas, on parle de maladie d’Alzheimer asymptomatique ; dans le second cas, il s’agit d’une démence non-Alzheimer.

Dépister la maladie d’Alzheimer

Près de la moitié des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne sont pas diagnostiquées. On la dépistera avant tout par un bilan neuropsychologique destiné à évaluer les symptômes cliniques : le langage, l’attention, les fonctions exécutives, ainsi que la mémoire, surtout la mémoire épisodique, qui préserve le souvenir des événements récents, et la mémoire de travail, qui nous permet de retenir brièvement de nouvelles informations. Le grand problème est que le diagnostic n’est posé qu’au stade avancé de la maladie (comme la démence). Or la prise en charge et le pronostic de la maladie sont bien meilleurs lors d’un diagnostic précoce. A l’heure actuelle, pour confirmer une maladie d’Alzheimer lors de troubles cognitifs légers, il y a également l’IRM cérébrale et le PET-scan au glucose, qui permet d’évaluer le fonctionnement du cerveau. Un dosage des protéines amyloïde et tau présentes dans le liquide céphalorachidien est également fort utile pour confirmer avec certitude le diagnostic, même lorsque les symptômes ne sont que très légers.

Anticiper les troubles de la mémoire grâce au PET-scan

L’imagerie médicale progresse sans cesse. Dans ce cadre, le spécialiste belge a passé trois ans à la Harvard Medical School de Boston afin de se former à deux techniques d’imagerie moléculaire par PET-scan visant à dépister la présence en quantité élevée dans le cerveau des deux principales protéines responsables de la maladie d’Alzheimer, à savoir la protéine amyloïde dont la technique de dépistage a été développée en 2004 à Pittsburgh et la protéine tau, dont un nouveau traceur a vu le jour à Harvard en 2014. « Avec ces outils révolutionnaires, nous ouvrons des portes pour la recherche d’un traitement de prévention », s’enthousiasme le chercheur.

« En effet, outre le fait d’avoir des diagnostics et des pronostics plus précis, cette nouvelle technologie d’imagerie médicale va permettre de travailler sur la phase préclinique de la maladie, lorsqu’il y a des lésions mais pas encore de symptômes ». Toutes les personnes que nous voyons en consultation ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. Or, près d’un tiers de la population âgée a des lésions de type amyloïde dans le cerveau mais pas encore de symptômes. C’est la partie immergée de l’iceberg, la plus importante en taille. La phase située entre l’apparition des lésions et le début des symptômes durerait entre 10 et 20 ans. Dans un contexte de vieillissement de la population cela devient un véritable problème de santé publique : plus les gens vivront longtemps, plus notre bateau fonce vers l’iceberg ! »

« La phase située entre l’apparition des lésions et celle des symptômes constitue une magnifique opportunité pour réaliser de la prévention et des études cliniques. »

Quels traitements ?

« Nous avons à présent un historique d’environ 20 ans de recherche dans la maladie d’Alzheimer où la majorité des essais de traitement se sont soldés par des échecs. Pour certains scientifiques, la raison est que l’on a entrepris ces traitements trop tard, quand les patients étaient déjà déments. On dispose néanmoins de médications symptomatiques, qui vont donc agir sur les symptômes mais pas sur la maladie. Ils peuvent soutenir temporairement les prestations cognitives du patient, mais n’ont aucune influence bénéfique prouvée sur l’évolution de la maladie. Et comme les lésions continuent à progresser, à un moment donné, le traitement ne sert plus à rien. »

La recherche se poursuit et consacre ses efforts, entre autres, aux traitements préventifs de la maladie, en intervenant sur le dépistage et les facteurs qui favorisent l’apparition des plaques amyloïdes et de la dégénérescence neuro-fibrillaire.

« Je ne crois pas que nous découvrirons du jour au lendemain une pilule magique contre l’Alzheimer. Cependant, je suis persuadé que, grâce aux nouvelles technologies de PET-scan, nous pourrons à terme mettre au point un traitement qui diminuerait les risques de développer une maladie d’Alzheimer après dépistage. »

A l’heure actuelle, les PET-scan amyloïde et tau sont réalisables en Belgique, mais uniquement dans le cadre de protocole de recherche ; contrairement au PET-scan au glucose, ils ne sont pas pris en charge par l’INAMI.

Protéger son cœur, c’est protéger son cerveau

La prévention de la démence s’apparente à la prévention de la maladie cardio-vasculaire : avoir une hygiène de vie équilibrée basée sur une alimentation équilibrée et colorée, exercer une activité sportive, et ne pas fumer ! L’hypertension, ainsi que tous les troubles liés au métabolisme des lipides, joue un rôle défavorable sur la mémoire. Si la maladie d’Alzheimer est la première cause de démence, l’atteinte des vaisseaux cérébraux en est la deuxième. Les relations réciproques entre le degré d’activités physiques ou intellectuelles, qu’elles soient professionnelles ou de loisirs, sont connues de longue date et il est de plus en plus évident que la conservation d’activités professionnelles ou autres s’assortit d’une meilleure préservation du fonctionnement cognitif.

 


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